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Les candidats à la présidentielle interpellés sur leur (in)action climatique

Les candidats à la présidentielle interpellés sur leur (in)action climatique

LOOK UP !

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Plus de 1400 scientifiques ont signé une tribune exhortant les candidats à la présidentielle à sortir de l’inaction climatique et à présenter des propositions détaillées pour lutter contre la catastrophe qui s’annonce. Climatologues, géographes, économistes, juristes, mathématiciens, des experts français venus de toutes les disciplines s’inquiètent dans cette tribune, à quelques semaines de l’élection présidentielle, de « l’absence de débat démocratique (…) sur les graves bouleversements en cours et à venir ». Une façon de crier « Look Up ! » et de s’insurger contre la paralysie si ce n’est l’hébétude dont font preuve la plupart des politiques devant l’urgence climatique et la mise en péril de nos conditions d’habitabilité sur la planète.

Si le thème de l’environnement et de l’urgence climatique figure parmi les principales préoccupations des Français, il reste néanmoins très peu abordé dans les débats politiques, voire même passé sous silence comme ce fut le cas lors de la dernière grande intervention du président de la République à la télévision. « Les électeurs et électrices ont besoin de connaître les propositions des candidats et des candidates à l’élection présidentielle, et leurs conditions de mise en œuvre », estiment les signataires de cette tribune. Ceux-ci s’insurgent contre le caractère réducteur des interventions sur le sujet : « « Il est sans doute plus commode de réduire le débat sur les nécessaires transformations structurelles à un affrontement entre partisans du nucléaire et défenseurs des énergies renouvelables; il est sans doute aussi plus confortable de confondre décarbonation de l’ensemble du secteur de l’énergie et production électrique bas-carbone, alertes sur l’état de l’environnement et militantisme radical, lucidité et catastrophisme ».

Des candidats soumis à la question

L’essentiel de cette tribune publiée par franceinfo est constitué d’une série de questions posées aux candidats. Comment fait-on, demandent-ils, pour :

  • tripler le rythme des baisses des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2024, sans augmenter les inégalités sociales et territoriales ? Orienter les investissements de la France vers la neutralité carbone ? Agir sur les autres gaz à effet de serre, notamment le méthane ? Développer les puits de carbone, alors que nos forêts souffrent déjà du climat qui change ?
  • réduire notre dépendance aux énergies fossiles, sans augmenter la précarité énergétique, en accompagnant la reconversion de certains emplois et en formant une main-d’œuvre qualifiée pour satisfaire les nouveaux besoins ?
  • intégrer les enjeux environnementaux dans les accords commerciaux internationaux, pour diminuer notre empreinte carbone, la déforestation importée, la consommation d’eau ou de plastiques ?
  • transformer les filières agricoles, industrielles, touristiques, pour répondre aux impacts du changement climatique, au renchérissement des matières premières, à l’adoption de nouvelles normes internationales, aux attentes des consommateurs ?
  • adapter les villes pour réduire leur vulnérabilité aux extrêmes chauds, secs et humides, selon une logique bas-carbone, tout en luttant contre l’habitat insalubre et le mal-logement, sans augmenter l’artificialisation des sols ?
  • se préparer à des événements climatiques extrêmes plus fréquents et plus intenses, renforcer les systèmes de gestion de crise et d’assurance et engager des moyens à la hauteur des enjeux d’adaptation et de résilience ? Anticiper les déplacements de populations, d’infrastructures et d’activités, notamment sur les littoraux, et considérer dès à présent le devenir des territoires les plus exposés ?
  • peser sur la diplomatie mondiale du climat et de la protection de l’environnement, afin que les États respectent leurs engagements et que l’accord de Paris joue véritablement son rôle ?
  • œuvrer pour que l’éradication de la pauvreté dans le monde soit combinée avec l’adoption de modèles de développement durable et l’émancipation des femmes ?

« Il n’existe pas de remède miracle, de panacée totalement indolore. L’innovation technologique ou les injonctions individuelles à la sobriété ne suffiront pas à elles seules » écrivent les signataires de la tribune. Mais si les évolutions que nous vivons ont une vitesse et une ampleur inédites à l’échelle de l’histoire humaine, « nous pouvons encore atténuer les crises et nous préparer à surmonter leurs effets préjudiciables » espèrent-ils.

Une dimension existentielle

Comment en sommes-nous arrivé là, à quelques semaines d’élections fondamentales ? Les défis que pose l’urgence climatique prennent, un peu plus chaque jour, une dimension existentielle. « Ils incluent la diminution des émissions de gaz à effet de serre et la préservation du vivant, mais ils portent aussi sur la nature et le rythme de l’adaptation, la juste répartition des risques et des efforts, la solidarité entre générations ou entre territoires. De fait, ils concernent l’emploi, le transport et la mobilité, l’alimentation, le partage et l’accès aux ressources – notamment à l’eau potable –, le foncier, la santé, la fiscalité, l’éducation, la formation professionnelle, la recherche et l’innovation, la préservation du patrimoine historique et culturel, l’habitat, la réduction des inégalités et des fractures territoriales, le tournant numérique, la prévention et l’indemnisation des catastrophes, la sécurité intérieure, la souveraineté et la défense nationale, la politique européenne et internationale ».

Face à la multitude et la complexité de ces défis enchevêtrés, les politiques semblent tragiquement désarmés. Pourtant, le temps presse et rien ne semble prendre consistance. Reconnaître, comprendre et représenter un projet politique en embrassant tous ces enjeux en une unité d’action compréhensible par le plus grand nombre est en soi un défi qui semble insurmontable. Certes la prise de conscience existe, nul ne peut ignorer désormais les alertes, les rapports alarmistes du GIEC, les phénomènes extrêmes qui frappent aux portes de nos maisons. Mais face à l’urgence, rien n’avance suffisamment. Il est vrai que sur nombre des questions posées par les signataires de cette tribune, nous sommes à la fois victimes et complices. Notre paysage change de forme et le sol semble ne pas être aussi sûr qu’avant.  Le philosophe Bruno Latour, dans son dernier livre cosigné avec Nikolaj Schultz, Mémo sur la nouvelle classe écologique (Ed. Les empêcheurs de penser en rond – 2022), se demande ce qui peut se passer « quand c’est la définition même de l’existence matérielle qui est en train de changer ».  « Tout ce qui avait solidité et permanence s’en va en fumée » rappelle-t-il. Le système de production est devenu système de destruction, mettant en danger les conditions d’habitabilité de la planète Terre.

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Look Up !

Tout le monde ou presque a maintenant compris qu’il fallait une action décisive pour contrer la catastrophe. Angoisse existentielle, écoanxiété, que rien ne vient traduire en programme d’action mobilisatrice à l’échelle des enjeux. « Aujourd’hui, la certitude de la catastrophe semble plutôt paralyser l’action » écrit Bruno Latour. Don’t Look Up ! préfèrent dire les scénaristes d’Hollywood.

Le philosophe explique cette paralysie, cette inaction, par une inversion de la direction même de l’action. Pendant deux siècles, les énergies se sont mobilisées pour accroître la production, en tâchant de la rendre le moins injuste possible. Le développement allait dans le sens de l’histoire. Aujourd’hui, le mot d’ordre apparaît comme « En arrière toute ! » « Brusquement, l’augmentation de la production, la notion même de développement, celle de progrès apparaissent comme autant d’aberrations auxquelles il faudrait remédier » observe-t-il. Associer la production à la destruction des conditions d’habitabilité de la planète devient inaudible et rompt toute possibilité de mobilisation.

Alors, le diagnostic de l’inaction prend un éclairage saisissant : « C’est l’équipement mental, moral, organisationnel, administratif, juridique, si longtemps associé au développement qui tourne à vide parce qu’il était fait pour diriger l’action sur ce qui est devenu une impasse. Aujourd’hui, la direction des affaires a visiblement changé, mais le nouvel équipement qui permettrait de passer à l’action n’est pas encore élaboré. On en reste à l’angoisse, la culpabilité et à l’impuissance ». Fournir cet équipement est le sens des questions posées par les 1400 signataires de la tribune aux candidats à la présidentielle. Ils sont sommés d’y répondre, car les vivants qui habitent et habiteront cette planète sont les victimes de leur procrastination. Maintenant, le temps est compté.

Image d’en-tête : Meryl Streep dans le rôle de la présidente américaine dans le film « Don’t Look Up » réalisé par Adam McKay (Netflix 2021)

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