Dans une épidémie comme celle du Covid, l’obsession est de casser le plus rapidement les chaînes de contamination. A peu près tous les pays du monde ont compris qu’avec les vaccins, les tests étaient, à cet égard, indispensables et devaient être généralisés pour éviter la flambée épidémique et recouvrer rapidement une vie normale, sans couvre-feu ni confinement généralisé. Mais les tests PCR actuellement disponibles, même s’ils ont montré leur succès (une quarantaine de millions de tests pratiqués en France) sont encore lourds et longs à administrer. Plusieurs sociétés se sont donc lancées dans la recherche de tests plus simples, que chacun pourrait pratiquer seul, sans l’intervention d’un personnel soignant ; les résultats sont quasi immédiats, directement lus pour certains tests sur un smartphone. Les États-Unis de Joe Biden viennent d’en commander plusieurs millions. En France, comme d’habitude, on attend.
La France hésite sur son troisième épisode de confinement. Le chef de l’État fait le pari de temporiser avant de tout fermer, espérant que l’arrivée du variant anglais du virus ne provoque pas de flambée mettant à mal nos capacités hospitalières. Pari tentant car il permettrait à l’économie de reprendre son souffle, mais pari risqué car la stratégie vaccinale présente des ratés et que celle des tests s’avère lourde et compliquée. Impossible, dans l’état actuel des choses, de savoir si quelqu’un est contaminé et ne va pas infester son entourage ou les clients d’un restaurant, si par hypothèse il était réouvert. Ce risque pourrait être amoindri en mettant en place une vaste politique de tests auto-administrés. Des tests que chacun pourrait faire à volonté, voire plusieurs fois par semaine, pour vérifier quasiment sans délai s’il est porteur ou non du virus. Cela réduirait l’incertitude et validerait sans doute le sens de la responsabilité des français, cette vertu constamment invoquée par les autorités publiques.
Or on ne voit aucun de ces tests sur le territoire français. Pourtant d’autres en disposent. Le gouvernement américain vient par exemple de passer un contrat de près de 232 millions de dollars avec la société Ellume pour la fabrication de tests rapides du Covid-19 pouvant être réalisés à domicile et sans ordonnance. Le ministère de la Défense, en coordination avec celui de la Santé, « a accordé 231,8 millions de dollars à Ellume USA LLC pour le développement d’une capacité de production du test à domicile du Covid-19 pour les Etats-Unis », a indiqué le Pentagone dans un communiqué. Ellume s’est ainsi engagée à livrer 8.5 millions de tests aux États-Unis.
Le test d’Ellume avait été approuvé par l’Agence américaine du médicament (FDA) à la mi-décembre. Vendu sans ordonnance en pharmacie, il utilise un écouvillon nasal qui doit ensuite être inséré dans un petit boitier, relié au smartphone de l’utilisateur par Bluetooth. Les résultats sont disponibles en environ quinze minutes sur une application préalablement téléchargée. Il détecte la présence du virus avec 95% d’efficacité. « Ils peuvent être utilisés si vous avez des symptômes du Covid-19 et aussi pour tester les gens asymptomatiques qui peuvent aller en sécurité au travail ou à l’école », a souligné Andy Slavitt, conseiller de la Maison Blanche pour la lutte contre le coronavirus. Coût du kit : 30 dollars (environ 25 €), un prix qui devrait baisser si les quantités commandées augmentaient.
Le test d’Ellume n‘est pas le seul au monde. UP’ Magazine avait rendu compte en décembre dernier des avancées de Jennifer Doudna, la dernière prix Nobel de chimie, la co-inventrice des ciseaux moléculaires CRISPR. Ce nouveau test basé sur CRISPR offre une option prometteuse pour les tests rapides. En utilisant un smartphone, et en évitant d’avoir recours à des équipements de laboratoire encombrants, il est portable et disponible pour une utilisation partout et même à domicile. Un test qui produit des résultats très efficaces en cinq minutes.
D’autres alternatives aux test PCR nasopharyngés existent déjà sur le marché. Les tests salivaires sont en pointe. Ils consistent à prélever un échantillon de salive sans l’intervention du personnel soignant. Des tests moins rapides que ceux d’Ellume ou de Jennifer Doudna mais qui offrent une souplesse d’utilisation remarquable tout en conservant de hauts niveaux d’efficacité. Le gouvernement allemand ne s’y est pas trompé et a favorisé la mise en production de tests auto-administrés, utilisables par le grand public.
Le directeur général de l’Association de l’industrie des diagnostics allemande, Martin Walger, a affirmé la semaine dernière qu’il faudrait « quelques semaines » avant que l’approbation de ces tests n’ait lieu. Les entreprises allemandes seront incitées à les utiliser le plus largement possible : « Les études le montrent très clairement : si les employés des entreprises étaient testés deux fois par semaine avec un test antigène, alors on pourrait réduire massivement le nombre de nouvelles infections », a déclaré Karl Lauterbach, un expert en santé publique dans une interview à la chaîne de télévision RTL/ntv.
En France, la startup montpelliéraine Skill Cell a développé le test salivaire Easycov en partenariat avec le Centre National de la Recherche Scientifique. Cette innovation est prête depuis septembre dernier mais attend toujours des décisions des autorités de santé publique. Le gouvernement français n’a pas prévu de commander ce test mais vient tout juste d’autoriser son remboursement, après de longues semaines de tergiversation.
Le test Easycov part d’un prélèvement salivaire pour utiliser une technologie appelée RT-LAMP. Au lieu d’enfoncer un écouvillon dans le nez, il suffit de prélever quatre gouttes de salive sous la langue « parce que vous êtes au plus proche de la glande salivaire très riche en virus », précise Alexandra Prieux dirigeante de la startup. Ensuite, le processus se fait en deux étapes. D’abord un prétraitement de la salive à 80 °C, puis une amplification à 65 °C pendant trente minutes. On obtient un résultat en quarante minutes, sous la forme d’un changement de couleur : jaune fluo pour positif, orange pour négatif.
Le test est prêt depuis six mois. « On a obtenu le marquage CE [qui prouve la conformité avec les normes européennes] le 24 juin, souffle la présidente de la startup. Depuis, on vend à l’étranger, en Europe et en Afrique, et ce n’est pas faute d’avoir voulu accélérer les choses en France. Je regrette que ça ait été aussi long. » Le quotidien 20 minutes détaille les différentes phases d’un calendrier interminable : le 5 octobre, l’essai clinique en double aveugle montre qu’Easycov est capable de détecter l’ARN du SARS-CoV-2 en moins de 40 minutes avec une sensibilité de 75,9 % sur 270 sujets. Il faut encore attendre le 28 novembre pour que la Haute Autorité de santé (HAS) publie son avis. Mi-décembre, Easycov est inscrit sur le site du ministère parmi les tests agréés. Il faudra attendre le 5 janvier 2021 pour que le test soit remboursé ; il n’est pas encore déployé. « Personne ne comprend que cet outil ne soit pas utilisé alors que c’est simple, français, donc aucun risque de pénurie, et peu cher », s’agace Eric Billy, chercheur en immuno-oncologie et membre du collectif Du Côté de la science.
Comment expliquer qu’en France ces tests autoadministrés prennent autant de temps à passer les arcanes de l’administration de la santé ? Serions-nous plus tatillons que les Américains ou les Allemands ? Excès de zèle ou crainte de déplaire aux laboratoires d’analyse médicale ? Sur ce dernier point, il est intéressant de noter que le développement massif des tests PCR nasopharyngés représente une manne pour eux. Selon le site du ministère de la Santé, une quarantaine de millions de tests PCR ont été réalisés en France depuis le 1er mars 2020. Le tarif de base d’un test RT-PCR est de 54 €. A ce jour, le chiffre d’affaires des tests PCR pour les laboratoires d’analyse est de l’ordre de 2 milliards d’euros. Le patron d’un laboratoire régional d’analyses, souhaitant conserver son anonymat, nous confiait : « Cette période est formidable ! On se goinfre ! ».
pouvoir d’achat, agressivité, ignorance; malheureusement, l’idiotie ne se déconnecte pas massivement !