Comment impliquer les citoyens dans la gestion de l’eau ? Comment faire prendre conscience des défis complexes liés à cette ressource que nous partageons et qui nous est vitale ?
Depuis trente ans, un tiers de la population mondiale n’a pas accès à l’eau potable. Ce chiffre reste inchangé et les débats sur l’eau semblent voués à l’échec, face au défi infranchissable de l’accès à l’eau – et l’assainissement – pour tous. Comment dépasser ces chiffres ? Comment réinventer des solutions dans une période de crise où toute innovation se doit d’être efficace ? Comment garantir ce droit essentiel à tous ? Une des solutions est peut-être, d’instaurer une citoyenneté de l’eau.
Raconter l’histoire de l’eau, commune et universelle, telle est la tentative de Water Ribbon, une initiative qui raconte les histoires et anecdotes du monde entier sur les défis de l’eau. Ce projet labellisé par le Forum Mondial de l’Eau, a réunit 170 témoignages de 59 pays dans deux livres intitulés « L’eau, l’invisible lien qui parcourt le monde ». Ouverte à tous, l’initiative Water Ribbon est présente sur Internet depuis le 12 décembre 201. Son objectif est d’apporter des témoignages et de sensibiliser sur les défis liés à cette ressource vitale, à partir du regard croisé des citoyens et des professionnels de l’eau.
POURQUOI MOBILISER LES CITOYENS ?
L’eau c’est la vie… Une évidence ? Mais qu’est-ce que cela signifie exactement ? Partout sur notre planète, la précieuse molécule H2O est un sujet consensuel.
Il faut apporter l’eau et l’assainissement pour tous afin d’éradiquer les maladies hydriques qui tuent chaque jour, plus de 30 000 personnes dans le monde.
Les inondations, la sécheresse… L’eau, il y en a trop ou pas assez. Dans tous les cas, elle est un sujet catastrophique. Pourtant, on comprend peu son lien évident avec le changement climatique.
Coupez votre robinet, prenez des douches, ne mangez plus de viande et achetez moins de T-shirts car dans tous les cas, votre usage de l’eau serait responsable de sa raréfaction.
Bref, vous l’aurez compris, l’eau, c’est souvent négatif… L’eau c’est la vie, mais nous ignorons son cycle, son origine, son traitement, ou nous condamnons son prix, son goût, son absence, son omniprésence, sa mauvaise gestion…
Quand l’ONU annonce que les objectifs du millénaire pour le développement pour l’accès à l’eau seront atteints, cela suscite du scepticisme. Quand une organisation du secteur cherche des financements, il fait bon de parler de biodiversité, énergies renouvelables, changement climatique… Mais quand nous lisons les médias, l’eau est réduite aux enjeux du prix, de gestion privée vs public, ou encore, à la guerre de l’eau dont on sait qu’elle n’aura pas lieu.
En résumé, si l’eau nous rassemble, sa cause nous mobilise-t-elle vraiment ? Les professionnels du monde de l’eau vous le diront : personne ne s’intéresse véritablement à « l’eau ».
L’EAU, UN SUJET MECONNU
L’eau, sujet méconnu ? Pourquoi ? Serait-ce à cause des discours réducteurs des médias ? Des déclarations généralistes des grandes conférences sur l’eau qui résument les enjeux complexes de la gestion de cette ressource et de son service ? Le discours sur l’eau mélange les enjeux entre l’eau, une ressource ; l’eau, un service ; l’eau, une valeur universelle. Cette ambivalence condamne sa compréhension dans un effort de langage qui s’oublie. Résultat ? Les chercheurs et les décideurs politiques ne se comprennent pas ; les gestionnaires du service et les élus se combattent ; le public et les médias s’abreuvent de fausses vérités. Un constat émerge : il n’existe pas de réelle réflexion sur comment débattre sur l’eau, et sur quels sujets.
L’eau au quotidien et les enjeux dans les bidonvilles, en passant par l’irrigation, les processus industriels… et jusqu’au citoyen qui paie sans comprendre.
Quelle est la différence entre eaux usées et eaux recyclées ? Qu’est-ce qu’une membrane ? Comment le prix de l’eau est-il fixé ? Pourquoi croit-on que l’eau est facteur de guerre ? Pourquoi les puits financés en Afrique depuis trente ans n’ont-ils pas éradiqué les maladies hydriques ? Pourquoi les agriculteurs ne réduisent pas leur consommation d’eau ? Autant d’enjeux qui bloquent et pourtant, parler d’eau est fondamentalement fédérateur.
Comment mobiliser alors ? Voilà le plus difficile ! Dans son paradoxe, l’eau suscite une réaction unanime : elle est un droit humain universel. Tout droit appelle à des devoirs : devoir de s’informer sur l’eau, devoir de ne pas la gaspiller, devoir de la protéger. Les citoyens et professionnels interrogés tout au long de l’aventure Water Ribbon rappellent une chose : l’eau crée du lien entre les peuples, les villes, les entreprises…
Du fait de sa transversalité et sa multitude, le devoir de l’eau exige qu’elle devienne la priorité absolue : faire de la Planète Bleue, « une Planète Bleue ». Dès Marrakech en 1997, au cours du premier Forum mondial de l’eau, les participants ont appelé à la « Révolution Bleue ». Cela voulait dire : l’eau doit être la priorité des Etats du monde entier. Aujourd’hui, c’est loin d’être le cas. Pour preuve, le droit à l’eau a seulement un an et demi (vote de l’ONU en juillet 2010).
Water Ribbon souhaite mobiliser les citoyens à sa petite échelle. Si les ruisseaux deviennent des océans, le message à retenir serait : vous voulez protéger l’eau ?
Ce sont les élus, les ministres, les gouvernements qui décident des priorités pour l’eau. Rejoignez-nous et racontez-nous votre histoire avec l’eau ou partagez votre message pour l’eau à l’adresse du Forum Mondial de l’Eau.
A l’heure du Forum des solutions, l’eau n’aura jamais autant été, non pas une campagne politique, mais une cause citoyenne.
(Source : Bâtissons une planète plus intelligente / Le Monde.fr – 2012)