Pendant très longtemps, le sport et l’activité physique, bien que reconnus comme bénéfiques pour la forme et la santé, restaient considérés comme subsidiaires et vus essentiellement comme des variables d’ajustement qui venaient en complément à la médecine allopathique, dont l’efficacité thérapeutique ne cessait de s’accroître.
Mais au cours de ces dix dernières années, de nombreuses recherches et études sont venues profondément transformer cette conception scientifique sur le rôle et la place exactes de l’exercice physique en matière de prévention et de lutte contre de nombreuses maladies, y compris les plus graves.
Une étude réalisée à la demande de la MGEN en 2006 sur plus de 100 000 femmes françaises, nées entre 1925 et 1950, par une équipe de chercheurs de l’INSERM, a par exemple montré qu’il existe bien un lien tout à fait mesurable entre activité physique et risque de cancer du sein, même chez les femmes présentant des facteurs de risque important, comme certaines mutations génétiques ou des antécédents familiaux.
Selon ces recherches, les femmes qui pratiquent au moins 45 minutes par jour d’activité physique soutenue, qu’elles soient ou non sous traitement hormonal substitutif, réduisent de 38 % leurs risques de cancer du sein, par rapport aux femmes inactives.
Si l’on considère l’ensemble des études scientifiques sur cette question, on constate qu’une activité physique régulière peut permettre de réduire jusqu’à 40 % le risque de développer certains cancers parmi les plus fréquents, comme le cancer du sein ou du côlon ou d’être victime d’une récidive de cette maladie. Une méta-analyse a ainsi fait état d’un risque de mortalité réduit de 34 % chez les femmes atteintes d’un cancer du sein localisé et pratiquant une activité physique intense et régulière (150 minutes par semaine en trois séances).
Cette action protectrice très puissante de l’exercice physique vient encore d’être confirmée il y a quelques jours par une étude épidémiologique d’une ampleur sans précédent, publiée le 19 avril dernier dans le très sérieux British Medical Journal. Ce travail, réalisé par des chercheurs anglais, a porté sur les effets d’une pratique quotidienne du vélo sur la santé. En analysant les habitudes et pratiques sportives de 250.000 Britanniques pendant 5 ans, ces scientifiques de Glasgow ont constaté que le pouvoir protecteur du sport était encore plus important qu’on ne l’imaginait jusqu’à présent (Voir BMJ).
Au cours de cette vaste étude, 2.430 participants sont décédés, 3.748 ont développé un cancer et 1.110 ont eu un problème cardiaque. Après analyse des habitudes de vie des participants, les chercheurs ont calculé que le fait de faire régulièrement du vélo, à raison de 7 km par jour en moyenne, diminuait les risques de cancer de 45 %, ceux de pathologies cardiaques de 46 % et les risques globaux de mortalité de 41 %. Ces recherches montrent également que les personnes qui marchent au moins 10 km par semaine diminuent sensiblement leurs risques de cancer et de maladies cardio-vasculaires.
Ces travaux soulignent de manière très intéressante que ces effets bénéfiques pour la santé persistent dans le temps et semblent intrinsèques, ce qui signifie qu’ils se manifestent indépendamment des autres facteurs de risque pris en compte chez les patients étudiés (surpoids, tabagisme, hypertension, etc.).
En novembre 2016, une autre étude australienne a montré que les sports de raquette sont parmi les plus efficaces pour diminuer les risques de mortalité. En tenant compte du profil de risque personnel des personnes participantes (âge, poids, alimentation, consommation d’alcool et tabac), les chercheurs australiens ont essayé de déterminer, sur une cohorte de 80 000 adultes suivis pendant neuf ans et dont la moyenne d’âge était de 52 ans, quelles étaient les activités sportives les plus efficaces pour réduire les risques de mortalité, notamment à cause de maladie cardiovasculaire (Voir BMJ Journals). Selon ces travaux, les adeptes du tennis, du badminton ou du squash qui avaient des risques de décès – toutes causes confondues – les ont réduits de 47 %, par rapport à ceux qui n’avaient aucune activité physique… Cette étude montre en outre que l’effet protecteur du sport n’est pas seulement dû à l’intensité et à la fréquence des séances, mais également au type d’exercice pratiqué.
Si l’activité physique a une action préventive puissante contre les pathologies les plus graves, elle est également très utile quand la maladie est malheureusement déjà présente. Il y a quelques semaines, une autre étude réalisée par des chercheurs de l’Université de Goethe Francfort en Allemagne a ainsi montré que la pratique régulière d’un sport permettait aux malades atteints d’un cancer gastrique ou intestinal de mieux supporter la chimiothérapie et de réduire les effets secondaires de la pathologie. « Nous devons pouvoir proposer, à l’avenir, aux patients atteints de cancer gastro-intestinal, même avancé, des programmes d’exercice physique pendant leur chimiothérapie. Il faut donc ouvrir des salles d’exercice dans les hôpitaux », conclut le professeur Winfried Banzer, chef du département de médecine du sport à l’Université Goethe de Francfort.
Plusieurs autres études épidémiologiques solides ont par ailleurs montré que la pratique régulière d’un sport pouvait diminuer s’au moins 17 % le risque de récidive d’un cancer du côlon et d’au moins 20 % le même risque de rechute, pour un cancer du sein. Une étude américaine portant sur 121 700 infirmières a montré que le risque de décès par cancer du sein ou de récidive de ce type de cancer est réduit de 20 à 50 % chez les femmes qui pratiquent une activité physique au moins cinq heures par semaine, par rapport à celles qui marchent moins de 3h par semaine. Ces résultats ont été confirmés par l’étude WHEL (Women’s Healthy Eating and Living Study) qui estime que le risque de rechute d’un cancer du sein pour les femmes qui marchent 30 minutes par jour 6 fois par semaine est réduit de 44 %.
En juillet 2012, une étude publiée dans le « Lancet » avait déjà fait grand bruit en montrant que le manque d’activité physique était responsable d’un décès sur dix dans le monde et que la sédentarité entraînait autant de morts prématurées que l’obésité ou le tabac…
Selon l’OMS, le manque d’activité physique concernerait deux adultes sur trois et serait responsable de 5,3 millions des 57 millions de décès répertoriés à travers le monde. Le docteur I-Min Lee (Harvard Medical School de Boston) souligne pour sa part que 10 % des quatre grandes maladies non transmissibles (maladies cardio-vasculaires, diabète de type 2, cancers du sein et du côlon) seraient liées au fait de pratiquer moins de 150 minutes d’activité modérée par semaine. Une autre étude réalisée dans 122 pays et dirigée par le docteur Pedro C. Hallal (Université de Pelotas, au Brésil), montre qu’un tiers des adultes et quatre adolescents sur cinq dans le monde ne font pas suffisamment d’exercice physique, ce qui accroît de 20 % à 30 % leur risque d’avoir des maladies cardio-vasculaires, du diabète et certains cancers. Selon le docteur Hallal, « Une généralisation de l’activité physique permettrait un gain de 0,68 ans de l’espérance de vie de la population mondiale, ce qui est loin d’être négligeable ».
Une étude de l’Inserm, publiée en novembre 2009, a montré, sur une population de sujets de plus de 65 ans, en bonne santé et suivis durant 5 ans, que les personnes qui marchent le plus lentement ont un risque de décès supérieur de 44 % à celles qui marchent le plus rapidement.
Citons également une autre étude réalisée par des chercheurs des Universités Jean Monnet (Saint-Etienne), de Lyon, de Dijon et du Centre Régional de Prévention du Cancer de Saint-Priest-en-Jarez. Ce vaste travail d’analyse épidémiologique montre, sur plus de 122 000 participants, suivis pendant une moyenne de 10 ans, qu’une simple activité physique correspondant à environ 15 minutes de marche active par jour, ce qui est à la portée de neuf personnes sur dix, suffit pour réduire de 22 % le risque de décès par rapport l’inactivité totale (Voir BMJ Journals).
Mais si on sait à présent avec certitude qu’ une activité physique régulière peut avoir des effets bénéfiques tout à fait remarquables dans la prévention et le traitement de maladies graves, comme le diabète, l’hypertension, les maladies cardio-vasculaires ou certains cancers, on commence également à découvrir que le sport peut également permettre de prévenir ou de retarder l’apparition du déclin cognitif lié au vieillissement et de certaines pathologies neurodégénératives, comme la si redoutée maladie d’Alzheimer.
Il y a deux ans, trois études scientifiques très solides ont montré que les bénéfices de l’activité physique pour les personnes atteintes d’Alzheimer étaient bien réels et plus importants que prévus. La première de ces études, réalisée par des chercheurs de la Wake Forest University Health Sciences, à Winston Salemn (États-Unis) a montré, sur 65 patients âgés de 55 à 89 ans et atteints de troubles légers, que la pratique régulière d’exercices d’étirement entraînait une diminution significative de la protéine « Tau », un des marqueurs biologiques de la maladie d’Alzheimer.
La deuxième étude, réalisée par l’Université de Colombie Britannique, a montré, sur 62 patients atteints de troubles vasculaires cérébraux suite à un AVC léger, qu’un programme régulier d’exercices physiques améliorait leurs fonctions cognitives, notamment l’attention et la mémoire.
Enfin, la troisième étude, réalisée au Danemark par des chercheurs du Centre Danois pour la Recherche sur les Démences, a montré, sur 200 patients atteints de la maladie d’Alzheimer, que les malades ayant pratiqué des exercices physiques au moins trois fois par semaine présentaient beaucoup moins de symptômes tels que la dépression, l’anxiété ou l’irritabilité.
D’une manière encore plus générale, il est également démontré que l’activité physique a un effet neuroprotecteur remarquable. C’est ainsi qu’en 2016, des chercheurs ont réussi, pour la première fois, à observer l’évolution du fonctionnement du cerveau de 55 volontaires âgés de 56 à 79 ans. Utilisant des images tridimensionnelles à haute résolution obtenues par la résonance magnétique, ils ont découvert que l’exercice retardait l’atrophie du cerveau associée au vieillissement. Les personnes actives physiquement avaient perdu, en effet, beaucoup moins de matière grise et de matière blanche que les sédentaires.
Rappelons enfin qu’en 2007, une vaste étude réalisée par l’Université de Californie a permis de montrer, sur plus de 6 000 femmes de plus de 65 ans, suivies pendant huit ans, que celles qui marchaient le plus pouvaient réduire jusqu’à 40 % leurs risques de déclin cognitif…
Une estimation scientifique prudente montre que la généralisation, dès le plus jeune âge, d’une activité physique régulière qui serait bien entendu poursuivie tout au long de la vie et adaptée au vieillissement des individus, permettrait non seulement d’éviter au moins 100 000 morts par an dans notre pays mais retarderait de plusieurs années la perte d’autonomie due à l’âge, un gain d’autant plus important que, depuis 10 ans, l’espérance de vie sans incapacité à 60 ans ne progresse plus, contrairement à l’espérance de vie globale à la naissance qui continue à augmenter régulièrement.
L’efficacité préventive et thérapeutique du sport pourrait en outre être encore amplifiée en proposant à chacun, en fonction de son profil génétique et des prédispositions à développer certaines pathologies, une « feuille de route », personnalisée, préconisant la combinaison d’activités les plus adaptées aux besoins de chaque personne.
On ne peut que se féliciter du fait que, depuis peu, les médecins peuvent prescrire sur ordonnance à leurs patients la pratique d’une activité physique, au même titre que des médicaments ou un régime. Mais il faudrait aller plus loin et dégager les moyens financiers, en réduisant par exemple certains gaspillages dans notre système de santé, qui permettraient de rembourser ces prescriptions sportives, ce qui n’est pas le cas actuellement.
Les extraordinaires progrès accomplis par la biologie et les sciences de la vie depuis un siècle ont fini par nous persuader, non sans raison, que la panoplie chimique et pharmaceutique toujours plus puissante et diversifiée dont nous disposions pour nous soigner, suffirait à venir à bout des maladies les plus graves et les plus meurtrières.
Mais nous savons aujourd’hui que les choses ne sont pas si simples et que la médecine allopathique à elle seule ne peut tout résoudre ; celle-ci sera d’autant plus efficace qu’elle sera utilisée en synergie avec les deux autres médecines qui se sont affirmées avec force au cours de ces dernières années, celle qui concerne l’ensemble de nos habitudes alimentaires et celle qui a trait aux activités physiques variées que nous pratiquons. Si nous parvenons à élargir notre conception de la santé et du bien-être en y intégrant de façon harmonieuse ces trois médecines, nos sociétés accompliront, j’en suis convaincu, un saut décisif en terme de qualité de vie et d’épanouissement individuel et collectif.
René TRÉGOUËT, Sénateur honoraire – Fondateur du Groupe de Prospective du Sénat
Editeur de la lettre RT Flash
Avec l’aimable autorisation de l’auteur
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