Les États-Unis, longtemps perçus en France comme une puissance influente sur les plans culturel, économique et géopolitique, voient aujourd’hui leur image s’effondrer à un niveau historiquement bas. Après seulement deux mois de présidence Trump, la côte de sympathie des Etats-Unis chez les Français tombe à 25%, soit une chute de 40 points par rapport à la dernière mesure prise en 2010 (65%) lors de la 2ème année du mandat de Barack Obama. L’image des Etats-Unis auprès de l’opinion publique française tombe ainsi à son niveau le plus bas des 40 dernières années. Dans ce contexte, le site d’information NYC.fr a commandé à l’Ifop une enquête afin de mesurer l’impact de ces évolutions sur la perception des États-Unis en France. Les résultats sont sans appel : l’hostilité à l’égard de la politique américaine se traduit non seulement par un désintérêt croissant pour les États-Unis comme destination touristique ou professionnelle, mais aussi par une montée en puissance du mouvement #BoycottUSA. Ce rejet, loin d’être anecdotique, touche un large spectre de la population française et semble s’inscrire dans la durée, notamment vis-à-vis des marques emblématiques du pays de l’Oncle Sam. Cette étude met ainsi en lumière une transformation profonde du regard des Français sur les États-Unis, dont l’attractivité et le « soft power » apparaissent aujourd’hui plus fragiles que jamais.
À l’heure où le hashtag #BoycottUSA fleurit sur les réseaux sociaux, quel est l’impact de la nouvelle administration Trump sur l’image des Etats-Unis ? L’élection de Trump il y a à peine deux mois et ses décisions controversées, qu’il s’agisse de la guerre en Ukraine, des politiques commerciales (hausse des droits de douane,…) ou des orientations des entreprises américaines en matière de diversité et d’inclusion, ont contribué à creuser un fossé entre les deux nations. Ces récentes annonces ont-elles altéré la « marque US » aux yeux des Français comme lieu de destination aussi bien que comme origine de tout un ensemble de produits ou services du quotidien ? Observateur attentif des relations franco-américaines, le site d’information NYC.fr a commandé à l’Ifop une grande enquête exclusive qui montre une dégradation historique de l’image des Etats-Unis auprès des Français et leur soutien large au mouvement de boycott des marques américaines. Réalisée auprès d’un échantillon représentatif de 1000 Français, cette étude tend aussi à montrer que le boycott actuel ne sera pas qu’une réaction émotionnelle passagère, notamment pour les produits facilement remplaçables ou marqués politiquement comme les marques du groupe d’Elon Musk (Tesla, X).
LES PRINCIPAUX ENSEIGNEMENTS DE L’ENQUETE
L’effondrement sans précédent de l’image des Etats-Unis auprès des Français…
Cette étude révèle d’abord un effondrement historique de l’image du pays de l’Oncle Sam qui apparaît, aux yeux des Français, plus que jamais éloigné de la France sur le plan culturel.

1 – « L’effet Trump » : la côte de sympathie des Etats-Unis auprès des Français chute de manière spectaculaire, tombant à son niveau le plus bas des 40 dernières années. Après seulement deux mois de présidence Trump, la côte de sympathie des Etats-Unis chez les Français tombe à 25%, soit une chute de 40 points par rapport à la dernière mesure prise en 2010 (65%) lors de la 2 ème année du mandat de Barack Obama. L’image des Etats-Unis auprès de l’opinion publique française tombe ainsi à son niveau le plus bas des 40 dernières années , battant même les records d’impopularité mesurés sous George W. Bush au lendemain de la crise irakienne de 2003, crise qui avait durement mis à mal les relations franco-américaines mais pas au point de faire passer la côte de sympathie des Etats-Unis sous de la barre des 30% (ex : 31% en 2005, 30% en 2007).
L’analyse du profil des « fans » de cette Amérique trumpiste met évidemment en exergue un écart de genre (30% chez les hommes, contre 21% chez les femmes) – comme toutes les enquêtes menées sur le nouveau président de part et d’autre de l’Atlantique – mais aussi à quel point le regard des Français sur ce pays est aujourd’hui structuré par leurs sensibilités idéologiques. En effet, leur sympathie pour les Etats-Unis s’avère avant tout corrélée à leur positionnement politique, passant de 15% chez les Français de gauche à plus du double chez ceux se disant de droite (33%) et d’extrême-droite (36%), la côte de sympathie atteignant ses niveaux les plus élevés dans les rangs des sympathisants lepénistes (37%).
2 – Le sentiment que les sociétés française et américaine ne partagent pas les mêmes valeurs est deux fois plus élevé aujourd’hui qu’il y a une vingtaine d’années : Cette dégradation de l’image de l’Amérique va de pair avec le sentiment croissant d’un fossé entre les valeurs françaises et américaines : seul un quart des Français (26%) estime aujourd’hui que les deux pays sont « proches » en termes de valeurs, contre près de la moitié il y a une vingtaine d’années (49% en 2004). A l’inverse, le sentiment de « déconnexion » avec la société américaine actuelle est aujourd’hui partagé par près des deux tiers des Français (63%, contre 48% en 2004), en particulier dans les segments de la population les plus éduqués (ex : 71% des cadres…) et les plus à gauche sur l’échiquier politique (76% chez les électeurs NFP, 90% chez les sympathisants écologistes).
…Qui s’accompagne d’une chute spectaculaire de l’attractivité de la « destination US »
La dégradation historique de l’image des Etats-Unis auprès des Français a un impact donc sur leur potentiel d’attractivité de manière générale et sur le plan touristique en particulier.
3 – La fin de l ’« American Dream » ? L’Amérique trumpiste n’a jamais fait aussi peu rêver les Français pour étudier ou pour travailler.
L’attractivité des États-Unis comme lieu d’étude ou de travail est deux fois plus faible qu’il ya quinze ans : moins d’un quart des Français souhaiterait aujourd’hui aller aux États-Unis pour y étudier (22%, contre 48% en 2010) ou y travailler (20%, contre 37% en 2010), soit les niveaux les plus bas des vingt-cinq dernières années. Même lors de la crise irakienne des années 2000, les intentions d’étudier ou de travailler aux Etats-Unis étaient plus élevées. L’attractivité des Etats-Unis comme lieu de vie durable se dégrade aussi mais moins fortement (-8 points depuis 2010, à 22%), l' »American Dream » conservant une certaine résonance chez les chefs d’entreprise (32%), les moins de 50 ans et les jeunes hommes (38%).
4 – Le potentiel touristique des USA s’affaisse légèrement auprès des Français qui s’avèrent en revanche beaucoup plus enclins à visiter leurs voisins canadiens.
Dans le contexte de tensions internationales actuelles, le potentiel d’attractivité touristique des USA s’érode alors que les autres destinations d’Amérique du Nord bénéficient d’un regain de faveur dans le cœur des Français. En effet, la proportion de Français qui aimeraient visiter les Etats-Unis baisse de manière significative (-4 points par rapport à 2022, à 51%), en particulier chez les femmes (-7 points) et les pans de la population les plus diplômés (-7 à -9 points) et les plus aisés (-3 points). A l’inverse, le « désir d’Amérique » progresse chez les Français les moins susceptibles de pouvoir y aller, tels que les ouvriers (+11 points) ou les catégories aux revenus les plus faibles (+3 points).
Les données sur les autres pays tendent à montrer un phénomène de substitution au profit des voisins des USA, en premier lieu le Canada qui bénéficie d’un regain de sympathie de part les menaces d’annexion et de tarifs douaniers colossaux dont il est l’objet mais aussi en tant qu’alternative nord-américaine plus en phase avec les valeurs progressistes des Européens. En effet, la progression la plus notable concerne le Canada, qui voit son potentiel touristique bondir de 10 points chez les Français (72%, contre 62% en 2022). Mais la tendance à la hausse est aussi nette pour des destinations plus « chaudes » comme le Mexique (+4 points, à 46%) ou Cuba (+6 points, à 43%).
5 – Certaines métropoles progressistes comme New-York semblent cependant échapper pour partie à l’opprobre croissant qui affecte l’Amérique trumpiste.
Malgré la dégradation globale de l’image des États-Unis, l’attractivité de New-York reste significative, comme si l’image de la « grande pomme » était quelque peu dissociée du reste du pays. En effet, New-York maintient une certaine attractivité : 62% des Français souhaiteraient y effectuer un court séjour touristique , 28% y effectuer un séjour d’au moins un an et 16% envisageaient d’y vivre définitivement. Cette « exception new-yorkaise » tient probablement à la dissociation qui s’ouvre dans l’imaginaire des Français entre les métropoles progressistes et cosmopolites américaines – comme New-York ou San-Francisco – et l’Amérique profonde perçue comme hostile aux valeurs européennes.

… et un large soutien au boycott des marques américaines
6 – Les appels au boycott des produits américains pour protester contre la politique de Donald Trump sont soutenus par une nette majorité de Français.
Les appels au boycott des produits américains qui ont surgi après les menaces de hausse des droits de douane et la joute verbale entre les présidents américain et ukrainien dans le bureau ovale, sont largement soutenus dans l’hexagone : 62% des Français soutiennent ces appels au boycott des entreprises américaines. Et si la gauche apparaît comme le fer de lance de ce mouvement (72% de soutien), le boycott des produits américains séduit aussi une large majorité d’électeurs du centre-droit (65%). Seuls les électeurs lepénistes apparaissent réellement en retrait avec 49% de soutiens seulement parmi les électeurs RN aux dernières élections législatives.

7 – Aujourd’hui, un Français sur trois boycotte au moins un produit américain, les entreprises les plus touchées étant les marques de sodas, de fast-food et celles d’Elon Musk.
Près d’un Français sur trois (32%) déclarent boycotter actuellement des produits d’une marque ou d’une entreprise, soit une proportion similaire à celle récemment validée en Suède : un sondage Vérian /SVT indiquant que 29 % des Suédois avaient choisi de ne pas acheter de produits américains le mois dernier par protestation politique. Si l’arme du boycott a longtemps eu un faible ancrage dans le répertoire d’action politique français – notamment par rapport à des aires culturelles à dominante protestante comme l’Amérique du Nord ou la Scandinavie –, elle semble s’être donc quelque peu institutionnalisée en France comme une forme légitime d’expression citoyenne.
L’analyse des réponses à une question ouverte – où les répondants étaient invités à citer spontanément les marques qu’ils boycottaient – tend à montrer que les secteurs les plus affectés par le boycott sont ceux où les produits sont les plus facilement substituables par des alternatives non américaines. Ainsi, la marque la plus boycottée aujourd’hui est une marque de soda, Coca-cola (48%) devant des marques de fast-food ou de restauration rapide MacDonald (44%), Starbucks (15%) KFC (12%). Les deux seules marques non alimentaires à être boycottées de manière significative sont Tesla (19%) et X (10%), deux entreprises du groupe d’Elon Musk dont l’image a été très sérieusement écornée par ses prises de parole polémiques et son engagement politique auprès de Donald Trump.
Ce classement nous révèle en tous cas que les boycotteurs ciblent prioritairement les marques emblématiques de la consommation de masse américaine (soda, fast-food) mais aussi celles directement associées aux personnalités proches de Donald Trump, comme Elon Musk pour Tesla.


8 – Ce boycott des produits américains est tiré par l’anti-trumpisme mais relève aussi d’autres motivations comme le patriotisme économique à droite ou la défense du progressisme sociétal à gauche.
L’analyse des motivations de boycott anti-américain montre qu’il s’agit d’un mouvement hybride, allié d’opposition politique à Trump, défense du progressisme sociétal et affirmation d’une préférence économique nationale ou européenne. Si la protestation contre le soutien des entreprises à Trump (62%) et contre sa politique intérieure (61%) ou étrangère (61%) constitue les premiers motifs actuels, d’autres dimensions apparaissent avec une force comparable. Le soutien aux entreprises et à l’emploi français arrive en tête des motivations (62%), particulièrement chez les électeurs de droite (84% chez LR-DVD), tout comme la défense des intérêts économiques européens (56%). La protestation contre les politiques DEI des entreprises américaines (44%) constitue un motif secondaire mais significatif chez les électeurs de gauche (52% chez NFP). Cette dimension multifactorielle joue sans doute dans sa capacité à mobiliser des électeurs très opposés.
9 – Tous les secteurs sont exposés par le boycott mais les plus menacés sont ceux les plus facilement substituables par des alternatives non américaines.
Tous les secteurs américains sont touchés par ce boycott, mais avec des intensités qui dépendent principalement de deux facteurs : la visibilité de la marque américaine et l’existence d’alternatives crédibles. Les secteurs les plus menacés (61% pour l’automobile, 55% pour les sodas, 53% pour les chaussures de sport, 52% pour les vêtements) partagent ces deux caractéristiques : une identification claire aux USA et l’existence d’alternatives européennes ou asiatiques. À l’inverse, les secteurs où les alternatives sont plus limitées, comme les logiciels professionnels (44%) ou les réseaux sociaux (41%), présentent des taux d’intention de boycott plus modérés.
Cette logique explique pourquoi les marques automobiles américaines figurent en bonne place dans notre TOP 20 des marques les plus menacées : Tesla (47%), Jeep (41%) et Ford (37%) sont facilement substituables par des alternatives européennes ou asiatiques. De même, les marques de vêtements (Calvin Klein, Tommy Hilfiger, Ralph Lauren, Gap) et de chaussures (Timberland) font face à un risque élevé en raison d’un marché extrêmement concurrentiel. En revanche, les Français sont beaucoup moins motivés à l’idée d’abandonner leurs habitudes avec les géants américains des nouvelles technologies – type smartphone, streaming ou réseaux sociaux – auxquels ils sont souvent très dépendants.
10 – « Elon go home » : l’empire Musk en première ligne du boycott antiaméricain.
L’analyse détaillée des marques les plus menacées de boycott place indiscutablement l’empire entrepreneurial d’Elon Musk comme la principale cible du mouvement #BoycottUSA : Tesla arrivant en tête du classement (47%), suivi par Twitter/X en troisième position (40%).
Les marques d’Elon Musk payent là les sorties d’un patron provocateur, connu pour son soutien explicite à Donald Trump, ses prises de position controversées sur les réseaux sociaux et son soutien ouvert aux mouvements d’extrême droite en Europe. Plus récemment, son salut « nazi » lors de l’investiture de Donald Trump et son engagement à la tête du Département de l’efficacité gouvernementale (Doge), ont contribué à un effondrement de son image de marque dans l’opinion. Ces données vont en tous cas dans le sens de la chute des ventes de voitures Tesla (45% en Europe en janvier 2025 par rapport à janvier 2024) dans un marché des voitures électriques pourtant à la hausse.

Pour finir, l’étude confirme aussi l’ampleur du rejet du modèle alimentaire américain en France. Parmi les secteurs les plus menacés par le boycott figurent les sodas et boissons sucrées (55%), les chaînes de restauration rapide (52%) et les snacks américains (52%). Cette tendance se traduit concrètement dans le TOP 20 des marques les plus menacées par ce mouvement, où figurent Coca-Cola ainsi que de nombreuses enseignes de restauration rapide : Five Guys (38%), Pizza Hut (37%), Subway (36%), KFC (35%), Starbucks (35%) et Domino’s Pizza (34%). Et sur le plan politique, le boycott des fast-foods mobilise beaucoup les électeurs écologistes et de gauche, pour qui cette démarche combine aussi préoccupations environnementales et critique d’une alimentation industrielle.
Le point de vue de François Kraus de l’Ifop, Directeur du Pôle Politique & Actualités
« Cette enquête met en lumière un phénomène sans précédent dans l’histoire des relations franco-américaines : l’émergence d’un mouvement de boycott large avec des ressorts sociologiques inédits : une base de soutien qui transcende les clivages politiques, une diversité de motivations et une mobilisation forte des seniors et des catégories aisées. Cette dimension générationnelle du boycott constitue d’ailleurs sa caractéristique la plus préoccupante pour les marques américaines. Car contrairement aux mouvements de boycott traditionnels, souvent portés par des jeunes mais limités dans le temps, celui-ci mobilise massivement les seniors et les catégories socioprofessionnelles supérieures, à l’impact financier plus fort. Or cette structuration générationnelle, conjuguée à l’ampleur du soutien dans l’opinion publique, laisse présager que ce mouvement ne sera pas qu’un feu de paille dans le paysage de la consommation française, notamment pour les produits associés . »
Étude Ifop verser NYC.fr réalisé par questionnaire auto-administré en ligne du 14 au 17 mars 2025 auprès d’un échantillon national représentatif de 1000 personnes, représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus.
Photo d’en-tête : © New York 1er mars 2025 / Photo Christopher Penler (Shutterstock)