Il n’a pas le moindre neurone mais il est capable d’apprendre : un organisme vivant étonnant constitué d’une unique cellule a montré qu’il savait tirer des leçons de ses expériences pour se nourrir sans risque, révèle une étude. « C’est la première fois que l’on prouve qu’un organisme unicellulaire est capable d’apprentissage », déclare à l’AFP Romain Boisseau, chercheur en biologie et co-auteur de cette étude publiée mercredi.
Pour la première fois, des chercheurs viennent de démontrer qu’un organisme dépourvu de système nerveux est capable d’apprentissage. Une équipe du Centre de recherches sur la cognition animale (CNRS/Université Toulouse III – Paul Sabatier) a réussi à démontrer qu’un organisme unicellulaire, le protiste Physarum polycephalum, est capable d’une forme d’apprentissage nommée habituation. Cette découverte permet d’éclairer l’origine de la capacité d’apprentissage durant l’évolution, avant même l’apparition du système nerveux et du cerveau. Elle pourrait également amener à s’interroger sur la capacité d’apprentissage d’autres organismes extrêmement simples comme les virus et les bactéries. Ces résultats sont publiés dans la revue Proceedings of the Royal Society B le 27 avril 2016.
La capacité d’apprentissage et la mémoire sont des éléments clés dans le monde animal. Tirer des leçons de ses expériences et adapter son comportement en conséquence est vital pour un animal qui vit dans un environnement fluctuant et potentiellement dangereux. Cette faculté est généralement considérée comme l’apanage d’organismes dotés d’un cerveau et d’un système nerveux. Pourtant les organismes unicellulaires doivent eux aussi s’adapter au changement. Manifestent-ils des capacités d’apprentissage ? Des bactéries ont certes une faculté d’adaptation, mais elle se produit sur plusieurs générations et relève donc plutôt de l’évolution. Une équipe de biologistes a donc cherché à apporter la preuve qu’un organisme unicellulaire pouvait apprendre. Ils ont choisi d’étudier le protiste Physarum polycephalum, une cellule géante qui vit dans les sous-bois et fait preuve d’étonnantes aptitudes, telles résoudre un labyrinthe, éviter des pièges ou optimiser sa nutrition2. Mais on savait très peu de choses jusqu’à présent sur sa capacité d’apprentissage.
Le héros de l’étude, Physarum polycephalum, ne paie pas de mine. Vivant dans les sous-bois des régions tempérées, il ressemble à un champignon jaune gluant. Mais ce n’en est pas un.
Lointain cousin des plantes, des champignons et des animaux, il est apparu sur Terre environ 500 millions d’années avant l’Homme.
Formé d’une seule cellule, il compte des milliers, voire des millions de noyaux et peut recouvrir des surfaces de plusieurs mètres carrés grâce à ses extensions (pseudopodes).
Il est capable de se déplacer à la vitesse de 5 centimètres par heure pour trouver de la nourriture.
Surnommé « le blob » par les chercheurs, en raison de son côté informe et en référence au film de science-fiction « The Blob » où une masse venue d’ailleurs dévorait les humains, le glouton Physarum polycephalum se nourrit de bactéries et champignons notamment.
Mais il est aussi fan d’avoine. Et c’est là que démarre l’expérience.
Lors d’une expérience de neuf jours, les scientifiques ont donc confronté différents groupes de ce protiste à des substances amères mais inoffensives, qu’ils devaient traverser afin d’atteindre une source de nourriture. Un groupe était ainsi confronté à un « pont » imprégné de quinine, un autre à un pont de caféine tandis qu’un groupe témoin devait simplement passer sur un pont non imprégné. Au tout début réticents à franchir les substances amères, les protistes ont appris au fur et à mesure des jours qu’elles étaient inoffensives et les ont traversées de plus en plus rapidement, se comportant au bout de six jours de la même façon que le groupe témoin. La cellule a donc appris à ne plus craindre une substance inoffensive après y avoir été confrontée à plusieurs reprises, un phénomène que les scientifiques nomment habituation. Au bout de deux jours sans contact avec la substance amère, le protiste retrouve son comportement initial de méfiance. Par ailleurs, un protiste habitué à la caféine manifeste un comportement de défiance vis-à-vis de la quinine, et inversement. L’habituation est donc bien spécifique à une substance donnée.
L’habituation est une forme d’apprentissage rudimentaire qui a été caractérisée chez l’aplysie (un invertébré aussi appelé lièvre de mer)3. Cette forme d’apprentissage existe chez tous les animaux, mais n’avait encore jamais été trouvée chez un organisme dépourvu de système nerveux. Cette découverte ouvre la possibilité de rechercher des types d’apprentissage chez d’autres organismes très simples comme les virus ou les bactéries.
Sources : CNRS et AFP
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