C’est une première victoire en justice des ONG contre l’État. Les juges ont décidé que l’inaction climatique de l’État était illégale, et que cette faute engageait sa responsabilité. « L’Affaire du Siècle » était portée par plusieurs organisation de défense de l’environnement qui voulaient faire condamner l’État pour ses manquements dans la lutte contre le réchauffement climatique. L’initiative des ONG était soutenue par une pétition de plus de 2.3 millions de personnes qui se réjouissent aujourd’hui de cette victoire historique pour le climat.
L’État est « responsable » de manquements dans la lutte contre le réchauffement climatique, a conclu mercredi 3 février la justice administrative, saisie par des ONG soutenues par une pétition de plus de 2,3 millions de citoyens. « À hauteur des engagements qu’il avait pris et qu’il n’a pas respectés dans le cadre du premier budget carbone, l’Etat doit être regardé comme responsable […] d’une partie du préjudice écologique constaté » écrivent les juges, après deux années de procédure.
Le tribunal administratif de Paris reconnaît donc l’existence d’un préjudice écologique, mais s’est donné un délai de deux mois avant de statuer sur la nécessité d’enjoindre l’Etat à prendre des mesures pour respecter ses propres engagements en matière de lutte contre les émissions de gaz à effet de serre. En matière de lutte contre le réchauffement climatique, c’est la première fois qu’un juge se prononce sur la responsabilité de l’Etat.
Le tribunal administratif de Paris s’accorde un délai de deux mois pour décider ou non de prendre une mesure d’injonction pour faire cesser ce préjudice écologique. Le supplément d’information de deux mois décidé par les juges devrait notamment permettre au Conseil d’Etat, la plus haute juridiction administrative du pays, de se prononcer sur une demande similaire, déposée par la commune de Grande-Synthe (Nord), décision attendue dans les prochaines semaines. Si dans deux mois, le juge administratif demande à l’Etat de prendre des mesures pour respecter ses engagements, alors on pourra parler effectivement d’un jugement historique.
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Les ONG requérantes, regroupées sous la bannière « l’Affaire du siècle » (Notre Affaire à tous, Greenpeace France, Fondation Nicolas Hulot et Oxfam France) n’ont pas attendu ce délai car pour elles, ce jugement est déjà une victoire. « HISTORIQUE : l’inaction climatique de l’Etat est jugée ILLÉGALE ! », ont-elles rapidement tweeté.
Il est vrai que le tribunal a globalement suivi les préconisations de la rapporteure publique lors de l’audience mi-janvier, qui avait proposé au tribunal de reconnaître la « carence fautive » de l’Etat, pour « n’avoir pas respecté la trajectoire » de réduction des émissions de gaz à effet de serre qu’il a lui-même fixée. Elle avait en revanche estimé que la carence fautive ne pouvait s’appliquer au niveau des objectifs eux-mêmes et avait suggéré de surseoir à la demande d’enjoindre l’Etat à prendre des mesures supplémentaires contre le réchauffement.
La magistrate avait enfin reconnu l’existence d’un préjudice écologique lié aux dérèglements climatiques, tout en rejetant la demande de réparation de ce préjudice déposée par les ONG. Elle avait seulement proposé d’accorder un euro symbolique pour préjudice moral. L’ONG France Nature Environnement, qui avait souhaité se joindre à la procédure, a vu sa demande acceptée. Les ONG requérantes avaient estimé qu’une telle reconnaissance du caractère illégal du non-respect par l’État de ses engagements climatiques constituerait une « avancée majeure du droit français« .
La procédure juridique n’est pas terminée. Le tribunal doit maintenant décider s’il ordonne à l’Etat de prendre des mesures supplémentaires pour réduire ses émissions de gaz à effet de serre et respecter ses engagements pour le climat. Une nouvelle audience aura lieu au printemps. D’ici là, les ONG vont déposer de nouveaux arguments pour démontrer que les actions prévues sont insuffisantes et que la justice doit contraindre l’Etat à lutter efficacement et concrètement contre le dérèglement climatique. L’Etat peut également faire appel de ces décisions.
Toutefois, avec ce jugement extraordinaire, dès aujourd’hui, des victimes directes des changements climatiques en France vont pouvoir demander réparation à la France. L’État va donc faire face à une pression inédite pour enfin agir contre les dérèglements climatiques. « En fait, se réjouit Nicolas Hulot, cette victoire est celle de toutes celles et ceux qui comprennent l’urgence de la crise climatique ». Il est vrai que la décision condamnant l' »Etat » condamne non seulement les autorités étatiques, le gouvernement – celui-ci et ceux qui se sont succédés avant lui-, mais aussi les entreprises, les organisations, les citoyens, c’est-à-dire l’ensemble des Français ; une condamnation qui est ainsi une forme de rappel de la responsabilité de chacun face à la crise climatique.