Renouveler les infrastructures routières pour la planète, la sécurité et l’économie

Renouveler les infrastructures routières pour la planète, la sécurité et l’économie

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Avec son plan de 2250 milliards de dollars, baptisé « Build Back Better », le nouveau locataire de la Maison-Blanche ambitionne d’offrir une cure de jouvence aux infrastructures américaines. Joe Biden veut faire d’une pierre deux coups : relancer l’économie et améliorer la vie quotidienne de ses administrés. Le pari est-il jouable ? Est-il transposable en France ? Apanage des Régions, les infrastructures routières dépérissent : la France est passée en dix ans de la première à la dix-huitième place du classement des routes de 141 pays en fonction de leur qualité, établi par le Forum économique mondial.

Franklin Delano Roosevelt est resté dans les manuels d’Histoire pour son New Deal dans les années 30 ; George Marshall pour le plan de relance de l’économie européenne à la fin des années 40. Joe Biden laissera peut-être lui aussi son empreinte dans l’Histoire américaine pour son programme en trois volets, baptisé Build Back Better (Reconstruire en mieux). En tout cas, le 46e président américain veut s’en donner les moyens. Le 2e volet de ce programme, The American Jobs Plan, est actuellement en discussion au Congrès et prévoit une enveloppe globale de 2250 milliards de dollars (1853 milliards d’euros) sur huit ans. En 3e position des investissements proposés : des incitations majeures en faveur des voitures électriques afin d’abandonner les véhicules thermiques trop polluants. En 4e position : la rénovation des infrastructures routières.

Source : The New York Times

Les routes américaines, de plus en plus décrépies

Les plus familiers des États-Unis vous le diront : « Il était temps ! ». Selon les chiffres avancés par la Maison-Blanche, l’état des infrastructures routières de la première puissance mondiale n’est guère reluisant. Un cinquième des 278 000 kilomètres d’autoroutes est en mauvais état, ainsi que 45 000 ponts. La congestion routière coûterait quelques 160 milliards de dollars par an à l’économie américaine et 1 000 dollars d’essence par an et par automobiliste. Les autorités sont conscientes du problème et comptent y mettre les moyens : sur les 621 milliards de dollars destinés au secteur des transports, 115 milliards (95 milliards d’euros) seront donc alloués à la rénovation et à la reconstruction des routes et des ponts. Le plan prévoit la modernisation de 32 000 kilomètres de voies rapides et de routes principales ainsi que la réparation des dix ponts les plus cruciaux pour l’activité économique du pays et le remplacement des 10 000 ponts secondaires les plus vétustes.

Ce plan de reconstruction s’accompagnera également d’efforts évidents en faveur de la sécurité routière, les accidents de la route restant un grand fléau aux États-Unis. « Plus de 35000 personnes meurent chaque année dans des accidents de la circulation sur les routes américaines, et des millions d’autres sont grièvement blessées, explique la Maison-Blanche. Les États-Unis ont l’un des taux de mortalité routière les plus élevés du monde industrialisé, le double du taux au Canada et le quadruple de celui de l’Europe. » Au programme donc : remettre la sécurité routière au centre des politiques de prévention avec le plan Safe Streets for All (Des routes sûres pour tous), grâce à un budget spécifique de 20 milliards de dollars pour financer des programmes, tant nationaux que locaux.

Objectifs : moins de chômage et moins de pollution

Biden affiche son objectif, noir sur blanc : « Le plan garantira que ces investissements produiront des emplois de bonne qualité avec des normes de travail strictes, des salaires décents et un choix libre et équitable d’adhérer à un syndicat et de négocier collectivement. Ces investissements feront également progresser l’équité raciale en offrant de meilleurs emplois et de meilleures options de transport aux communautés mal desservies. Ces investissements permettront aussi aux petites entreprises de participer à la conception, à la construction et à la fabrication de nouvelles infrastructures et de nouveaux composants. » Tout le monde devrait donc en sortir gagnant.

Autre objectif : rentrer dans les clous de l’accord de Paris concernant les émissions de gaz à effet de serre (GES), accord dans lequel les États-Unis sont revenus après la longue parenthèse Trump. Pour cela, le plan de Joe Biden prévoit l’installation rapide de 500 000 bornes de recharge électrique pour les véhicules propres, sur tout le territoire. La révolution de mentalité visant à passer des gros V8 et autres 4×4 vers des véhicules propres, couplée à de nouvelles infrastructures apportant sécurité et fluidité, aura un impact significatif sur les émissions de GES dont souffre actuellement l’environnement aux États-Unis.

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Ces plans ne sont pas des demi-mesures, a martelé Joe Biden dans son discours de Pittsburgh le 31 mars dernier. C’est l’investissement de toute une génération. C’est le plan de création d’emplois le plus ambitieux depuis la Seconde Guerre mondiale. » Reste la question de son financement, actuellement en négociation entre Démocrates et Républicains. Joe Biden a annoncé des hausses d’impôts sur les sociétés sur 15 ans (de 21 à 28%), mais d’autres leviers fiscaux pourraient être actionnés afin de s’assurer d’un vote favorable du Sénat. « Je suis disposé à un compromis et à voir ce que nous pouvons faire et ce sur quoi nous pouvons nous rassembler, assure Joe Biden qui se montre confiant. J’ai remarqué que tout le monde est d’accord pour les infrastructures. La question est de savoir qui va payer. "

Pour l’Administration Biden, les enjeux sont multiples et la réussite obligatoire, tant sur la scène intérieure que dans son bras de fer à distance avec la Chine, l’autre super puissance économique mondiale. « Le discours de Biden a confirmé cette obsession américaine de se voir un jour dépassé par l’Empire du Milieu. Le volet industriel du plan est là pour tenter de reprendre l’avantage face à la dynamique chinoise, explique Florent Delorme, stratégiste chez M&G Investments. Biden s’inscrit en effet dans la lignée du New Deal du président Roosevelt et veut rentrer dans l’Histoire comme un président qui aura remodelé la société américaine en réduisant les inégalités. "

Un exemple à suivre pour la France

Si les États-Unis partent de plus loin que la France, l’État français aurait de quoi s’inspirer de la stratégie volontariste de l’Administration Biden pour la rénovation des routes et autoroutes non concédées dont l’état est parfois déplorable. En 2019, la France se classait au 18e rang mondial pour l’état de ses infrastructures routières alors qu’elle était nº1 en 2012. Une chute vertigineuse qui amène aujourd’hui la Cour des comptes à préparer un rapport sur l’exploitation et l’entretien des routes nationales et départementales. Nul doute que le dossier se retrouvera bientôt sur le bureau du ministre délégué aux Transports, Jean-Baptiste Djebbari.

Comme aux États-Unis, l’amélioration du secteur routier – que 87% des Français utilisent quotidiennement – ne peut avoir que des impacts bénéfiques pour la société tout entière. Les créations d’emplois sont au rendez-vous, la sécurité routière en sort renforcée et surtout, les investissements d’aujourd’hui sont la meilleure garantie d’atteindre, au plus tôt, l’objectif de décarbonation de la route, promue par la politique de développement durable du gouvernement. Au ministère de la Transition écologique, Barbara Pompili assure que baisser de 40% les émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 est toujours d’actualité, en s’appuyant sur une étude menée par Boston Consulting Group. Étude qui précise aussi que « l’atteinte de ce potentiel suppose néanmoins d’engager des moyens inédits et une mobilisation massive et pérenne de l’ensemble des composantes de la Nation ». Rien n’est donc joué. Comme aux États-Unis, il faudra y mettre les moyens.

Stéphanie GARNIER, Ingénieure – Consultante indépendante de projets liant industrie et développement durable

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allotoxconsulting@***
2 years

Faudra s’y habituer ! Une des conséquences de la transition écologique. Moins de pétrole, donc moins de raffinage, donc moins de plastique, mais aussi moins de déchet ultime de raffinage : le bitume, qui ajouté à des granulés et autres additifs chimiques, permet de recouvrir les routes. Sinon on peut revenir au béton comme en Allemagne pendant la guerre, et aussi quelque fois en France dans les années 1960. Tous les deux sont polluants, et le béton n’est pas pratique. Alors retour à la nature ???

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