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Le Cerro Chaltén en Patagonie (Argentine) Photo Matthieu Ricard
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Pour sauver la planète, il faut s’émerveiller

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Il y a plusieurs façons de participer au combat pour sauver la planète. L’urgence climatique, l’effondrement de la biodiversité, les risques alimentaires, la surpopulation, autant de dangers qui poussent à agir. Certains, par des petits gestes du quotidien, d’autres par des actions spectaculaires dans les rues des grandes métropoles. Toutefois, il en est un qui propose une autre voie, non violente, douce mais terriblement efficace : l’émerveillement. Matthieu Ricard est certainement le moine bouddhiste le plus connu du monde. Prosélyte de la méditation, on distingue sa robe rouge écarlate dans tous les paysages du globe. Il vient de publier un livre de ses photographies autour de la planète et nous livre sa leçon : s’émerveiller de tout, du rien, du simple ; retrouver un regard d’enfant sur la nature infiniment grande ou infiniment petite. Un émerveillement qui engendre le désir de protéger notre environnement. Ce désir mène immanquablement à l’action. Bonnes feuilles.

L’émerveillement peut naître en notre esprit en toutes circonstances et de la manière la plus simple qui soit — en croisant le regard d’un enfant qui vient de naître, en étant témoin d’un acte d’une grande bonté, ou en laissant notre esprit reposer au sein de la paix intérieure. […]

La crise écologique que nous avons déclenchée est le grand défi du XXIe siècle. Il est vital d’agir avec détermination et discernement, vite et bien, alors qu’aujourd’hui, l’inertie des décideurs retarde dangereusement la mise en application des solutions préconisées par les scientifiques de l’environnement.

En conséquence, au lieu de considérer ces scientifiques comme des trouble-fête, soyons reconnaissant des connaissances et des outils qu’ils nous prodiguent pour remédier au plus vite aux bouleversements écologiques. Certes, cela exigera un changement drastique du mode de vie des sociétés les plus riches qui hésitent encore à renoncer à leur consommation effrénée de ressources naturelles pour aller vers une simplicité heureuse. Mais il y va également de la survie d’une grande partie de la biosphère. […]

« L’émerveillement constitue le premier pas vers le respect » nous rappelle Nicolas Hulot. Pour autant, sommes-nous émerveillés par la nature au point d’agir avec détermination pour changer nos modes de vie de façon drastique ?

A l’heure actuelle, si nous voulons que perdure notre émerveillement devant la nature, il convient d’y adjoindre les notions de lucidité, d’engagement et de devoir. En effet, si nous ne passons pas à l’action, nos activités continueront d’entraîner la sixième extinction de masse des espèces depuis l’apparition de la vie sur Terre. […]

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La probabilité d’un réchauffement dépassant 4°C d’ici un siècle ne cesse de croître et, selon une analyse récente, le déclenchement d’un « effet d’étuve » est maintenant de plus en plus vraisemblable. Il aurait notamment pour conséquence de réduire la population humaine de 7 à 1 milliard, diminution provoquée par les famines, les exodes de masse, pandémies et conflits. La Terre continuera sa course et l’évolution suivra son cours — n’oublions pas que si l’on compare l’histoire de la vie sur Terre (3.5 milliards d’années) à une période de vingt-quatre heures, Homo sapiens n’est apparu que 5 secondes avant minuit. Quoi qu’il en soit, pour les générations qui vont nous succéder, ces transformations s’accompagneront d’immenses souffrances.

En d’autres termes, 99.9 % de l’histoire de la vie sur Terre s’est déroulée sans nous, et elle continuera sans nous à plus ou moins longue échéance. Durant sa présence, l’espèce humaine aura marqué l’histoire de la planète par le fabuleux développement de son intelligence, de sa pensée philosophique et métaphysique, de son art et de ses sciences, mais aussi par son rôle de superprédateur. Aucune autre espèce n’a si vite et si radicalement transformé la biosphère, pour finir par provoquer une extinction majeure des autres formes de vie. […]

L’émerveillement devant la nature sauvage à lui tout seul ne règlera évidemment pas la crise écologique, mais il suscitera la prise de conscience et le respect. En effet, le respect n’engendre-t-il pas le désir de prendre soin de son objet ? Ce désir entraîne l’action qui elle-même peut nous mener vers une harmonie durable entre l’homme et l’environnement dont il fait partie par le jeu de l’interdépendance de toutes choses.

Les conditions favorables à l’émerveillement

Dans son célèbre recueil intitulé Feuilles d’herbe, Walt Whitman, poète américain engagé et humaniste, a toujours cherché à exprimer la force vitale à l’œuvre dans la nature, en des raccourcis qui entrecroisent tous les éléments de la terre.

« Je crois qu’une feuille d’herbe n’est en rien inférieure au labeur des étoiles

Et que la fourmi est également parfaite, et un grain de sable, et l’œuf du roitelet,

Et que la rainette est un chef-d’œuvre digne du plus haut des cieux,

Et que la ronce grimpante pourrait orner les salons du ciel,

Et que la plus infime jointure de ma main l’emporte sur toute mécanique,

Et que la vache qui broute tête baissée surpasse n’importe quelle stature,

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Et qu’une souris est un miracle capable de confondre des milliards d’incroyants. »

Walt Whitman

Mais l’émerveillement est loin de se limiter au seul spectacle de la nature. L’émerveillement est aussi lié à la beauté de l’humanité. En dépit de la « banalité du bien » — le fait que, la plupart du temps, la majorité des sept milliards d’êtres humains se comportent de façon décente les uns envers les autres —, nous vivons à une époque où les médias nous abreuvent d’images de haine, de discrimination, d’insatisfaction, de persécution et autres causes de souffrance. Cette focalisation sur « les mauvaises nouvelles » est en partie compréhensible, car elle a pour mission de nous alerter sur ce qui va mal et de nous inciter à remédier au dénuement et à l’injustice. Toutefois, il ne faut pas pour autant succomber au « syndrome du mauvais monde » et nourrir une vision désenchantée de la nature humaine. Il importe de comprendre que, même face à l’adversité, il est non seulement possible, mais désirable de s’émerveiller d’un regard, d’un geste de complicité et de solidarité qui fait chaud au cœur et emplit notre esprit de douce félicité. […]

Habités par l’émerveillement, nous perdons le sentiment d’être au centre du monde. Nous avons le sentiment de faire partie de quelque chose de « plus grand que nous » et devenons davantage concernés par les questions mondiales qui transcendent l’individu, celles de l’environnement en particulier.

Ceux qui s’émerveillent auront davantage tendance à se décrire comme un « habitant de cette planète » que comme un « individu ».

Matthieu Ricard, Émerveillement, Éditions de la Martinière, 216 pages, 100 photographies inédites, 2019

Matthieu Ricard, né en France en 1946 et fils du philosophe français Jean-François Revel et de l’artiste peintre Yahne Le Toumelin, est moine bouddhiste, auteur de livres, traducteur et photographe. Après un premier voyage en Inde en 1967 où il rencontre de grands maîtres spirituels tibétains, il termine son doctorat en génétique cellulaire en 1972, et puis part s’installer définitivement dans la région de l’Himalaya où il vit maintenant depuis plus de 40 ans.

  • Matthieu Ricard est l’auteur de plusieurs livres dont Le moine et le philosophe, un dialogue avec son père Jean-François Revel, Plaidoyer pour le bonheur, L’art de la méditation, L’infini dans la paume de la main (un dialogue avec l’astrophysicien Trinh Xuan Thuan), Plaidoyer pour l’altruisme et Plaidoyer pour les animaux. Ses livres ont été traduits dans plus de vingt langues.
  • Matthieu Ricard a consacré sa vie à l’étude et à la pratique du bouddhisme auprès des plus grands maîtres spirituels tibétains de notre époque, et est l’interprète français du Dalai Lama depuis 1989.
    Il est l’auteur de plusieurs volumes de traductions à partir du tibétain
    Depuis de nombreuses années, il photographie également les paysages, les maîtres spirituels, et les populations de la grandiose région himalayenne.
    Ses photographies sont exposées dans des musées et galeries à travers le monde, et ont été regroupées dans plusieurs livres de photos. L’intégralité des droits d’auteurs issus de la vente des photographie de Matthieu Ricard est reversée à l’association humanitaire qu’il a créée, Karuna-Shechen.
    Son site

Image d’en-tête : Le Cerro Chaltén en Patagonie (Argentine) Photo Matthieu Ricard

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