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maladie de Parkinson

Une pandémie de Parkinson est en vue. Contre toute attente, le tabac pourrait être le remède.

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Les révolutions de la pharmacologie et de la technologie médicale, l’amélioration de la nutrition et des soins de santé publique promettent un avenir plus long et plus sain à la population mondiale. C’est un fait mais ce pourrait être aussi un leurre. En effet, cette prospérité a un prix. Plus nous vieillissons, plus nous vivons à l’ombre de troubles neurologiques liés à l’âge. La maladie de Parkinson menace de nous affecter plus que jamais, ouvrant la voie à un défi de santé publique sans précédent. Certains scientifiques alertent : d’ici 2040 nous pourrons vraiment parler d’une pandémie de Parkinson. En même temps, une étude relayée par l’Inserm révèle que le tabac réduit de 40 % les risques d’être atteint par la maladie.
 
Certains parlent déjà d’épidémie silencieuse de la maladie de Parkinson. Découverte dès 1817 par le chirurgien britannique James Parkinson, cette maladie neurodégénérative qui se caractérise par une perte progressive du contrôle des mouvements et d’autres symptômes majeurs, était depuis toujours considérée comme une maladie rare. Or aujourd’hui elle touche 200 000 personnes en France et plus d’un million en Europe. Sur toute la planète, plus de 6 millions de personnes étaient atteintes en 2016, soit plus du double des chiffres des années 1990. Elle est devenue la deuxième maladie neurodégénérative après la maladie d’Alzheimer. Une telle augmentation du nombre de patients touchés interpelle les médecins qui parlent désormais de risque pandémique.
 

Signal d’alarme pour une pandémie émergente

Dans un article publié ce 29 janvier dans le Journal of Parkinson’s Disease, un groupe de scientifiques lance un signal d’alarme. La maladie de Parkinson touche un nombre de plus en plus important de personnes. D’ici vingt ans, les chiffres actuels seront multipliés par deux pour atteindre une douzaine de millions de personnes dans le monde. Ces statistiques morbides pourraient en outre être revues à la hausse à cause du développement des risques environnementaux. Les médecins soupçonnent de plus en plus que les pesticides, les médicaments et les polluants de notre environnement sont un facteur de déclenchement et d’aggravation de cette maladie.
Depuis sa découverte en 1817, les médecins ont bien circonscrit les caractéristiques de cette maladie. Les symptômes de tremblements aux extrémités, d’entraves à la mobilité, de rigidité et de changements d’humeur sont liés à la perte de tissus producteurs de dopamine au plus profond de l’un des centres de contrôle du cerveau : les ganglions basaux. Mais ce que les médecins comprennent moins, ce sont les raisons de l’accroissement de cette maladie.
 
Les auteurs de l’article pointent l’incidence de l’augmentation de l’âge de la population mondiale. L’espérance de vie a augmenté de six ans au cours de deux dernières décennies, ce qui augmente mécaniquement le nombre de personnes susceptibles d’être atteintes par une forme plus ou moins avancée de la maladie de Parkinson. Mais il n’y a pas que l’âge qui joue un rôle. Les chercheurs mettent en avant le rôle joué par notre environnement. Plusieurs travaux ont récemment montré qu’une exposition aux pesticides, aux solvants utilisés dans l’industrie ainsi qu’aux métaux lourds était associée à un risque accru de développer la maladie. Les médecins ont en effet repéré que la maladie de Parkinson commence par des changements dans la nature et l’activité des microbes intestinaux. Ceux-ci sont notamment chargés de décomposer les traces de pesticides, polluants et autres produits chimiques venus de notre environnement. La déficience de ces microbes est étroitement corrélée au déclenchement de la maladie.
 

Ce lien étrange entre tabac et maladie de Parkinson

Les chercheurs ont aussi mis en avant un autre facteur particulièrement paradoxal. La baisse de la consommation du tabac, résultat d’intenses campagnes de sensibilisation du public, pourrait avoir un effet négatif et faire grimper à 17 millions le nombre de malades de Parkinson dans le monde.
 
Il y a plus de 50 ans, des chercheurs avaient observé un lien étrange entre le tabagisme et la maladie de Parkinson. La relation est aussi évidente aujourd’hui qu’elle est déconcertante – le risque de la maladie diminue de 40 pour cent chez les fumeurs de longue date, ce qui est énorme.
 
Dans une publication parue en mars 2018, l’Inserm confirme cette découverte contre-intuitive : les données épidémiologiques attestent que les fumeurs ont un risque d’être atteints par la maladie de Parkinson inférieur de 40% à celui observé chez les non-fumeurs. De là à dire que le tabac est bon pour la santé il n’y a qu’un pas que les médecins ne franchissent pas. Ils se posent toutefois suffisamment de questions pour essayer de comprendre ce qui se cache derrière ce mystère.
 
Une équipe du Centre de recherche en épidémiologie et santé des populations de l’Inserm, dirigée par le neurologue et épidémiologiste Alexis Elbaz, a entrepris de répondre à ces questions. Selon leurs travaux, deux gènes – RXRA et SLC17A6 – pourraient moduler la relation entre le tabac et la maladie de Parkinson. Parce que les deux protéines codées par ces gènes jouent un rôle dans la neurotransmission, ces travaux soutiennent l’idée d’une protection conférée par le tabac en relation avec un mécanisme biologique sous-jacent. « L’idée n’étant évidemment pas d’inciter les gens à fumer, insiste le chercheur, mais plutôt d’identifier les molécules qui, dans la fumée du tabac, seraient responsables de cette interaction, ainsi que les mécanismes biologiques impliqués ». Ce qui permettrait éventuellement, à plus long terme, d’envisager des approches de prévention ou même de traitement de la maladie, si ces résultats étaient confirmés.
 
La maladie de Parkinson est une maladie neurodégénérative caractérisée par la destruction progressive des neurones dopaminergiques situés dans la substance noire, une zone du cerveau impliquée dans la motricité. Son apparition reposerait sur des facteurs à la fois génétiques et environnementaux. Plusieurs gènes ont été identifiés comme pouvant favoriser l’apparition de la maladie mais, pour la plupart, ils ont une faible pénétrance : en d’autres termes, seule une minorité de porteurs de l’un ou l’autre de ces gènes développe la maladie de Parkinson. En réalité, ces particularités génétiques constitueraient une première marche vers la maladie, mais seule leur interaction avec un ou des facteurs environnementaux – comme l’exposition aux pesticides – les conduiraient à la développer. À l’inverse, les données épidémiologiques qui décrivent moins de malades Parkinson parmi les fumeurs ou ex-fumeurs suggèrent que certaines interactions peuvent être protectrices.
 
L’étude des chercheurs français a mis en exergue neuf polymorphismes nucléotidiques (ou SNP, c’est-à-dire des variations d’une seule paire de bases du génome entre individus d’une même espèce), impliqués dans une interaction avec le tabac. Le directeur de recherche Alexis Elbaz explique que « les gènes porteurs de ces SNP – RXRA et SLC17A6 – codent respectivement pour un récepteur à l’acide rétinoïque impliqué dans le système dopaminergique, et pour un transporteur du glutamate dont la transmission est perturbée dans la maladie ». Reste à valider ces résultats sur de larges cohortes de patients ; un travail est à ce titre programmé prochainement sur les données issues de 25 000 patients européens. Ces études complémentaires permettront d’identifier les mécanismes biologiques qui se déroulent. « Si ces gènes influencent la relation entre le tabagisme et l’apparition de la maladie, elles constituent autant de pistes à explorer pour décrypter entièrement les mécanismes physiopathologiques initiaux » précise M. Elbaz.
 
Ces pistes de recherche sur les vertus du tabac sont pour le moins paradoxales, mais il faut se garder d’en tirer des conclusions hâtives. Il n’est pas du tout conseillé de fumer tant les risques pour la santé associés au tabagisme sont vastes. On ne peut toutefois manquer de noter que, si la recherche est confirmée, ce sont toutes les générations de campagnes anti-tabac qui se retrouveraient contributrices involontaires d’une pandémie émergente, porteuse de tout un lot de souffrances, de morts prématurées et de coûts de santé publique et sociale considérables.
 
 

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