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Le défi de l’adaptation au changement climatique

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Créée il y a un an à l’initiative des Pays-Bas, la Commission mondiale sur l’adaptation (Global Commission on Adaptation) avait pour objectif implicite de faire progresser la visibilité politique de la question de l’adaptation au changement climatique, et par conséquent d’accélérer le rythme des actions destinées à la préparation aux conséquences du changement climatique à l’échelle globale. Le rapport de la Commission (1) c., publié deux semaines avant le Sommet sur le climat organisé ce 23 septembre à New York par le secrétaire général des Nations unies, rappelle l’importance de l’adaptation, expose les priorités d’action et donne le coup d’envoi d’une « année d’actions ». Quels sont les points à retenir de ce rapport et pourquoi était-il nécessaire ? Une analyse de Lola Vallejo de l’IDDRI.

Le changement climatique place nos sociétés face à deux défis : nous devons tenter d’atténuer le bouleversement climatique en réduisant nos émissions de gaz à effet de serre tout en nous préparant à essuyer les conséquences inévitables que nos émissions passées produiront sur le climat, nos écosystèmes et nos sociétés. Si la communauté mondiale ne peut prétendre avoir à ce jour surmonté l’un ou l’autre de ces obstacles, la question de l’atténuation semble avoir suscité depuis le Sommet de la Terre organisé en 1992 à Rio plus d’intérêt auprès des responsables politiques que celle de l’adaptation. Pourquoi, comme l’a dit Christiana Figueres, l’adaptation tend-elle à faire figure de « Cendrillon du changement climatique » ?

  • Si l’atténuation n’est pas un sujet simple, l’adaptation s’avère complexe sur un plan conceptuel et tend à déconcerter même une bonne part de ceux qui travaillent sur les questions climatiques. Les conséquences du changement climatique ne bénéficient d’aucun indicateur irréfutable (tel que la tonne de CO2e), elles ne peuvent pas faire l’objet de prévisions précises concernant le moment ou le lieu où elles se produisent, et elles résultent tout à la fois d’aléas climatiques et d’une vulnérabilité socio-économique, qui, tout comme les solutions en matière d’adaptation, sont spécifiques à un secteur ou un contexte donné.
  • Le changement climatique touche de manière disproportionnée les plus vulnérables et, traditionnellement, l’adaptation a été considérée comme une question relevant du domaine du développement et concernant uniquement les pays en développement. L’Accord de Paris place sur un pied d’égalité l’objectif global en matière d’adaptation, l’objectif de long terme en matière d’atténuation et l’alignement des flux financier avec la direction suivie (Art.2.1). Toutefois, fait révélateur, seules les contributions déterminées au niveau national (CDN) des pays en développement communiquées avant la COP 21 en 2015 incluaient une section dédiée à l’adaptation – aucun pays développés n’ayant fait de même.
  • Dans l’ensemble, il existe au sein de la sphère de l’action climatique la peur que l’accent porté sur le besoin de prendre des mesures en faveur de l’adaptation puisse, en comparaison, envoyer le message que nous abandonnons également de manière collective la question de la réduction des émissions, ou que nous diminuons les précieuses ressources destinées à œuvrer dans ce sens.

La Commission présente un casting prestigieux formé de 34 personnalités occupant ou ayant occupé des fonctions de ministre, de directeur général ou de maire ; elle est dirigée par l’ancien secrétaire général des Nations Unies Ban Ki-moon, l’homme d’affaires Bill Gates et la directrice générale de la Banque mondiale, Kristalina Georgieva. Ensemble, ils apportent leur crédibilité et leur poids politique au rapport de la commission qui peut être considéré comme une forme d’introduction sur la question de l’adaptation, met en lumière les exemples les mieux connus et rassemble quelques contributions nouvelles. De ce point de vue, le rapport complète les publications existantes faisant autorité en ce qui concerne les impacts du changement climatique et les questions d’adaptation : les rapports d’évaluation scientifique du Giec se sont livrés à des études d’impact du changement climatique depuis leur première édition (1992), tandis que le Programme des Nations unies pour l’environnement produit des rapports portant sur les lacunes à combler en matière d’adaptation (Adaptation Gap reports), depuis 2014. Mais le vide que le rapport de la Commission mondiale vise à combler s’articule autour de deux points : mettre au point des lignes directrices pour l’adaptation et inciter à l’action à l’échelle mondiale, en bâtissant des coalitions entre les gouvernements, les entreprises et la société civile. Son titre, Adapt now : a global call for leadership on climate resilience (« s’adapter maintenant : un appel global au leadership en matière de résilience climatique »), reflète cette ambition.

La couverture médiatique de la sortie du rapport s’est focalisée sur un argument économique en faveur de l’adaptation à l’échelle globale, selon lequel chaque dollar US dépensé pour l’adaptation pourrait donner lieu à une retombée économique nette allant de 2 à 10 dollars US, et produire des bénéfices pour les populations et l’environnement. Les analyses montrent également que les efforts actuels en matière d’adaptation sont insuffisants et qu’ils devraient être conduits aux niveaux local, national et mondial — ce qui fait écho au fait que l’adaptation est un problème mondial (Iddri, 2015), mais aussi qu’une coopération transfrontalière au sujet de l’adaptation peut s’avérer nécessaire (Iddri, 2018). Cependant, la contribution principale du rapport est de préciser quels systèmes clés doivent mieux intégrer les questions d’adaptation du point de vue de la planification et du financement, et de définir des initiatives s’inscrivant dans les 8 domaines d’action suivants : (1) la finance et les investissements, (2) la sécurité alimentaire et l’agriculture, (3) les solutions fondées sur la nature, (4) l’eau, (5) les villes résilientes, (6) l’action au niveau locale, (7) les infrastructures et (8) la prévention des catastrophes. La Commission désigne aussi nommément des organisations partenaires pour chacune de ces voies d’action et s’engage à faire progresser différentes initiatives dans ces différents domaines. Les objectifs visés par ces initiatives peuvent sembler vagues, mais, point intéressant, la Commission établit elle-même un mécanisme de reddition de comptes en lançant une « année d’actions » et en invitant les lecteurs à dresser le bilan des progrès réalisés dans ces sept directions à l’occasion d’un Sommet sur l’adaptation qui se tiendra aux Pays-Bas en octobre 2020 (2). Ceci est d’autant plus précieux que la communauté des décideurs politiques et des chercheurs s’efforce actuellement d’expliquer comment elle évaluera les progrès réalisés concernant l’adaptation à l’échelle globale dans le cadre du Bilan mondial (Global Stocktake) 2023 demandé par l’Accord de Paris. Puisqu’il n’existe pas d’indicateurs en matière d’adaptation communément acceptés et que les rapports par pays sont peu susceptibles de fournir des informations venant du terrain qui soient fiables et cohérentes, l’Iddri propose quelques réflexions initiales pour alimenter le processus de construction d’un système de suivi global des progrès en matière d’adaptation.

Comment le Sommet sur l’adaptation de 2020 peut-il s’inscrire dans le cadre des négociations au sein de la CCNUCC ? Dans la mesure où la COP26 qui se tiendra au mois de décembre de la même année portera certainement principalement sur les efforts en matière d’atténuation auxquels les pays s’engagent par le biais de leurs CDN améliorées et leurs stratégies à long terme, le Sommet pourrait appuyer « l’équilibre » souvent recherché à propos de la gouvernance internationale de l’atténuation et de l’adaptation. La Commission elle-même ne dispose pas d’un mandat formel de la part des Nations unies, bien que 20 pays en développement et développés (Chine, Sénégal et Royaume-Uni, notamment) se soient engagés à travailler avec elle. Le rapport élude des questions clés qui font actuellement l’objet de négociations (comme celle des « pertes et préjudices/dommages », loss and damage) et évite de mettre l’accent sur les questions de transferts financiers internationaux. Cela le rend à la fois plus largement accessible aux décideurs ainsi qu’à un public plus étendu, mais pourrait également faciliter le rejet des conclusions du Sommet sur l’adaptation de 2020 par les délégués de la CCNUCC.

L’un des messages clés émis par la Commission est qu’il n’existe pas de compétition entre la question de l’atténuation et celle de l’adaptation : les deux sont nécessaires. Atteindre zéro émission nette à l’échelle globale, comme nous y invite l’Accord de Paris, implique de reprogrammer en profondeur la manière dont nous vivons et produisons. Alors que nous nous attelons à cette tâche, assurons-nous que la transition que nous opérons prenne en compte les conséquences inévitables que nos émissions passées et présentes nous engagent à traiter.

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Lola Vallejo, Directrice du progamme climat IDDRI
L’original de cet article a été publié sur le Blog de l’IDDRI le 17/09/2019

(1)  https://cdn.gca.org/assets/2019-09/GlobalCommission_Report_FINAL.pdf
Lola Vallejo et Alexandre Magnan ont contribué, aux côtés d’autres experts internationaux, à deux papiers de cadrage produits en préparation du rapport final : Adaptation of Infrastructure Systems (L. Vallejo) et Adaptation as a Global Public Good : Understanding and Managing Transboundary Climate Risks (A. Magnan).

(2) La manière dont cette initiative se coordonnera avec le mandat accordé au Royaume-Uni (également hôte de la COP26), à l’Egypte et au PNUD pour orchestrer l’action à mener concernant la résilience et l’adaptation (Resilience and Adaptation) en vue du Sommet pour le climat du SG des Nations unies n’est pas encore claire.

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