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Rapport du GIEC sur les océans : rien ne va plus

Rapport du GIEC sur les océans : rien ne va plus

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Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) vient de publier, ce 25 septembre, son rapport spécial sur les océans et la cryosphère. Cent-quatre scientifiques de trente-six pays ont référencé et décrypté sept-mille publications ; leur rapport de 900 pages dresse un diagnostic implacable de l’état des océans et des zones glacées. Le changement climatique causé par les émissions de gaz à effet de serre a profondément modifié les océans ; et ce n’est pas fini. Les projections sont alarmantes et révèlent des conséquences majeures non seulement sur les activités humaines mais sur la survie de centaines de millions de personnes exposées.

Les lecteurs de UP’ Magazine nous reprochent parfois d’être trop alarmistes sur le climat. Mais les informations que produisent sans relâche les scientifiques qui se penchent sur l’état de notre planète ne sont pas d’un optimisme forcené. Loin de là. Le dernier rapport du GIEC est, à ce titre, particulièrement salé… et glaçant.  

L’océan est détraqué

Les experts mandatés par les Nations-Unies se sont concentrés sur ce qui représente 71 % de la surface de notre planète et forme 90 % du milieu du vivant : les océans. Qu’il soit Atlantique, Arctique ou Pacifique… de la surface aux abysses, au large comme près des côtes, l’océan est détraqué.  C’est lui pourtant qui produit quasiment la moitié de notre oxygène, qui redistribue dans ses courants des masses gigantesques d’énergie sous forme de chaleur. C’est lui qui capte jusqu’à un tiers du dioxyde de carbone produit par les activités humaines. Cet océan est malade. Il a la fièvre, il est en surchauffe et il suffoque par manque d’oxygène. Quand il n’est pas pollué, inondé de ces composés chimiques déversés le long des côtes qui produisent d’immenses « zones mortes », déserts marins où la vie disparaît.

Quand l’océan va mal, c’est toute la planète y compris les hommes qui sont impactés. L’océan a vu son rythme de réchauffement doubler au cours de ces vingt-cinq dernières années. Les scientifiques ont clairement détecté les premiers signes de réchauffement dans les années 1970.  Mais le rythme s’est accéléré à partir de 1993. Les océans se réchauffent en moyenne de 0.11 °C par décennie. Ce chiffre ne semble pas énorme, mais il traduit un bouleversement de la nature même des océans. Plus encore, les mesures montrent que le réchauffement est plus sensible dans les couches profondes situées entre 700 et 2000 mètres. A ces profondeurs, le rythme du réchauffement a triplé. Tous les océans ne sont pas impactés de la même manière. L’Arctique, se réchauffe ainsi deux fois plus que la moyenne mondiale.

Le rapport du GIEC parle même de « canicules océaniques », ces vagues de chaleurs qui sont deux fois plus nombreuses depuis le début des années 1980. Ces canicules brûlent des écosystèmes entiers de forêts d’algues, refuge et nourriture de très nombreuses espèces marines. L’accroissement de la température de l’eau entraîne des bouleversements dans la salinité et par conséquence la circulation de l’eau dans les courants océaniques, d’une part, mais aussi entre la surface et les profondeurs.

Or cette circulation est le moteur de l’alimentation de nombreuses espèces. Les nutriments qui se situent au fond des mers ne remontent plus à la surface, entraînant la disparition d’une proportion importante de la biomasse marine. Conséquence directe pour les hommes, la pêche décline et va continuer à décroître. Pourtant elle est la source d’alimentation principale, voire exclusive de centaines de millions de personnes sur toutes les côtes du monde.

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Montée des eaux

L’impact du changement climatique sur les océans se mesure aussi par la montée du niveau des eaux. C’est le facteur qui produit le plus d’imaginaire et a alimenté bon nombre de films à succès. Mais aujourd’hui, ce n’est pas du cinéma.  

Le réchauffement de l’eau des océans entraînant leur dilatation est la cause la plus évidente de l’élévation du niveau des mers. Quand l’eau de la casserole bout, elle monte et déborde parfois. L’autre cause, contributrice majeure au phénomène, est la fonte des glaces partout sur la planète. Il ne se passe pas un jour sans que l’on n’annonce la rupture de pans entiers de banquise, la disparition d’un glacier de montagne ou la fonte accélérée du permafrost, ce sol gelé depuis la nuit des temps. Le rapport du GIEC précise que la seule fonte accélérée ces dernières années des deux calottes glaciaires du globe, l’Antarctique et le Groenland, a rejeté dans les océans 430 milliards de tonnes d’eau douce. Des événements extrêmes, rapides et violents qui se conjuguent pour participer à l’élévation du niveau des mers.

Le niveau des océans monte et commence à mettre en danger 680 millions de personnes qui habitent dans des zones où l’altitude au-dessus du niveau de la mer ne dépasse par dix mètres. En la matière, le GIEC a revu toutes les prévisions à la hausse. D’ici la fin du siècle, la montée des eaux devrait s’étager entre 0.59 m et 1.10 m . Tout dépend des quantités de gaz à effet de serre que nous rejetons dans l’atmosphère et de la hausse globale des températures. Si nous parvenons à contenir le réchauffement à 1.5 °C, nous nous situerions dans le bas de la fourchette. Mais le système océanique présente une grande inertie et le phénomène de montée du niveau des mers a déjà commencé. Tout retour en arrière semble impossible.  

L’élévation du niveau des mers ne doit pas être envisagé à la seule aune des centimètres. En effet, une élévation de cinquante centimètres semble insignifiante pour le commun des mortels ; certaines régions côtières françaises ne sont-elles pas habituées à des marées de plus de six mètres ? Ce qu’il faut comprendre c’est que tous les facteurs sont imbriqués. Le réchauffement des océans va produire plus de vapeur d’eau et la formation de phénomènes météorologiques extrêmes : cyclones, vagues submersives, tempêtes et inondations. Ces phénomènes devraient, selon les projections du GIEC, se multiplier et s’intensifier. Des événements exceptionnels qui n’apparaissaient jusqu’à présent qu’une fois par siècle pourraient advenir tous les ans. Ces phénomènes conjugués avec l’élévation du niveau des océans seront ravageurs. Des tempêtes comme Katrina par exemple auraient des effets démultipliés, les inondations s’enfonçant considérablement plus haut et plus loin dans les terres.

Mégapoles comme petits villages

Mégapoles comme petits villages, s’ils se trouvent près de la mer, seront concernés par ces phénomènes. Le GIEC dénombre aujourd’hui 680 millions de personnes potentiellement exposées. Elles dépasseront le milliard en 2050. Les experts du GIEC notent aussi que des variations d’intensité de l’élévation du niveau des mers pourront atteindre plus de 30 % selon les régions. Les îles et atolls urbanisés sont les plus menacés, mais les villes géantes, du fait de la densité de leur population comme Shangaï ou New York, sont en ligne de front. Les deltas et les embouchures de grands fleuves comme le Gange, avec leurs immenses territoires agricoles sont en grave danger et la construction de digues et d’ouvrages destinés à contraindre la montée des eaux semble des solutions nécessaires dans certains cas bien circonscrits mais inaccessibles à plus grande échelle. Sur les côtes du monde entier, construire des protections pourrait réduire de 100 à 1 000 fois les risques d’inondations, affirme le rapport. Mais à une condition : investir « des dizaines à des centaines de milliards de dollars par an ». Ce n’est pas évident partout.

Le GIEC préconise la restauration des milieux naturels comme les mangroves ou les récifs coraliens, mais la solution la plus radicale et certainement la plus efficace pour sauver le plus de vies humaines serait de partir. De reculer devant la mer qui monte et de s’installer ailleurs, plus haut. Encore faut-il pouvoir le faire et disposer de terres d’accueil pour ces nouveaux migrants climatiques que les scientifiques du GIEC nous annoncent.

Ne pas désespérer

Malgré ces informations alarmantes, il ne faut pas désespérer. C’est ce qu’essaient, manifestement sans trop y croire, de nous dire les rédacteurs du rapport.  Beaucoup de phénomènes sont irréversibles. Le changement climatique est sur son aire et l’on ne pourra pas revenir en arrière. Les océans ont absorbé 90% de la chaleur supplémentaire générée par le CO2 produit par l’homme. Les conséquences sont déjà identifiables et mesurables clairement. Mais le GIEC prévoit que les océans aspirent encore 2 à 4 fois plus de chaleur d’ici 2100 et ce, dans un scénario optimiste. « À cause de cette chaleur emmagasinée, nous ne pouvons plus revenir en arrière, quoi que nous fassions avec nos émissions, le changement climatique est irréversible », assène à l’AFP la climatologue Valérie Masson-Delmotte, qui a participé à la rédaction du document du GIEC.  

En revanche, on peut essayer d’éviter d’aggraver les choses en réduisant nos émissions de gaz à effets de serre pour ralentir le réchauffement des océans afin de nous faire gagner un peu de temps. « Les modifications de l’océan ne s’arrêteront pas soudainement en baissant les émissions, mais leur rythme devrait être ralenti. Ça permettrait de gagner du temps » promet Valérie Masson-Delmotte. Gagner du temps pour se préparer à la montée des eaux et aux événements météo extrêmes qui lui sont liés (vagues de submersion, tempêtes) : en construisant des digues autour des grandes mégapoles côtières ou en anticipant le déplacement inéluctable de certaines populations vivant actuellement sur des territoires qui pourraient devenir inhabitables d’ici la fin du siècle.

« Gagner du temps », comme une imploration face à l’urgence.

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