Vers une science sociale du vivant, de Bernard Lahire – Questions et avant-propos de Laure Flandrin et Francis Sanseigne – Éditions La Découverte, 9 janvier 2025 – 256 pages
Dans cet ouvrage, Bernard Lahire, sociologue de renom et directeur de recherche au CNRS, nous invite à repenser notre manière d’appréhender le monde vivant en mêlant sociologie, biologie et philosophie. Ce livre novateur propose une approche transdisciplinaire qui redéfinit les frontières entre sciences sociales et sciences du vivant, avec pour ambition de comprendre la condition humaine à travers une perspective élargie et intégrative.
Après le succès des Structures fondamentales des sociétés humaines, Bernard Lahire revient, sous une forme concise, sur l’intention générale de son projet, les principales thèses développées et répond aux critiques et aux objections qui lui ont été adressées. Un texte inédit en prolonge la démarche en marquant un pas supplémentaire dans la mise au jour d’invariants et de lois permettant de dégager la spécificité de la structure sociale humaine.
La publication de Les structures fondamentales des sociétés humaines a fait événement et marqué un véritable tournant en sciences sociales. Bernard Lahire y opère un raccordement inédit entre sciences sociales et sciences de la vie en montrant que le social humain s’inscrit dans le continuum du vivant et ne se comprend que par une série de comparaisons au sein de l’espèce et en dehors de celle-ci.
Ce nouvel ouvrage, construit autour d’un dialogue avec deux autres sociologues, a pour but de faciliter l’appropriation des thèses exposées en détail dans la somme précédente.
Pour autant, cet échange n’est pas un simple résumé. Plutôt qu’un aperçu systématique de tous les aspects développés, il est d’abord une façon d’introduire à une vision générale qui entend reconfigurer les sciences sociales, ainsi que leurs rapports à d’autres disciplines. Au fil de l’échange, l’auteur éclaire son projet, en précise certains points et répond aux critiques, aux objections et aux malentendus qui se sont exprimés depuis la parution de son livre.
On trouvera également à la fin de l’ouvrage un texte inédit qui reprend et approfondit les résultats dégagés dans Les structures fondamentales des sociétés humaines. En accroissant encore un peu plus le degré de généralité de la construction théorique, il les replace dans une réflexion sur les propriétés fondamentales du vivant et les enjeux auxquels toute forme de vie — les sociétés en général et les sociétés humaines en particulier n’étant qu’un moyen de faire partiellement ou totalement, par la voie du collectif, ce que tout système vivant fait à l’échelle individuelle — se trouve confrontée. Ce texte inédit constitue un pas supplémentaire en direction d’une science sociale du vivant unifiée que le présent dialogue appelle de ses vœux.
Une nouvelle science pour penser le vivant
Bernard Lahire développe l’idée d’une science sociale du vivant qui se nourrit autant des découvertes biologiques que des analyses sociologiques et anthropologiques. Il part du constat que les comportements humains – comme ceux des autres espèces – ne peuvent être dissociés de leurs ancrages biologiques, tout en restant profondément influencés par des environnements culturels et sociaux.
En adoptant cette approche, il questionne des thématiques telles que les mécanismes d’adaptation culturelle et biologique, éclairant comment l’évolution biologique et les innovations sociales se nourrissent mutuellement, les biais réductionnistes, qu’il s’agisse du biologisme ou du culturalisme, et la nécessité d’une perspective hybride pour surmonter ces limites, la plasticité humaine, au cœur de la capacité d’apprentissage et d’adaptation des individus, ancrée à la fois dans la biologie et les structures sociales.
Dépasser les dualismes
Un des points centraux de l’ouvrage réside dans la critique des oppositions classiques : nature contre-culture, inné contre-acquis, ou encore biologie contre sociologie. Pour Lahire, ces dichotomies simplistes freinent la compréhension des processus complexes qui façonnent l’existence humaine et les sociétés.
Son livre s’inscrit dans la continuité d’un courant de pensée qui cherche à décloisonner les disciplines scientifiques. Il s’appuie sur des multiples références, allant des travaux de Darwin à ceux de Bourdieu, en passant par des recherches contemporaines en neurosciences.
Vers une science sociale du vivant ne s’adresse pas seulement aux chercheurs, mais à tous ceux qui souhaitent élargir leur compréhension du monde vivant et des sociétés humaines. Avec une écriture accessible et passionnante, Lahire propose une réflexion stimulante sur la manière dont nos existences biologiques et sociales s’entrelacent, invitant à une réconciliation entre sciences dures et sciences humaines.
Ce livre est une invitation à explorer des terrains inexplorés et à réinterroger des certitudes scientifiques, dans une époque où la complexité du vivant et de la condition humaine n’a jamais été aussi cruciale à comprendre.
Bernard Lahire est directeur de recherche au CNRS, membre du Centre Max Weber à l’ENS de Lyon. Il est l’auteur d’une vingtaine de livres, parmi lesquels Monde pluriel (Le Seuil, 2012), Ceci n’est pas qu’un tableau (La Découverte, 2015), L’interprétation sociologique des rêves (La Découverte, 2018), et Enfances de classe (Le Seuil, 2019).