Redevenus l’épicentre de la pandémie de coronavirus, les pays européens multiplient les restrictions ou restaurent le confinement, suscitant la montée de l’impatience de leurs populations, voire une révolte ouverte.
Sur l’ensemble de l’Europe, le nombre de nouveaux cas de Covid-19 a bondi de 41% en une semaine, représentant la moitié des contaminations signalées ces sept derniers jours dans le monde. Une flambée qui fait craindre à certains un risque de submersion des hôpitaux et pousse les gouvernements à restreindre à nouveau les mouvements de leurs citoyens et fermer des pans entiers de l’économie.
Face à ces restrictions et au spectre de casse sociale accrue, des manifestations ont eu lieu samedi soir 28 octobre, pour la deuxième nuit consécutive, dans plusieurs villes espagnoles, suivis d’affrontements avec la police et d’actes de vandalisme et de pillage. Les troubles les plus importants se sont produits à Madrid, où de nombreux manifestants scandant « Liberté ! » ont mis le feu à des bennes à ordures et érigé des barricades dans le centre de la capitale.
L’opposition aux restrictions a aussi entraîné des heurts samedi soir à Rome entre la police et des centaines de manifestants, après des incidents similaires la veille à Florence et dans d’autres grandes villes italiennes ces derniers jours.
Colère des commerçants
En France, où un reconfinement a été instauré vendredi jusqu’au 1er décembre, la colère des petits commerçants jugés non essentiels, contraints de fermer, est vive : ils dénoncent la concurrence déloyale des grandes surfaces, autorisées à rester ouvertes, et des plateformes en ligne comme Amazon.
Le Premier ministre, Jean Castex, a exclu dimanche soir de revenir sur les mesures prévues, mais a annoncé que les grandes surfaces devraient fermer leurs rayons de produits non essentiels.
Mais le même jour, la fédération des marchands de jouets a annoncé le dépôt d’un référé devant le Conseil d’État contre la vente de jouets dans les hypermarchés. Empêtré dans la polémique, l’exécutif voit aussi monter une fronde des élus locaux, qui s’insurgent contre ces fermetures de commerces, déjà durement frappés au printemps dernier.
Au Royaume-Uni, pays le plus endeuillé d’Europe avec au moins 46.555 morts, le Premier ministre britannique Boris Johnson a annoncé un reconfinement de l’Angleterre de jeudi jusqu’au 2 décembre. Le Pays de Galles était déjà confiné, et l’Irlande du Nord en confinement partiel. Et selon le ministre Michael Gove dimanche, le confinement pourrait être prolongé. « Un cauchemar avant Noël », selon Helen Dickinson, directrice générale de la fédération des commerçants britanniques.
En Autriche, un second confinement est mis en place à compter de mardi et ce jusqu’à fin novembre, a annoncé le chancelier Sebastian Kurz. Le pays enregistre plus de 5.000 cas quotidiens, contre seulement 1.000 début octobre.
En Belgique, pays au monde où le coronavirus circule le plus, le ministre fédéral de la Santé, Frank Vandenbroucke, a appelé la population à ne pas faire de shopping dimanche, à la veille d’un durcissement du confinement pour six semaines. De longues files d’attente avaient été observées samedi dans certains magasins et rues commerçantes.
En Allemagne, pays qui a également durci les restrictions, le monde de la culture, qui cesse toute activité pour plusieurs semaines, se sent particulièrement mal loti. « Nous avons l’impression d’avoir moins de valeur que les voitures, les avions ou les footballeurs », ont dénoncé de nombreux chanteurs et artistes dans une lettre ouverte.
À Munich, Christian Lehner, le patron du Park Cafe, ferme son établissement pour un mois. « Toute cette année est à oublier (…) Il ne s’agit plus de faire de l’argent, mais de survie économique », se désolait-il dimanche.
Sauver Noël
La Grèce a décidé un confinement partiel d’un mois à Athènes et dans les autres grandes villes à partir de mardi. Comme ailleurs, l’objectif est d’ « essayer de sauver les fêtes de Noël », a expliqué le Premier ministre grec Kyriakos Mitsotakis.
En Italie, le gouvernement a imposé ces derniers jours ce que les médias qualifient de « semi-confinement » : un couvre-feu dans plusieurs grandes régions, la fermeture des bars et des restaurants à 18h, ainsi que celle des salles de sport, de cinéma et de concert. Selon la presse italienne, le gouvernement envisage d’annoncer lundi un confinement des grandes villes du pays, à commencer par Milan et Naples.
En Suisse, la ville de Genève a annoncé dimanche la fermeture des bars, restaurants et commerces non essentiels face à une « sévère aggravation de la situation ». Le port du masque sera également obligatoire sur toutes les remontées mécaniques des montagnes suisses tout l’hiver.
Fauci tacle Trump
Les pays européens constituent la troisième région la plus touchée avec 10,46 millions de cas, derrière l’Amérique latine et les Caraïbes (11,3 millions) et l’Asie (10,57 millions). Sur l’ensemble de la planète, ce sont plus de 46 millions d’êtres humains qui ont été atteints, dont près de 1,2 million sont morts.
Les Etats-Unis ont enregistré près de 77.000 nouveaux cas ces dernières 24 heures, au lendemain d’un record national (94.000), selon le comptage de l’université Johns Hopkins. Ils sont le pays le plus touché tant en nombre de morts (230.556) que de cas (9.127.109).
L’immunologiste Anthony Fauci, qui conseille le président américain Donald Trump, a critiqué la stratégie de ce dernier dans le Washington Post. Selon lui, les Etats-Unis n’auraient pas pu être « plus mal positionnés » face à la flambée actuelle alors que le candidat démocrate à la présidentielle Joe Biden, lui, « prend au sérieux » la pandémie, contrairement à M. Trump qui l’a toujours minimisée.
La Maison Blanche a jugé « inacceptables » les propos du Dr Fauci, qui a choisi, « trois jours avant une élection (présidentielle), de faire de la politique ».
Au Moyen-Orient, le ministère libanais de l’Intérieur a annoncé dimanche un couvre-feu national de 21h à 05h, reconduit la fermeture des bars et boîtes de nuit « jusqu’à nouvel ordre« , ainsi que le confinement total imposé à 115 villages et localités pour une semaine. Mais le respect de ces mesures est très aléatoire. Le Liban a enregistré 81.228 cas de Covid-19, dont 637 décès, et le nombre de nouveaux cas quotidiens dépasse allègrement le millier.
En Iran, pays le plus touché de la région avec plus de 35.000 morts, les autorités ont imposé dimanche des restrictions sur les déplacements depuis et vers les villes les plus touchées, après avoir enregistré un nouveau record quotidien de 434 décès.
Avec AFP