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Notre empreinte sur Terre

Notre empreinte sur Terre – Des cartes et infographies pour comprendre l’anthropocène, de Laurent Testot (textes) et Perrin Remonté (cartes et infographies) — Éditions Armand Colin, 17 septembre 2025 – 160 pages

Lire ce livre, c’est un peu comme déplier un gigantesque planisphère du XXIᵉ siècle, mais où chaque pli raconte non pas des frontières, mais l’empreinte des humains sur leur planète. Laurent Testot, journaliste et historien des idées, manie les mots avec précision et clarté, tandis que Perrin Remonté donne vie au propos par des cartes et des infographies aussi éloquentes que frappantes. Ensemble, ils offrent un récit visuel et intellectuel de ce qu’est l’anthropocène : cette ère où l’espèce humaine est devenue une force géologique à part entière, capable de modifier les équilibres de la Terre.

L’humanité est devenue la première force altérant la planète Terre, surpassant la nature. Nous déplaçons les montagnes bien plus rapidement que les séismes, reconfigurons les rivières plus efficacement que les inondations, acidifions l’océan, déréglons le climat, décidons quels animaux survivent et quels écosystèmes disparaissent… Ce cataclysme est l’enjeu politique majeur du XXIe siècle, car il conditionne la survie de l’humanité. La notion d’Anthropocène – l’époque de l’être humain –, qui pourrait succéder à l’Holocène, marque géologiquement ce changement de vision sur le monde. Elle permet d’en prendre conscience dans sa complexité et ses conséquences en cascade.

Ce qui séduit d’emblée dans l’ouvrage, c’est l’articulation entre texte et image. On ne lit pas ce livre comme un essai linéaire, mais comme une exploration : on passe d’une double-page sur la déforestation mondiale à une autre qui montre les flux de marchandises ou la concentration de CO₂, et chaque fois le regard se déplace de la carte à l’explication, comme si l’un complétait l’autre dans un dialogue permanent. L’ensemble est fluide, pédagogique, mais jamais simpliste.

L’approche de Testot n’est pas celle d’un moraliste qui pointerait du doigt, mais d’un passeur qui met en perspective. Il montre que notre domination sur les écosystèmes est le résultat d’une longue trajectoire historique, du néolithique à la révolution industrielle, et que les chiffres contemporains — forêts abattues, océans plastifiés, atmosphère chargée de gaz à effet de serre — sont les aboutissements de dynamiques anciennes. Remonté, par ses cartes, rend cela tangible : d’un coup d’œil, on voit l’inégalité des consommations d’énergie, la vitesse des extinctions ou les cicatrices de l’urbanisation.

Ce qui frappe, c’est l’ambivalence qui traverse le livre : d’un côté, une fascination pour l’ingéniosité humaine capable de transformer son environnement à une telle échelle ; de l’autre, un vertige devant l’ampleur des dommages collatéraux. Le lecteur ressort informé, parfois secoué, mais surtout éclairé. On comprend que l’Anthropocène n’est pas une idée abstraite, mais une réalité visible sur chaque carte, chaque infographie, chaque statistique transposée visuellement.

Notre empreinte sur Terre est à la fois un atlas, un essai et un miroir. Atlas, parce qu’il cartographie la planète non pas telle qu’elle est donnée par la nature, mais telle que nous l’avons modelée. Essai, parce qu’il invite à réfléchir aux causes et aux conséquences de cette transformation. Miroir, enfin, parce qu’il oblige chacun à se reconnaître dans ce “nous” collectif qui, parfois sans le vouloir, a laissé une empreinte géologique.

Si le livre convainc par sa richesse visuelle et sa clarté, il n’est pas exempt de limites. Certains lecteurs pourront regretter qu’il reste assez descriptif : il expose, il illustre, il explique, mais propose peu de pistes concrètes pour agir. L’effet peut alors être un peu vertigineux, comme si l’on voyait un immense tableau des dégâts sans toujours savoir quelle couleur ajouter pour corriger l’image. Par ailleurs, l’accumulation de cartes, aussi passionnante soit-elle, peut donner une impression d’inventaire foisonnant qui risque de perdre ceux qui cherchent un fil narratif plus serré. Enfin, en mettant l’accent sur la dimension globale, l’ouvrage laisse parfois de côté l’échelle plus intime : celle de l’individu face à l’anthropocène, ce que chacun peut ou ne peut pas faire.
Ces réserves n’enlèvent rien à l’importance du livre, mais elles rappellent qu’il est avant tout un outil de compréhension et de prise de conscience, pas un manuel de solutions. Sa force réside dans sa capacité à rendre visible l’invisible, à traduire en images l’ampleur d’une ère qui est la nôtre. En cela, il accomplit sa mission avec une efficacité remarquable.

C’est un livre à feuilleter au hasard, tant chaque page est autonome et riche. Dans une époque saturée de données, il a le mérite d’organiser le chaos de l’information et de rendre l’anthropocène lisible, presque palpable. Et c’est sans doute là sa plus grande réussite : transformer une idée complexe en une évidence visuelle et intellectuelle qui continue de résonner bien après avoir refermé le volume.

Laurent Testot est essayiste, formateur et journaliste scientifique. Son approche mêle les sources historiques anglo-saxonnes de la global history aux techniques journalistiques. Il a dirigé une vingtaine d’ouvrages en sciences humaines et écrit six livres. Le premier, Cataclysmes. Une histoire environnementale de l’humanité (Payot, 2017), a reçu le prix Léon de Rosen de l’Académie française. Il a également publié La Nouvelle Histoire du Monde (Sciences Humaines Éditions, 2020) – un atlas innovant dont il a dirigé la cartographie avec l’atelier Légendes Cartographie ; et Vortex. Faire face à l’Anthropocène (avec Nathanaël Wallenhorst, Payot, 2023). Il intervient également comme formateur aux enjeux de l’Anthropocène auprès de grandes écoles et instituts des hautes études.

Perrin Remonté est un cartographe et auteur vivant à Brest. Il travaille sur des cartes qui mêlent données scientifiques, scénarios imaginaires et problématiques géographiques du Monde contemporain : montée des eaux, état des glaciers et des rivières, climat, démographie ou encore tourisme. Son travail aborde la géographie et la donnée de manière poétique, sensible et créative. Il a été publié entre autres dans les magazines National Geographic, Science & Vie, We Demain, Climax et a exposé lors de divers événements.

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