Le sommeil est l’une des rares expériences qui nous restent où, sciemment ou non, nous nous abandonnons nous-mêmes au soin d’autrui. Aussi solitaire et privé que ce phénomène puisse paraître, le sommeil n’a pas encore pu être détaché de tout un entrelacs interhumain de soutien et de confiance mutuels, et ceci nonobstant l’état de détérioration dans lequel ces liens se trouvent. Le sommeil permet aussi une sorte de relâchement périodique de l’individuation – un démêlage nocturne de l’enchevêtrement, tissé à mailles plutôt lâches, des subjectivités superficielles que l’on habite et que l’on gère durant la journée. Dans la dépersonnalisation du sommeil se logent un monde en commun, un geste partagé de retrait hors de la calamiteuse nullité et des gaspillages d’une pratique continue 24/7. Le sommeil a beau être par bien des aspects inexploitable et inassimilable, il est cependant loin de former une enclave hors de l’ordre global existant. Si le sommeil a toujours été poreux, empreint des émanations de l’activité éveillée, il est moins protégé que jamais contre les assauts qui le minent et le fragilisent. En dépit des dégradations qu’il subit, le sommeil correspond à la réapparition d’une attente, d’une pause dans nos vies. (…) Le sommeil est une rémission, une relaxe hors de la « continuité constante » des liens qui nous enserrent à l’état éveillé. »Jonathan Crary, Historien – « Le capitalisme à l’assaut du sommeil », La Découverte, 2014.
Ecouter l’émission La Méthode scientifique de France Culture « A la recherche du sommeil perdu » : Comment marche le sommeil ? Les troubles du sommeil sont-ils un enjeu de santé publique ? Avec Isabelle Arnuff, neurologue, directrice de l’unité des pathologies du sommeil de l’Hôpital de la Pitié Salpêtrière, elle a publié notamment « Une fenêtre sur les rêves : neurologie et pathologies du sommeil » chez Odile Jacob et Claude Gronfier, neurobiologiste à l’Unité INSERM 846 à Bron et vice-président de la société francophone de chronobiologie.