Un groupe de députés verts allemands soutient l’utilisation des techniques du génie génétique, qui pourraient, selon eux, contribuer significativement au développement durable. Une approche inédite qui s’oppose à la position que les écologistes adoptent habituellement à ce sujet.
Dans une tribune datée du 10 juin, les 22 signataires — qui incluent un législateur européen — appellent à une « modernisation » des règles qui encadrent le génie génétique.
De manière générale, les Verts, comme la plupart des groupes environnementaux, s’opposent catégoriquement à l’utilisation de ce genre de techniques.
Il faut noter que c’est la première fois que le parti est divisé à ce point sur un sujet, bien que la recherche génomique reçoive un soutien croissant depuis plusieurs années, notamment de la part des jeunes écologistes.
L’article déclare que les technologies de modification génétique pourraient jouer un rôle clé en matière de développement durable et offriraient des perspectives « pour une planète saine, et donc pour le bien des citoyens et de l’environnement ».
Des biotechnologies pour une société durable et juste ?
À ce titre, les Verts soulignent qu’il en va de leur responsabilité, en tant que parti écologiste et socialiste, d’évaluer le potentiel d’une telle biotechnologie pour une société durable et juste, au niveau local, mais aussi mondial. « Nous ne pouvons plus ignorer la nécessité d’agir, mais nous devons également intégrer notre évaluation équilibrée et prudente des technologies à un dialogue avec la science pour [favoriser] l’ingénierie génétique dans l’agriculture », indique le document.
La tribune établit un parallèle avec l’utilisation de la génétique dans le secteur sanitaire. D’après les signataires, le recours à cette technique dans le domaine de la santé démontre qu’il n’existe « pas de bon ou mauvais génie génétique », mais que des domaines d’application devraient plutôt être définis « en fonction des risques et des perspectives » que celle-ci présente.
Les députés craignent par ailleurs que la réglementation actuelle relative aux organismes génétiquement modifiés (OGM) « ne corresponde plus aux avancées actuelles de la science », mais ne serve qu’à aller dans le sens des monopoles de l’agriculture.
L’eurodéputée Viola von Cramon-Taubadel, l’une des signataires du document, a indiqué à l’agence Euractiv qu’une dynamique en faveur de cette technologie s’installait au sein du parti. Selon elle, les auteurs de l’article œuvrent pour que le débat reste scientifique plutôt qu’idéologique.
« La législation actuelle est très contradictoire », soutient l’Allemande. Le système CRISPR, notamment, est fréquemment utilisé dans la recherche médicale, mais pas dans le domaine agricole, et cette incohérence doit être corrigée, explique-t-elle.
« [Cette] surrèglementation représente aussi un obstacle pour les PME, [parce qu’elle est] très bureaucratique, coûteuse et astreignante. Par conséquent, cela signifie que dans dix ans, [la production européenne sera] délocalisée et les agriculteurs de l’UE devront acheter des graines perfectionnées ailleurs à un prix élevé ».
Viola von Cramon-Taubadel ajoute que de nombreux membres du parti partagent cette opinion et se montrent favorables à un débat ouvert, mais n’ont pas signé la tribune parce qu’ils hésitaient à se prononcer sur cette question sensible.
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Une réponse aux défis de l’agriculture
Beat Späth, directeur de la biotechnologie agricole pour EuropaBio, salue l’initiative. C’est « encourageant de voir des voix plus progressistes basées sur la science s’exprimer au sein du parti écologiste allemand », considère-t-il.
La modification génétique « a le potentiel de répondre efficacement à de nombreux défis auxquels l’agriculture et la société en général sont confrontées aujourd’hui », affirme Beat Späth. « J’attends avec impatience un dialogue politique ouvert et factuel sur ce sujet », assure-t-il.
En réponse à la tribune, Martin Häusling, le porte-parole du groupe des Verts/ALE pour l’agriculture au Parlement européen, et Harald Ebner, le porte-parole des écologistes allemands pour le génie génétique et la politique bioéconomique, ont publié une déclaration séparée qui vient renforcer la position initiale des Verts.
Selon les deux Allemands, l’article ne peut « en aucun cas parler d’une remise en question par les Verts de la manière dont le principe de précaution et l’arrêt de la Cour de justice de l’UE (CJUE) de 2018 devraient être suivis ». Ils ajoutent que « les [tribunes] spontanées contribuent au débat, mais ne changent pas les décisions prises à la majorité ».
D’après la déclaration, la majorité des Verts souhaite toujours que les nouvelles techniques génétiques soient réglementées de façon stricte, et que la liberté de choix des consommateurs et des agriculteurs soit préservée.
La directrice de la politique alimentaire de Greenpeace Europe, Franziska Achterberg, abonde dans ce sens, affirmant qu’il s’agirait d’une « position minoritaire » au sein du parti des Verts allemands.
Il est « assez incroyable qu’une personne qui défend des normes écologiques et sociales élevées » soit en faveur d’un assouplissement de la législation européenne relative aux OGM, soutient-elle. Les entreprises agrochimiques « profiteront des brevets sur les technologies et les graines génétiquement modifiées, mais je ne sais pas pourquoi les Verts iraient dans leur sens », indique la directrice.
Ce débat sur le génie génétique s’inscrit dans le contexte d’une étude menée par la Commission pour dissiper le flou autour de cette technologie, après que la CJUE a statué que les OGM relevaient du champ d’application de la directive européenne en la matière.
Source : Euractiv