Voilà une des conséquences du réchauffement climatique que l’on craignait depuis longtemps mais qui semble vouloir se confirmer. En se réchauffant, le permafrost libère des organismes endormis depuis des millénaires au fond des couches de terre glacée de plusieurs mètres d’épaisseur qui recouvrent la Sibérie. Une équipe de chercheurs franco-russe vient d’en apporter une nouvelle preuve en mettant à jour Mollivirus sibericum, un virus géant de la famille de la variole. Vieux de 30 000 ans, il était resté « congelé » dans le permafrost.
Ce charmant virus digne d’Hibernatus est pour le moins original. Il est décrit pas Futura Sciences comme très grand : 0.6 microns, une taille supérieure à certaines bactéries. Il est unique en son genre affirme Jean-Michel Claverie, Professeur de médecine à l’Université d’Aix-Marseille, spécialiste en micro-biologie. Son génome est énorme pour un virus : plus de 650 000 paires de bases dans son ADN, alors qu’il n’y en a qu’une dizaine dans un virus comme celui de la grippe ou du Sida. Il sait embarquer de très nombreuses protéines dont certaines sont capables de faire ce qu’aucun autre virus ne sait faire, c’est-à-dire fabriquer ses propres protéines à partir des informations de l’ADN. A quoi ces protéines servent-elles ? Mystère pour l’instant.
Ce qui est certain, c’est qu’en plus de ces caractéristiques originales, ce virus peut être ramené à la vie après un sommeil de plus de 30 000 ans ! Les chercheurs n’hésitent pas à dire qu’il « ressuscite ».
Certes ce n’est pas la première fois que des organismes se réveillent après avoir passé plusieurs dizaines de milliers d’années dans le sol gelé. En 2014 déjà, l’équipe du Professeur Claverie avait découvert un autre virus géant dans le pergélisol sibérien, le Pithovirus, qui avait résisté à 30 millénaires sans rien perdre de son pouvoir infectieux.
Les scientifiques sont à la fois enthousiasmés par leur découverte mais aussi un brin inquiet. En effet, si Mollivirus sibericum s’avère apparemment inoffensif pour l’homme, rien n’interdit de penser que de nombreux autres virus conservés dans les glaces du permafrost (qui représente 20% de la surface mondiale) pourraient réapparaître et réactiver leur dangerosité.
Cette hypothèse fait froid dans le dos d’autant plus que ces zones, restées longtemps désertiques, sont désormais plus accessibles et attirent les convoitises. Leur sous-sol contient en effet de nombreux minéraux et hydrocarbures jusque-là inexploités. Le professeur Claverie explique au micro de France Inter : « Le permafrost ne va pas fondre sur 30 mètres très rapidement, mais d’ores et déjà il est possible d’accoster, d’installer des mines, des gros équipements qui vont être capables de fouiller le permafrost sur des kilomètres pour chercher du pétrole, du gaz, des minerais. On va extraire des millions de m3 de sol et là, des poches qui n’auront pas été fouillées depuis un million d’années vont revenir à la surface. »
Il ajoute, histoire de nous faire monter un peu plus le stress : « C’est ce côté indirect du réchauffement climatique qui est dangereux. Le fait de pouvoir accéder à des endroits où il n’y avait personne avant, d’y installer des campements, des usines, présente un réel danger. Jusqu’à présent il n’y avait que des étendues désertiques ; personne ne pouvait être infecté par un possible virus. Mais si on met des gens qui en plus vont être confinés sur des endroits où vous allez extraire ce permafrost en quantité, c’est vrai qu’objectivement il y a un risque de faire resurgir des vieilles terreurs du passé ».
Photo : © Alexey Trofimov
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