Il ressemble à un hamburger, une viande dorée, croustillante et juteuse, appétissante. Et pourtant ce hamburger créé à San Francisco ne contient pas la moindre parcelle de viande. Il est 100 % végétal. Son créateur mise sur son goût « délicieux » pour le faire adopter par le plus grand nombre et résoudre les problèmes de la planète. Une stratégie à la Tesla où le discours écologique est estompé au profit de la qualité et du plaisir.
Sur le grill, la viande grésille come un steak traditionnel. Quand on le découpe, il est saignant, juteux, et ressemble à s’y méprendre à un bon steak haché bien appétissant. Au goût, on retrouve toutes les impressions que procure la viande, de la texture au parfum. Et pourtant, ce steak est fabriqué sans viande, uniquement à base de produits végétaux.
Ce hamburger a été créé par Patrick Brown, un ancien biochimiste de Stanford qui rêvait, comme nombre de ses condisciples de la Silicon Valley, de changer le monde. Car ce steak mise sur son plaisir gustatif pour convaincre tout le monde et pas seulement les végétariens ou les adeptes du régime vegan.
Tous ceux qui l’ont goûté, l’ont approuvé : il est effectivement délicieux et ressemble, à s’y méprendre, à de la vraie viande. Alors, comment a-t-il été possible de réaliser cet exploit ?
Impossible Foods, c’est le nom de cette startup de la baie de San Francisco, a travaillé pendant cinq ans pour mettre au point son produit. À force d’analyser les molécules composant la viande, la texture d’un hamburger, son parfum, son aspect, les équipes de recherche de Patrick Brown ont découvert un ingrédient très spécifique à la viande, dont le goût est différent de tout autre aliment. Cet ingrédient magique, c’est le heme.
Il s’agit d’une molécule qui contient du fer et procure à la viande sa couleur rouge et son goût légèrement métallique. Le heme est fortement concentré dans la viande rouge, mais on peut le trouver ailleurs, et notamment dans les plantes. Euréka ! L’ingrédient magique été trouvé. Mais extraire cette molécule de légumineuses comme le soja, qui contient, dans sa racine, des nodules contenant le fameux heme, aurait coûté beaucoup de ressources. Et notamment des coûts de carbone que l’équipe d’Impossible Foods, respectueuse de l’environnement, tient à exclure de ses préparations.
Les chercheurs ont donc trouvé un autre moyen en transférant le gène de soja qui code la protéine heme à de la levure, ce qui permet de produire l’ingrédient miracle en très grandes quantités.
« Nous avons été en mesure de produire du heme à une échelle gigantesque » s’enthousiasme Patrick Brown. « En fin de compte nous voulions que notre méthode soit pratique pour parvenir à des coûts très compétitifs ». Remplacer la viande c’est bien, mais pouvoir fournir ce produit de substitution à des milliards d’amateurs de viande dans le monde entier, c’est une autre affaire.
Convaincre des amateurs de viande à changer leurs habitudes ne peut se faire que si le produit proposé ressemble vraiment à de la viande. La question du goût et de sensations olfactives ou de textures a donc été la préoccupation centrale des chercheurs d’Impossible Foods. Ils ont donc mis en batterie toute leur créativité pour parvenir à leur objectif. Ainsi, par exemple, pour reproduire la texture de graisse animale d’un steak, ils ont eu recours à des émulsions d’huile de noix de coco mélangée à des protéines de blé texturé et de pommes de terre qui composent la « viande végétale » de leur hamburger. Le résultat est saisissant. Cette huile reste solide jusqu’à ce que le hamburger soit déposé dans une poêle chaude. La galette de « viande » commence alors à grésiller et suinter, comme le ferait la graisse animale d’un vrai steak.
Pour réussir à reconstituer l’odeur du steak, les chercheurs ont travaillé à l’aide de spectromètres de masse en phase gazeuse. Ils ont ainsi pu décomposer les milliers de particules qui font l’odeur d’un steak. Ils ont ainsi distingué des arômes de beurre, d’herbe, de fumée et même des pointes de framboise. Ce sont ces centaines d’arômes mélangés, qui font le parfum de la viande, que les équipes ont pu reconstituer.
Sur le plan diététique, ce hamburger contient plus de protéines que la viande, moins de gras et moins de calories. De plus, aucune trace de cholestérol dans le steak de Patrick Brown.
La consommation de viande rouge dans le monde est à un niveau élevé mais sa production en masse pour satisfaire une demande accrue n’est plus soutenable du fait de son lourd tribut avéré sur l’environnement. De plus, des questions éthiques sur le bien-être animal et les conditions d’abattage apparaissent avec intensité un peu partout dans le monde. Les solutions alternatives comme le passage à un régime alimentaire végétarien, même si elles convainquent un nombre de plus en plus important de consommateurs, ne parviennent pas à détrôner le bon vieux steak pour encore de très nombreux carnivores. Le hamburger recréé de Patricjk Brown est une solution parmi d’autres. Ce qui la différencie de toutes les expériences alternatives qui émergent régulièrement, c’est qu’elle mise sur le goût, le plaisir de la dégustation. Elle met au second plan de son discours les considérations éthiques ou environnementales. La startup souhaite conquérir son marché par le plaisir, de la même façon que la Tesla d’Elon Musk a su conquérir le sien par le luxe et la qualité de ses berlines. L’argument écologique passant en lointain arrière-plan.
Vous achetez une Tesla parce que c’est une voiture fantastique. Vous mangerez les hamburgers de Patrick Brown parce qu’ils sont délicieux.
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