Raviver les braises du vivant – Un front commun, de Baptiste Morizot – Editions Actes sud / Collection Babel, août 2024 – 224 pages
Face à la crise écologique, le sentiment d’impuissance domine. Notre mission est donc de comprendre comment raviver les braises – pour agir autrement.
Baptiste Morizot, philosophe et écrivain, nous entraîne dans une exploration philosophique et écologique profonde, où il s’efforce de remettre en question notre relation avec le monde naturel. Le livre est une invitation à repenser nos interactions avec la nature, non pas comme des spectateurs distants ou des exploitants, mais comme des participants actifs dans une communauté de vie interconnectée.
Morizot, connu pour sa capacité à entrelacer des réflexions philosophiques avec des observations naturalistes, utilise des exemples concrets tirés de la biologie, de l’éthologie et de l’écologie pour illustrer comment les humains peuvent et doivent se réengager avec le « vivant ». Il soutient que ce réengagement est crucial pour répondre aux crises écologiques contemporaines, comme le changement climatique et la perte de biodiversité.
Le tissu du vivant dont nous sommes des fils se déchire tout autour de nous, fragilisant nos futurs possibles. Nous le savons, et pourtant le sentiment d’impuissance domine. Pourquoi ? C’est qu’on défend mal ce qu’on comprend mal. Et si nous nous étions trompés sur la nature de la “nature” ? On imagine volontiers le monde vivant aujourd’hui comme une cathédrale en feu. Mais le tissu du vivant, cette aventure de l’évolution qui trame ensemble toutes les espèces de la biosphère, n’est pas un patrimoine figé et fragile. Il est une force dynamique de régénération et de création continue. Le vivant, ce n’est pas une cathédrale en flammes, c’est un feu qui s’éteint.
Comprendre le vivant de cette façon rend visibles les paradoxes qui nous lient à lui. Il n’a pas besoin de nous, mais il est à défendre. Il est affaibli par nos atteintes mais plus puissant que nous. Ce n’est pas nous qui l’avons fait, c’est lui qui nous a faits. Le défendre, ce n’est pas le rebâtir comme une cathédrale en ruine, c’est l’aviver. Il peut toujours repartir si nous lui restituons les conditions pour qu’il exprime sa résilience et sa prodigalité natives. Le problème devient désormais : comment «raviver les» «braises» ? Cette voie nous redonne une puissance d’agir.
À partir d’une enquête de terrain sur des initiatives de défense de forêts et des pratiques d’agroécologie, ce livre propose une nouvelle cartographie des alliances entre les usages de la terre qui sont des gardiens du feu. Il donne des outils critiques pour révéler au grand jour le rapport au vivant partagé par ceux qui le détruisent. Et offre un guide de négociation pour sortir des oppositions stériles entre producteurs et protecteurs. C’est un appel à faire front commun contre les vrais ennemis du vivant : toutes les forces de l’exploitation extractiviste. Cette critique de l’anthropocentrisme moderne amène à proposer une vision du monde où l’humain n’est pas au centre, mais plutôt un membre d’un vaste réseau d’êtres vivants. Morizot plaide pour une « diplomatie de la cohabitation », où les humains doivent négocier leur place au sein de cet écosystème plus large, respectant les droits et les rôles des autres formes de vie.
Raviver les braises du vivant » est reçu comme un travail essentiel et opportune, mettant en lumière les défis éthiques et pratiques auxquels nous sommes confrontés en cette époque de crise environnementale. Cependant, certains lecteurs pourraient trouver que les propositions de Morizot, bien qu’inspirantes, manquent parfois de directives concrètes pour l’action individuelle et collective. Malgré cela, son écriture poétique et ses idées provocantes offrent une réflexion riche qui est à la fois un défi et un réconfort pour ceux qui cherchent à comprendre et à agir face à la détérioration de notre environnement.
Baptiste Morizot est écrivain et maître de conférence en philosophie à l’université d’Aix-Marseille. Ses travaux, consacrés aux relations entre l’humain et le vivant s’appuient sur des pratique de terrain, notamment de pistage de la faune sauvage. Il a écrit Les Diplomates. Cohabiter avec les loups sur une autre carte du vivant (2016). Figure de proue de la nouvelle philosophie du vivant, Baptiste Morizot a déjà publié trois ouvrages chez Actes Sud dans la collection « Mondes sauvages », Sur la piste animale (2018), Manières d’être vivant (2020) et avec Suzanne Husky Rendre l’eau à la terre. Alliance avec le peuple castor face au désert qui vient.