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« Minimale » ou la contemplation silencieuse en partage

Lygia Pape, Ttéia 1, C, 2003-2017, fil doré, bois, clous, lumière, dimensions variables. Pinault Collection. Photo: Pedro Pape ©Projeto Lygia Pape. Courtesy Projeto Lygia Pape

À la Bourse de Commerce, à partir de ce 8 octobre, le silence prend forme, la lumière devient matière, et le vide se fait vibrant. Minimale n’est pas une exposition à contempler, mais une expérience à éprouver — une invitation à respirer autrement, à mesurer la puissance du presque rien. Là où la couleur se tait, le regard s’élargit. Là où l’art se dépouille, l’émotion s’affirme. 

La Bourse de Commerce – Pinault Collection consacre une exposition d’envergure à l’art minimal, ce mouvement qui, depuis les années 1960, a profondément transformé notre rapport à l’œuvre et à la perception. Intitulée Minimale, l’exposition réunit plus d’une centaine de pièces issues du cœur de la collection de François Pinault, enrichies de prêts prestigieux venus du monde entier. Sous le commissariat de Jessica Morgan, directrice de la Dia Art Foundation, le parcours dévoile l’évolution internationale d’un courant à la fois radical et méditatif, porté par des figures emblématiques telles que Meg Webster, Dan Flavin, Agnès Martin, Robert Ryman, On Kawara ou François Morellet.

En rendant hommage à cette esthétique de la simplicité absolue, Minimale explore la relation intime entre l’œuvre, l’espace et le corps du visiteur. Plus qu’une rétrospective, c’est une plongée dans l’essence même de la perception — là où chaque surface, chaque lumière, chaque silence devient un territoire d’émotion.

Pour Jessica Morgan, Minimale n’est pas une simple rétrospective du minimalisme, mais une exploration globale et sensible de ce courant artistique qui, depuis les années 1960, a redéfini le statut même de l’œuvre d’art. Les artistes minimalistes ont choisi d’abandonner le récit, la représentation ou le symbole, pour revenir à la pureté du matériau et à la force de la présence. L’œuvre ne cherche plus à “signifier”, mais à exister, à provoquer une rencontre directe avec le spectateur.

À travers sept sections thématiques — Lumière, Mono-ha, Équilibre, Surface, Grille, Monochrome, Matérialisme —, Morgan met en lumière la richesse géographique et culturelle du mouvement : des pionniers nord-américains (Agnès Martin, Dan Flavin, Robert Ryman) aux artistes sud-américains (Lygia Pape), asiatiques (Lee Ufan, Kishio Suga, Nobuo Sekine), moyen-orientaux (Rasheed Araeen) et européens (François Morellet, Gunther Uecker).

L’exposition privilégie la fluidité du regard plutôt que la chronologie : les œuvres se répondent selon leurs formes, leurs textures ou leurs processus. Certaines figures majeures bénéficient d’un espace singulier — une salle dédiée à Agnès Martin, la présentation des Date Paintings d’On Kawara sous la rotonde, ou encore une installation de Meg Webster réalisée à partir de matériaux naturels.

Jessica Morgan distingue clairement le minimalisme de son acception contemporaine, souvent associée à un style de vie ou à une esthétique de la sobriété. Ici, le terme “Minimal” désigne une attitude artistique, une économie de moyens au service d’une intensité perceptive et d’un rapport renouvelé à la matière, à l’espace et au temps.

Une expérience du regard et du corps

Dès l’entrée, le visiteur comprend que Minimale ne se “voit” pas — elle se vit.
Les œuvres s’imposent par leur présence silencieuse : la lumière colorée des néons de Dan Flavin découpe l’espace, les toiles d’Agnès Martin tremblent d’une rigueur douce, la géométrie de François Morellet joue avec la mesure et l’accident.
La scénographie, sobre et respirante, ménage des intervalles, des silences, des espaces de contemplation.

Le parcours révèle aussi la dimension corporelle du minimalisme : ici, le spectateur n’est plus simple observateur, mais partie prenante de l’œuvre.
Dans les installations du mouvement Mono-ha, la matière naturelle — pierre, bois, verre — impose une présence à taille humaine, engageant le corps dans une relation d’équilibre et de tension.

Sous la rotonde, Meg Webster transforme le lieu en paysage intérieur, tandis que On Kawara rappelle, par la répétition des dates peintes, la pulsation du temps et la fragilité de l’instant.

Minimale devient ainsi une expérience sensorielle autant qu’intellectuelle : une méditation sur la lumière, la mesure, le silence et la durée.

En quittant l’exposition, on emporte avec soi une forme de calme, presque une clarté intérieure. Rien n’a crié, tout a vibré. L’exposition rappelle que la puissance de l’art ne réside pas toujours dans l’abondance ou le spectaculaire, mais dans la justesse d’un geste, dans la présence silencieuse d’une forme. En révélant l’essence du minimalisme à travers le regard intime de François Pinault, la Bourse de Commerce signe une exposition rare : à la fois dépouillée et pleine, rigoureuse et sensible, où chaque œuvre devient un espace de respiration. Dans un monde saturé d’images, Minimale nous réapprend à regarder — lentement, intensément, profondément.

Avec les œuvres de
RASHEED ARAEEN / MCARTHUR BINION / CHRYSSA / MARY CORSE / MELVIN EDWARDS / KOJI ENOKURA / DAN FLAVIN / FELIX GONZALEZ-TORRES / HANS HAACKE / MAREN HASSINGER / MARY HEILMANN / EVA HESSE / NANCY HOLT / ROBERT IRWIN / DONALD JUDD / ON KAWARA / SUSUMU KOSHIMUZU / DAVID LAMELAS / SEUNG-TAEK LEE / BERND LOHAUS / FRANCESCO LO SAVIO / SOL LEWITT / BRICE MARDEN / ENZO MARI / WALTER DE MARIA / AGNES MARTIN / FRANÇOIS MORELLET / SENGA NENGUDI / HELIO OITICICA / PAULINE OLIVEROS / BLINKY PALERMO / LYGIA PAPE / HOWARDENA PINDELL / CHARLOTTE POSENENSKE / STEVE REICH / BRIDGET RILEY / DOROTHEA ROCKBURNE / ROBERT RYMAN / NOBUO SEKINE / RICHARD SERRA / KEITH SONNIER / MICHELLE STUART / KISHIO SUGA / JIRO TAKAMATSU / ANNE TRUITT / GÜNTHER UECKER / LEE UFAN / YOSHI WADA / MERRIL WAGNER / MEG WEBSTER / JACKIE WINSOR / IANNIS XENAKIS

Parcours de l’exposition

GALERIE 2 : « Lygia Pape. Tisser l’espace »
Emma Lavigne, directrice et conservatrice générale de la Collection Pinault, propose jusqu’au 26 janvier 2026, en prélude de « Minimal » Pinault Collection, la première exposition personnelle en France dédiée à Lygia Pape (1927-2004), artiste essentielle de l’avant-garde brésilienne et pionnière d’un art performatif intimement lié
aux questions sociales et politiques. Intitulée « Tisser l’espace », cette exposition rend hommage à l’intention structurelle de l’artiste et traverse une sélection de ses œuvres majeures.
L’exposition s’articule autour d’une œuvre majeure de la Collection Pinault, l’installation lumineuse Ttéia 1, C (2001-2007). À travers des fils de cuivre tendus dans l’espace, elle plonge le spectateur dans une immersion sensorielle, où l’œuvre prend forme et vie selon l’angle de la lumière et le mouvement du visiteur. Cette pièce emblématique incarne pleinement le concept de « tissage de l’espace » propre à l’artiste brésilienne, redéfinissant sa relation avec le public.
Cette première exposition personnelle de Lygia Pape en France rassemble des pièces fondamentales à sa pratique, depuis ses premières gravures abstraites jusqu’à son majestueux Livro Noite e Dia III [Livre de la Nuit et du Jour III] (1963-1976) ainsi qu’une sélection de ses films expérimentaux.

Imprégnée du contexte socio-politique du Brésil, l’œuvre de Lygia Pape se fait le reflet d’un engagement profond envers la transformation sociale, où la frontière entre l’art et la vie est constamment réinterprétée. « Tisser l’espace » rend hommage à sa volonté de créer une nouvelle forme d’engagement du spectateur, tout en réinventant le langage même de l’art.
Née en 1927 à Nova Friburgo, morte en 2004 à Rio de Janeiro, Lygia Pape est, aux côtés de Lygia Clark et Helio Oiticica, l’une des figures les plus importantes de
l’avant-garde artistique brésilienne de la seconde moitié du 20e siècle qui envisage l’art, non plus comme un objet fini et abouti, mais comme une présence sensorielle qui interagit avec les sens et la conscience des visiteurs.
« Lygia Pape a souvent considéré la topographie et le tissu urbain de Rio de Janeiro comme l’atelier au sein duquel de nouvelles relations sociales peuvent être
tissées, où des géométries sensibles peuvent advenir. Arpentant les favelas tout autant que la forêt de Tijuca, elle dessine des lignes qui sont des horizons autant que des liens : elles relient les individus et inventent un espace où il n’y a plus ni intérieur ni extérieur, mais un plan continu. Ses œuvres emblématiques, les Ttéias — installations de fils de cuivre tendus dans l’espace, apparaissant aux confins du visible au gré de la lumière et de la position du spectateur — invitent à faire l’expérience d’un “espace magnétique”, selon les mots de l’artiste, comme s’il “devenait vivant”. » explique Emma Lavigne.

Commissariat : Emma Lavigne, directrice et conservatrice générale de la Collection Pinault,
avec Alexandra Bordes, responsable de projets curatoriaux chez Pinault Collection
Dans le cadre de saison Brésil-France 2025.
Avec la collaboration et les prêts du Projeto Lygia Pape

« Minimal » à la Bourse de Commerce-Pinault Collection, Paris, 2025
Sous la Rotonde, l' »installation de Meg Webster

ROTONDE : Meg Webster
Un cône de sel éclatant, un hémisphère de sable brun, une sphère de terre rouge, une courbe de cire couleur soleil, un cercle de broussailles : autant de formes élémentaires que Meg Webster dispose comme les fragments d’un monde originel. De cette géométrie naît un paysage à traverser plus qu’à contempler — une immersion douce dans une image intérieure.
Sous la rotonde de la Bourse du commerce, les effluves s’élèvent, mêlant eucalyptus et miel, humus et embruns, jusqu’à envelopper tout l’espace. Jamais la rotonde de la Bourse de Commerce n’avait été ramenée à des gestes aussi essentiels. C’est une épure, un enchantement, une respiration du monde. L’installation de Meg Webster, composée de cinq œuvres sculpturales, s’inscrit dans la tradition établie par l’artiste qui consiste à utiliser la nature comme médium : ici, l’artiste a travaillé avec de la terre, des brindilles, du sel, de l’argile et de la cire—sourcés localement—, pour établir des volumes clairement définis. Les sens de la vue, de l’odorat, du toucher et de l’ouïe sont tous sollicités dans cette installation pensée comme un paysage intérieur au cœur du musée, et dont la totalité est aussi importante que l’individualité des parties qui la composent.

L’œuvre de Meg Webster (née en 1944, San Francisco) a toujours exprimé une préoccupation pour l’écologie, le changement climatique et le décalage entre l’admiration de l’humanité pour la nature et son désir de la contrôler, de la contenir. Alors que sa pratique sculpturale consiste en la création de formes singulières utilisant un langage géométrique réduit, elle a également travaillé sur des œuvres systémiques plus vastes que l’artiste appelle des «écosystèmes».
Les formes convexes de Mound (1988) et Mother Mound (1990) sont exemplaires des « earthworks » de Webster. Émergeant du sol de la Bourse de Commerce comme une apparition planétaire partielle, Mound est construit à partir d’argile ocre mélangée à du sable et soigneusement pressée pour prendre forme. Sa largeur de huit mètres crée
un îlot dépassant du sol, tandis que la demi-sphère abrupte de Mother Mound, faite de terre rouge, jaillit de celui-ci, faisant écho à la courbure de la coupole de verre coiffant la Rotonde.
Meg Webster déclare : « Je veux que le spectateur soit dans le matériau ou visuellement connecté à lui. » Wall of Beeswax (1990) enferme ainsi le spectateur dans son enceinte, tandis qu’une série d’œuvres réalisées à partir de brindilles, de foin et de branches, dont Stick Spiral (1986), Soft Broch (1987), Stick Structure (2016) et maintenant Circle of Branches (2025), spécialement conçue pour cette exposition, créent des « enclos » dans lesquels le visiteur peut s’immerger.

Relevant à la fois de l’ingénierie et du jardin, les œuvres de Webster nécessitent soin et attention tout au long de leur vie éphémère dans l’exposition. L’arrosage, la taille et le ratissage font partie de l’entretien de ces sculptures considérées comme des êtres vivants dans l’espace du musée, environnement dans lequel la nature est normalement
inexistante.

SALON : Felix Gonzalez-Torres, Robert Ryman
Dans le Salon, la dernière série de huit tableaux produits par Robert Ryman (1930-2019) appartenant à la Collection Pinault fait face à une installation de l’artiste américain d’origine cubaine Felix Gonzalez-Torres (1957-1996). Une entrée en matière de l’exposition « Minimal » qui implique matérialité de l’œuvre et expérience du visiteur.
À travers cette série de peintures, Robert Ryman explore la couleur davantage que toute autre œuvre de cet artiste réputé pour s’en tenir exclusivement aux tons blancs.
Ces petits tableaux carrés, peints avec minutie, présentent des fonds saturés de couleurs orange brûlé, taupe et vert pâle, sur lesquels des empâtements, appliqués selon la technique gestuelle caractéristique de l’artiste, créent des carrés et des losanges qui masquent partiellement les couleurs vives.
Réalisée en 1991, “Untitled” (Portrait of Dad), œuvre anti-monumentale—hommage à la figure paternelle—de Felix Gonzalez-Torres prend la forme d’un tas de bonbons à la menthe, d’un poids « idéal » de 80 kilogrammes, disposés en monticule ou en expansion au sol selon les recontextualisations de la pièce.

La participation du spectateur est au cœur de son travail : invité à prendre un fragment de l’œuvre, le spectateur la modifie, la déstructure et révèle sa vulnérabilité, sa nature éphémère. En transformant ce portrait paternel en une œuvre interactive et en suggérant que le visiteur peut l’altérer jusqu’à la faire disparaître complètement, Felix Gonzalez-Torres ébranle ici l’autorité de l’œuvre d’art en tant qu’objet (dont la forme doit toujours rester identique) autant que l’autorité de l’institution muséale qui présente l’œuvre.

PASSAGE : On Kawara
Appartenant à la Collection Pinault, ces Date Paintings de l’iconique série « Today » créée par l’artiste japonais On Kawara (1932-2014) s’exposent dans les 24 vitrines du Passage de la Bourse de Commerce. Marqueurs d’une histoire universelle et collective, ces toiles se logent ainsi dans l’architecture circulaire du musée qui rappelle l’inexorable course du temps.
« On Kawara, né à Kariya, au Japon, en 1932, est l’un des grands artistesphilosophes de l’après-seconde guerre mondiale, qu’on peut dater de l’emploi de l’arme nucléaire par l’aviation américaine lors des bombardements des villes de Hiroshima et Nagasaki, le 6 et le 9 août 1945. Ces deux catastrophes marquent profondément le jeune adolescent qu’il est alors, et toute l’œuvre qui suit, jusqu’à sa mort en 2014, conserve un écho de ce double événement. L’ensemble exceptionnel de Date Paintings ici présenté témoigne de manière exemplaire de ce trait proprement philosophique qui distingue leur auteur. Série ouverte en 1966, peu après l’installation de l’artiste à New York, et poursuivie jusqu’à sa disparition (près de 3000 numéros au total), les Date Paintings nous proposent une galerie de portraits : des portraits de jours, si l’on peut dire, un peu comme, dans un autre domaine (mais sans négliger le fait que l’entreprise d’On Kawara relève aussi d’une forme d’écriture), James Joyce l’avait fait avec son roman Ulysse (1922), qui se déroule entièrement le 16 juin 1904 à Dublin, journée célébrée depuis sous le nom de Bloomsday, d’après le patronyme du personnage principal. Rappelons la procédure dont découlent ces œuvres composées, dans leur immense majorité, d’un tableau de petit format à la surface duquel est inscrite, sur fond monochrome, la date du jour en cours lors de l’exécution, et d’une boîte-conteneur où a été insérée une coupure de journal datée du jour en question. Chaque tableau doit être achevé le jour même, faute de quoi il se voit détruit. La coupure de journal doit provenir d’un quotidien rattaché à l’endroit où se sont déroulés les travaux de peinture,
et la date est peinte selon les conventions linguistiques du pays de la réalisation. Unité de temps et de lieu aussi stricte que celle d’une tragédie classique et qui assure à la série son homogénéité, laquelle ne va pas sans paradoxe dans la mesure où elle mêle une vie singulière (celle de l’individu nommé On Kawara), selon ses nombreux déplacements et ses multiples sujets d’intérêt, et un échantillonnage quelque peu vertigineux, livré depuis plus d’une centaine de localisations différentes, du mouvement brownien qui agite la planète.»
Jean-Pierre Criqui, conservateur des collections contemporaines, Centre Pompidou, Paris, et rédacteur en chef des Cahiers du Mnam
(Extrait du catalogue de l’exposition)

GALERIE 3 : Mono-ha. Avec : Koji Enokura, Susumu Koshimizu, Kishio Suga, Jiro Takamatsu, Lee Ufan, Yoshi Wada
La Collection Pinault possède l’un des fonds les plus importants au monde d’œuvres de Mono-ha. Parallèlement à l’art minimal occidental, cette «école des choses» a vu le jour au Japon à la fin des années 1960. S’inspirant des débats internationaux sur la forme sculptée, le Mono-ha rejette la subjectivité implicite des objets fabriqués en faveur de juxtapositions résonnantes entre des mono («objet» ou «matière») trouvés ou préexistants. Les artistes du Mono-ha ont réuni divers matériaux de manière à souligner leurs propriétés inhérentes et à attirer l’attention sur le fait que l’espace d’exposition et le spectateur constituent un autre élément contingent du monde.
S’inspirant de la théorie de la perception et de la philosophie, les artistes du Mono-ha poursuivent un antiformalisme distinct qui, selon eux, permet d’aborder efficacement les questions relatives à la nature même de l’existence. Cette galerie présente des œuvres provenant entièrement de la Collection Pinault, dont un corpus d’œuvres sur papier de Kishio Suga. Ici, le visiteur peut écouter Earth Horns With Electronic Drone (1974) de Yoshi Wada.

Illustrant cette pensée, l’installation de Susumu Koshimizu (né en 1944, Uwajima) intitulée From Surface to Surface—a tetrahedron (1972/2012) appartient à une
série d’œuvres de l’artiste japonais explorant la manière dont une masse conserve son identité à travers la variation des formes, puisque tous les tétraèdres de cette œuvre partagent les mêmes dimensions et poids, tout en prenant des apparences variées. Pour Koshimizu, l’essence du bronze est plus puissante que n’importe quelle forme que l’artiste lui applique. Alors que Koshimizu avait précédemment réalisé cette œuvre en ciment, il a choisi d’utiliser ici le bronze pour obtenir de meilleures qualités visuelles, soulignant ainsi la relation entre la forme et le matériau. Koshimizu contredit ici le concept aristotélicien d’hylomorphisme—où un artefact se définit par l’union de la matière et la forme, et où la forme décidée par l’artiste prend le pas sur le matériau. L’utilisation d’une forme géométrique est une façon pour Koshimizu de tenir à distance toute expression subjective de sa part.

GALERIE 4 : Agnès Martin
Artiste phare de la Collection Pinault qui conserve plusieurs de ses chefs-d’œuvre, Agnès Martin (1912-2004) donne à voir une œuvre abstraite et minimale, dont les multiples compositions s’appuient sur un langage géométrique. Une dizaine de dessins, peintures et sculptures issues de la Collection Pinault, qui s’articulent autour de la ligne et de la grille, sont exposées dans la Galerie 4 de la Bourse de Commerce.
D’origine canadienne, Agnès Martin s’installe aux États-Unis en 1931, où elle découvre le désert du Southwest (New Mexico). L’idée d’un paysage ouvert dans lequel le silence, la contemplation et l’ordre de la nature peuvent cohabiter constitue un axe fort de son travail. Lors de sa première exposition personnelle en 1958, elle révèle un style à la fois méditatif et sobre mais c’est en 1963 qu’elle trouve sa véritable marque d’identification avec l’apparition du carré recouvert de lignes orthogonales et formant une grille.
Le caractère géométrique de ses tableaux les associe souvent au courant minimaliste: Agnès Martin préfère cependant les relier à l’expressionnisme abstrait. L’artiste
tient en effet au principe d’une pratique picturale particulièrement pure et rigoureusement composée, où toute allusion figurative semble dépassée.
Son huile sur toile White Flower (1960) se déploie selon une mise en abyme d’une grande épure formelle : différents carrés s’insèrent harmonieusement dans le cadre
d’un tableau, alternant peinture blanche et réserve de la toile, laissée nue. Seul un quadrillage subtil à la surface du carré le plus au centre vient altérer la planéité de la composition.
Privilégiant les monochromes ou les motifs géométriques élémentaires, Agnès Martin y appose dès la fin des années 1950 des grilles qu’elle réalise à main levée, laissant libre cours aux variations voire à l’accidentel. Elle déclare: « Mes tableaux n’ont ni objet ni espace ni ligne, ou autre—il n’y a aucune forme. […] Ils sont faits de lumière, de luminosité; ils parlent de fusion, de ce qui n’a pas de forme, de dissolution de la forme […]. Cela signifie accepter la nécessité d’entrer simplement et directement dans le champ visuel comme si l’on traversait une plage déserte pour contempler l’océan
(Agnès Martin, extraits de La Perfection inhérente à la vie, 1993)

Suite de l’exposition… : www.boursedecommerce.fr

Exposition « Minimale » du 8 octobre 2025 au 19 janvier 2026- Bourse de Commerce—Pinault Collection 2, rue de Viarmes, 75001 Paris 

Photo d’en-tête : Lygia Pape, Ttéia 1, C, 2003-2017, fil doré, bois, clous, lumière, dimensions variables. Pinault Collection. Photo: Pedro Pape ©Projeto Lygia Pape.
Courtesy Projeto Lygia Pape

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