Les médecins, les scientifiques de l’OMS et toutes les organisations chargées de la santé publique ne cessaient de nous le dire. Nous sommes à deux doigts d’une pandémie mondiale ravageuse. La question à laquelle personne ne peut répondre est celle de la source de cette maladie attendue et quasi certaine. Sera-ce Ebola, Zika ou Nepah comme on le craignait à l’origine ? Ou le coronavirus chinois qui fait aujourd’hui trembler le monde ? Ce virus semble un candidat tout à fait sérieux pour déclencher une pandémie mondiale. D’autant que les scientifiques sont quasiment unanimes : la prochaine pandémie mondiale sera propagée par les voies respiratoires ; elle sera a priori non létale, mais causée par un virus, qui se propageant partout dans le monde, causerait une hécatombe.
Les données de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) sont formelles : la probabilité de l’émergence d’une pandémie ne cesse d’augmenter. Chaque jour on apprend l’existence d’un nouvel agent pathogène tandis que la population mondiale ne cesse d’augmenter et les interconnexions au travers de la planète se font de plus en plus denses. Une réunion de paramètres qui favoriseraient l’éclosion et la propagation d’une maladie ravageuse.
Selon l’organisme en charge de la santé dans le monde, une pandémie mondiale pourrait éclater à tout moment. De quelle maladie s’agit-il ? S’agirait-il d’une maladie encore inconnue que l’OMS désigne sous le nom de « maladie X », un mystérieux agent pathogène qui n’a pas encore été découvert mais dont la menace est imminente et apparemment inévitable ? Un danger inscrit dans la liste des épidémies les plus dangereuses, au même titre qu’Ébola, la fièvre hémorragique, le coronavirus du syndrome respiratoire (MERS), le syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS) ou le virus Zika.
Personne ne sait encore d’où pourrait venir cette maladie. Une multitude de sources possibles sont identifiées. Cela pourrait être une mutation d’un virus existant, d’un virus échappé d’un laboratoire, d’un risque terroriste. Ce pourrait être aussi une zoonose, une transmission de l’animal à l’homme. 70 % des maladies récemment découvertes provenaient de sources animales, qu’elles soient domestiques ou sauvages. Le coronavirus chinois ressemble étrangement au portrait-robot des chercheurs et de l’OMS.
« Risque biologique catastrophique global »
D’autant qu’un éclairage saisissant à ce mystère avait été apporté par une équipe de scientifiques du Johns Hopkins Center for Health Security. Ils avaient publié un rapport intitulé « The Characteristics of Pandemic Pathogens » , qui établissait un cadre pour l’identification des micro-organismes naturels posant « un risque biologique catastrophique global » (GCBR dans la terminologie des experts de santé publique).
Ces « GCBR » sont des événements dans lesquels des agents biologiques pourraient conduire à une catastrophe soudaine, extraordinaire et généralisée, au-delà de la capacité collective des gouvernements nationaux et internationaux et du secteur privé à la contrôler. Il n’existe pas de catalogue exhaustif des coupables de la GCBR, ce qui oblige à la communauté de la sécurité sanitaire de ne s’appuyer que sur des exemples historiques (comme par exemple la grippe espagnole de 1918) pour guider ses priorités en matière de préparation.
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Pourtant le Docteur Amesh Adalja, chef de projet et chercheur principal au Centre Johns Hopkins prévenait : « La préparation à la sécurité sanitaire doit pouvoir s’adapter aux nouvelles menaces et ne pas se fonder exclusivement sur des notions historiques ». Autre écueil à éviter disent les scientifiques, celui de se focaliser sur les virus à haut taux de mortalité comme Ébola ou Zika. Dès l’apparition de ceux-ci dans une quelconque région du monde, un branle-bas général est mobilisé pour les combattre. Par ailleurs, leur fort taux de mortalité joue contre eux. En tuant leurs hôtes, ces virus sont généralement conduits vers leur extinction avant le stade pandémique. Il ne faut pas négliger le combat contre ces maladies terribles mais les chercheurs du Centre John Hopkins craignent que l’on passe ainsi à côté du véritable danger présenté par des pathologies « secondaires » mais qui, aidées par quelques mutations, peuvent devenir potentiellement pandémiques.
Les chercheurs cassent ainsi une idée reçue : la prochaine pandémie ne viendra pas d’un virus à haut taux de mortalité, mais d’un virus banal, de la famille de ceux qui nous assaillent en hiver comme les rhinovirus ou les coronavirus courants par exemple. Ils ne sont que peu mortels mais leur potentiel pandémique est énorme. Les auteurs soulignent en effet que pour déstabiliser les gouvernements, l’économie, les sociétés, et toutes les organisations sanitaires, la mortalité importe moins qu’un taux très élevé de personnes malades en même temps. Il est avéré qu’un virus peu mortel mais extrêmement contagieux, notamment par les voies aériennes, peut finalement provoquer une hécatombe. Ce fut le cas de la grippe espagnole (H1N1) qui a sévi entre 1918 et 1919. Le virus n’avait un taux de mortalité que de 2,5 %. Pourtant sa transmission dans l’air a permis la contagion de centaines de millions d’individus dans le monde, conduisant à plus de cinquante millions de morts.
Portrait-robot d’un agent pandémique
Pour parvenir à cette conclusion, les chercheurs dirigés par Amesh Adalja ont examiné la documentation et les rapports publiés sur les caractéristiques des maladies infectieuses émergentes, le potentiel pathogène d’une foule de micro-organismes: bactéries, champignons, prions, virus, protozoaires, etc. ; ils ont interviewé plus de 120 experts techniques du milieu universitaire, de l’industrie et du gouvernement ; ils ont finalement convoqué une réunion d’un sous-ensemble de ces experts pour discuter de l’analyse préliminaire de l’information recueillie par l’équipe. Le résultat prend la forme du portrait-robot du futur agent pandémique.
Son mode de transmission, a conclu l’équipe, sera très probablement respiratoire. Il sera contagieux pendant la période d’incubation, avant l’apparition des symptômes ou lorsque les personnes infectées ne présentent que des symptômes bénins. Enfin, il aura besoin de facteurs spécifiques à la population hôte (par exemple, des personnes non immunisées contre lui) et d’autres caractéristiques de pathogénicité microbienne intrinsèque (par exemple un taux de létalité faible mais significatif), autant de traits qui, ensemble, augmentent considérablement la propagation de la maladie et l’infection. D’autant que, parmi les critères, les chercheurs ajoutent que cet agent pathogène se distingue par le fait qu’aucun traitement direct ou méthode de prévention n’existe à ce jour contre lui.
La grande pandémie que l’on attend viendrait donc d’un virus apparemment bénin mais mutant facilement pour acquérir un pouvoir de nuisance maximum. En possession de ce portrait-robot, les auteurs du rapport appelaient à apporter un autre regard dans nos stratégies de lutte contre les épidémies. L’erreur que beaucoup ont faite dans les années récentes fut de se focaliser sur certains virus à ARN fortement médiatisés comme le SRAS par exemple. De ce fait, personne ne s’intéressait aux virus qui ne se faisaient pas remarquer. Les chercheurs recommandaient donc de fixer comme une grande priorité la surveillance des infections humaines causées par des virus à ARN d’origine respiratoire. Enfin, les auteurs du rapport appelaient à un renforcement de la priorité de la recherche sur les vaccins contre les virus respiratoires à ARN, y compris un vaccin antigrippal universel.
Ces alertes faites par les scientifiques ont-elles été trop tardives ou sont-elles restées lettre-morte ? Le coronavirus qui occupe les unes de tous les journaux et médias du monde ressemble de plus en plus au portrait-robot qu’avaient dressé les chercheurs pour identifier le prochain vecteur d’une pandémie mondiale.
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