À travers cinq décennies d’images mordantes et faussement légères, l’exposition Martin Parr. Global warning au Jeu de Paume relit l’œuvre de Martin Parr à l’aune du désordre contemporain. Des plages bondées aux centres commerciaux saturés, des premières séries britanniques aux explorations des cinq continents, le photographe dévoile, sans militantisme, mais avec une constance implacable, les dérives de nos modes de vie et les déséquilibres d’un monde en surchauffe. Tourisme de masse, consumérisme frénétique, dépendance technologique ou ravages environnementaux : derrière l’ironie et l’humour acide affleure un diagnostic sévère, inscrivant Parr dans la grande tradition satirique britannique — celle qui, sous le rire, creuse un regard critique d’une profonde acuité.
Dès le 30 janvier, le Jeu de Paume propose une exposition consacrée à Martin Parr qui vient prolonger l’exploration des écritures photographiques documentaires entamée en 2025 avec Luc Delahaye. Martin Parr. Global Warning sera l’occasion de relire l’œuvre d’un des photographes contemporains les plus en vue, à la lumière des dérèglements environnementaux planétaires, des sujets que, sans militantisme, mais avec persistance, le photographe a abordé depuis cinquante ans.
Cette exposition propose de revisiter l’œuvre de Martin Parr à l’aune du désordre généralisé de notre époque, à travers différentes séries réalisées depuis la fin des années 1970 jusqu’à aujourd’hui. Depuis cinquante ans, sans militantisme, mais avec constance, aux quatre coins du globe, Martin Parr dresse un portrait saisissant des déséquilibres de la planète et des dérives de nos modes de vie.
À travers ses nombreuses séries, commencées dans les Îles Britanniques et en Irlande, puis étendues dès les années 1990 aux cinq continents, émergent des thèmes récurrents : les turpitudes et les ravages du tourisme de masse, la domination de la voiture, les dépendances technologiques, la frénésie consumériste, ou encore notre rapport ambivalent au Vivant. Toujours avec son regard singulier et décalé, Parr aborde indirectement plusieurs causes majeures identifiées des bouleversements climatiques de l’Anthropocène : usage effréné des transports, consommation d’énergies fossiles, surconsommation globale, dégâts environnementaux. Cet œuvre, en apparence plaisant, se révèle, avec le temps et l’évolution des mentalités, peut-être plus grave qu’il n’y paraissait
initialement. Avec le recul, son ironie mordante semble l’inscrire dans une certaine tradition satirique britannique : un humour incisif, une moquerie douce amère, au service d’un regard critique, indirect, mais profond.

En quelque 180 œuvres traversant plus de cinquante ans de production, de ses débuts en noir et blanc à des œuvres récentes, l’exposition aborde, en 5 sections, nos turpitudes contemporaines, à travers des thèmes, des motifs, des obsessions récurrentes.
La façon dont les loisirs modifient l’environnement — du motif de la plage à celui des déchets, Parr a saisi les mutations que l’évolution de nos modes de vie modernes apporte aux paysages, où le plaisir et le gaspillage, le naturel et l’artificiel coexistent et s’entremêlent sans cesse.

« Tout doit disparaître » aborde l’univers consumériste qui est le nôtre, Parr dressant un inventaire cru et drôle de nos objets de désirs et nos modes de consommation, envisagé comme une forme de religion nouvelle : sous son objectif, supermarchés, centres commerciaux, foires et salons deviennent le théâtre d’une course effrénée partagée par toutes les classes sociales et impliquant les biens les plus divers, dans lequel l’humain lui-même devient parfois marchandise.
« Petite Planète », du nom d’un de ses ouvrages les plus célèbres, traite du tourisme, un de ses sujets de prédilection depuis quarante ans, dont il a, sur tous les continents, exploré les plaisirs, mais également les contradictions, voire les impasses. Dans les lieux les plus emblématiques du phénomène, il s’est intéressé aux habitudes et aux comportements de ce touriste global, réalisant également, en filigrane, une étude des déséquilibres Nord/Sud.
Dans « Le règne animal », c’est la cohabitation parfois difficile entre l’humain et l’animal qui est étudié et décrit, entre indifférence et fascination, négligence et sur-attention, violence et affection.
Enfin, « Addictions technologiques », aborde la question de l’humain et de la machine sous ses formes les plus diverses : Voitures, téléphones, jeux vidéo, machines à sous et maintenant ordinateurs et smartphones qui redéfinissent chaque jour, au quotidien notre rapport au réel, à l’espace et au temps.

« Je crée un divertissement, qui contient un message sérieux si l’on veut bien le lire, mais je ne cherche pas à convaincre qui que ce soit — je montre simplement ce que les gens pensent déjà savoir » disait Martin Parr en 2021.
Photographe infatigable, souvent entre deux avions, amateur de plages bien qu’il ne sache pas nager, Parr ne cherche jamais à se poser en donneur de leçons – à ce titre, il précise souvent qu’il fait pleinement partie du monde qu’il documente et critique. Sur la crise climatique et environnementale : « On va vers la catastrophe, mais on y va tous ensemble. Personne n’osera interdire la voiture ou les déplacements en avion », affirmait-il en 2022. Il reconnaît volontiers l’impact environnemental de son mode de vie — notamment sa forte empreinte carbone — et refuse de prendre une position de surplomb vis-à-vis de ses sujets.
Conscient que les images ne suffisent plus à transformer le monde, il revendique toutefois une forme d’engagement discret, une guérilla visuelle capable de fissurer les représentations dominantes. Car si Parr utilise l’humour, c’est toujours au service d’une réflexion, souvent critique, voire satirique, qui cherche à déstabiliser les visions idéalisées — notamment celles véhiculées par les médias et l’industrie culturelle.
Beaucoup de ses images jouent des clichés pour les détourner, les critiquer, les déconstruire, mettre en lumière ce qu’ils ont d’absurde ou de mensonge : de l’esthétique de la carte postale touristique à celle de la photographie animalière, de l’habitude du foodie à celle du selfie, ce sont les modes de vie et les imaginaires d’une partie de la planète qui sont interrogés, questionnés, et parfois moqués.
Commissaire d’exposition : Quentin Bajac, avec la collaboration de Martin Parr et de Clémentine de la Féronnière
Exposition « Martin Parr. Global warning« , du 30 janvier au 24 mai 2026 – Musée du Jeu de Paume, 1, place de la Concorde, Jardin des Tuileries – Paris 1er • Métro Concorde (lignes 1, 8, 12)
+33 (0) 1 47 03 12 50
www.jeudepaume.org
Photo d’en-tête : Martin Parr Seagaia Ocean Dome, Miyazaki, Japan, 1996 (Plage artificielle au Japon)







