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Océans au bord de la rupture

Le nouveau rapport Copernicus alerte sur un basculement planétaire

Nos océans n’ont jamais été aussi chauds, aussi acides, ni aussi hauts. Cet été encore, des millions de poissons ont péri asphyxiés dans des eaux trop chaudes, des coraux se sont blanchis sous l’effet de chaleurs marines inédites, les méduses déménagent et le niveau de la mer a battu de nouveaux records : l’océan nous envoie des signaux d’alerte de plus en plus violents. Vagues de chaleur extrêmes, acidification galopante, montée accélérée du niveau des mers… Le 9ᵉ rapport Copernicus dresse un constat glaçant : la machine climatique bleue de la planète vacille, et avec elle l’équilibre de nos vies. Sans action rapide, le basculement pourrait devenir irréversible.

Chaque année, l’océan livre ses bulletins de santé. Celui que publie l’Institut Copernicus est sans appel : l’édition 2025 confirme une aggravation rapide des dérèglements marins. Vagues de chaleur sous-marines, montée accélérée du niveau des eaux, acidification à marche forcée… les signaux s’accumulent et dessinent un futur où la mer, longtemps perçue comme un allié contre le réchauffement, devient elle-même un espace vulnérable et instable.

Au-delà des courbes et des indicateurs, ce rapport met en lumière des réalités concrètes : coraux blanchis, espèces en déclin ou déplacées, pêcheries fragilisées. L’océan, qui couvre plus de 70 % de la planète, est au cœur de la crise climatique. Et ce 9ᵉ rapport Copernicus rappelle une évidence trop souvent oubliée : protéger les océans, c’est aussi protéger nos sociétés.

Karina von Schuckmann, directrice du rapport Copernicus sur l’état des océans marins,  explique que « Pour protéger le rôle vital de l’océan dans le maintien de la vie et des moyens de subsistance, il faut d’abord comprendre comment et pourquoi il change. Le dernier rapport Copernicus sur l’état des océans révèle des événements records, des tendances qui s’accélèrent et des impacts croissants sur les écosystèmes marins et les sociétés, fournissant ainsi les données scientifiques nécessaires pour prendre des décisions efficaces et tournées vers l’avenir. Les données scientifiques sont sans équivoque : l’océan change rapidement, avec des phénomènes extrêmes records et des impacts croissants. Nous savons pourquoi et nous savons ce que cela signifie. Ces connaissances ne sont pas seulement un avertissement, elles constituent un plan d’action pour rétablir l’équilibre entre les populations et l’océan. »

Des canicules sous-marines de plus en plus fréquentes

L’un des constats les plus marquants concerne les vagues de chaleur marines. Ces canicules sous-marines, provoquées par des hausses anormales et durables de température, se multiplient dans toutes les régions du globe. En 2023, une vague exceptionnelle a frappé l’Atlantique nord tropical, touchant non seulement la surface, mais aussi les couches profondes, jusqu’aux Caraïbes. Plus près de l’Europe, la Méditerranée est devenue un véritable laboratoire du réchauffement : les épisodes extrêmes y sont désormais quasi annuels, avec des impacts dévastateurs sur la faune et la flore marines. Le rapport note aussi que dans certaines zones comme Terre-Neuve / Labrador, les vagues sont restées confinées à la surface, mais elles ont été renforcées par des conditions locales — faible vent, forte stratification.

Selon le rapport OSR8 (édition précédente) — que le nouveau reprend comme base de comparaison — environ 22 % de la surface océanique mondiale a subi au moins un épisode de vague de chaleur marine sévère ou extrême en 2023.

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« Nous observons une intensification sans précédent des vagues de chaleur marines. Elles ne sont plus des anomalies ponctuelles, mais une nouvelle norme du climat océanique. » — Équipe scientifique de Copernicus Marine Service

Les conséquences sont immédiates : mortalité massive de mollusques et de poissons, blanchissement des coraux, prolifération d’espèces exotiques qui profitent de la chaleur pour coloniser de nouveaux territoires. Pour les scientifiques, ces phénomènes ne sont plus des anomalies passagères, mais les symptômes d’un océan qui bascule dans un nouveau régime climatique : ils posent des risques concrets pour les communautés marines. Dans la Méditerranée, en particulier, ces vagues sont observées comme quasi annuelles, avec une intensité croissante.

Les océans en chiffres (rapport Copernicus OSR9, 2025) :

🌡️ Température record : en 2024, la chaleur moyenne de l’océan a atteint son plus haut niveau depuis le début des observations modernes (plus de 60 ans de mesures).
🌊 Montée des eaux : le niveau moyen des mers continue d’augmenter d’environ 3,3 mm par an, soit plus du double du rythme observé au XXᵉ siècle.
🔥 Vagues de chaleur marines : en 2023, près de 22 % de la surface océanique mondiale a subi au moins un épisode sévère ou extrême.
🧪 Acidification : depuis 1985, le pH moyen de l’océan a baissé de 0,07 unité, soit une augmentation d’environ 17,5 % de l’acidité.
🐠 Méditerranée : les vagues de chaleur marines y sont devenues quasi annuelles, provoquant blanchiment des coraux et des mortalités massives de poissons et de mollusques.
🧭 Atlantique Nord-Est : l’acidification y progresse plus vite que la moyenne mondiale, menaçant les coquillages, coraux d’eau froide et pêcheries.
🌐 Mer Baltique : réchauffement marqué depuis trente ans, associé à une augmentation de la salinité et à un risque accru de zones mortes par manque d’oxygène.

L’acidification, un danger silencieux

Moins spectaculaire, mais tout aussi préoccupante, l’acidification de l’océan progresse inexorablement. En absorbant près d’un quart du CO₂ émis par les activités humaines, la mer modifie son équilibre chimique. Ce dioxyde de carbone que l’Homme a fait s’accumuler dans l’atmosphère en brûlant des combustibles fossiles, en abattant des forêts… Depuis toujours, les océans jouent le rôle de régulateur en absorbant et en relâchant du dioxyde de carbone, un va-et-vient naturel entre l’atmosphère et les eaux marines. Ce cycle, toutefois, s’opère sur des échelles de temps extrêmement longues, de l’ordre de milliers, parfois de dizaines de milliers d’années.
Mais l’activité humaine est venue bouleverser cet équilibre millénaire. Depuis la révolution industrielle, amorcée au milieu du XVIIIᵉ siècle, l’humanité a injecté environ 400 milliards de tonnes de carbone supplémentaires dans l’atmosphère, saturant un système qui ne peut plus suivre son rythme naturel.

L’océan a donc absorbé une part importante du CO₂ émis, modifiant sa chimie : le pH baisse progressivement, rendant l’eau plus “corrosive” pour les organismes.
Un chiffre marquant : entre 1985 et 2024, l’acidité de l’océan (mesurée par le pH) aurait augmenté d’environ 17,5 % (une baisse de 0,07 unité pH), selon les indicateurs globaux de Copernicus. En d’autres termes, une variation apparemment minime sur l’échelle logarithmique traduit une augmentation non négligeable de l’acidité.

Dans l’Atlantique nord-est, les chercheurs observent un rythme de baisse du pH supérieur à la moyenne mondiale. Un signe inquiétant, car cette zone abrite des écosystèmes riches et des pêcheries vitales pour l’Europe. La menace est insidieuse : à mesure que les coquillages, crustacés et coraux peinent à se développer, c’est toute la chaîne alimentaire qui risque d’être fragilisée, des poissons jusqu’aux économies littorales. « Dans certaines régions comme l’Atlantique Nord-Est, l’acidification progresse plus vite que la moyenne mondiale. C’est une alerte sérieuse pour la biodiversité et les pêcheries. » — Expert en chimie océanique, Copernicus

Le rapport insiste : ce n’est pas une simple question de chimie, mais de bouleversement écologique — à mesure que les organismes calcifiants peinent à se développer, les chaînes trophiques peuvent être fragilisées, et la productivité marine perturbée.

« L’océan absorbe une grande partie de la chaleur et du CO₂ que nous émettons. Mais cette fonction d’amortisseur se fait au détriment de sa santé : l’eau se réchauffe, s’acidifie et menace les écosystèmes marins. » — Rapport OSR9, 2025

D’ici 2050, les scientifiques prévoient que 86 % de l’océan mondial sera plus chaud et plus acide que jamais dans l’histoire moderne. D’ici 2100, le pH de l’océan de surface pourrait chuter à moins de 7,8, soit plus de 150 % par rapport à l’état déjà corrosif d’aujourd’hui, et potentiellement encore plus, dans certaines parties particulièrement sensibles de la planète, comme l’océan Arctique.

Comme l’explique un article du Monde, « Avec l’acidification des océans, sept des neuf limites planétaires seraient désormais franchies« , selon le rapport, « Planetary Health Check » publié par l’Institut de recherche de Potsdam sur les effets du changement climatique (PIK), le mercredi 24 septembre.

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Des mers régionales sous pression

Les grandes tendances globales sont frappantes, mais l’intérêt du rapport est aussi dans ses plongées régionales, qui montrent à quel point les impacts sont hétérogènes.

Dans l’Atlantique Nord-Est, le double fardeau du réchauffement et de l’acidification pèse particulièrement : ces zones montrent des anomalies plus prononcées que la moyenne globale. Les vagues de chaleur marines, déjà intensifiées, accentuent les risques pour les pêcheries locales.

La Méditerranée apparaît comme un « hotspot » : les températures de surface y augmentent plus rapidement que dans d’autres mers, les vagues extrêmes se multiplient et les espèces tropicales gagnent du terrain, menaçant les équilibres autochtones et les systèmes de pêche littorale. Un bouleversement pour la biodiversité : espèces locales affaiblies, espèces tropicales qui s’installent, pêcheries déstabilisées. « La Méditerranée est devenue un véritable laboratoire du réchauffement : vagues de chaleur quasi annuelles, blanchiment de coraux, mortalités massives. Elle illustre ce que d’autres mers pourraient connaître demain. » — Chapitre régional OSR9

La mer Baltique, quant à elle, présente une évolution intrigante, paradoxale : sur les trente dernières années, elle s’est légèrement salinisée tout en se réchauffant. Le rapport souligne que ce changement combiné modifie la stratification, et les cycles d’oxygénation, avec un risque accru de zones mortes par manque d’oxygène.

Ces études de cas signalent que chaque bassin reçoit une “empreinte” différente du changement global, ce qui exige des réponses locales et une adaptation ciblée.

Un océan au cœur de la triple crise

Au fil des pages, le rapport Copernicus revient sur ce que les scientifiques appellent la triple crise planétaire : changement climatique, perte de biodiversité et pollution. L’océan est au croisement de ces trois pressions. Il subit la chaleur, absorbe le CO₂, mais au prix d’un affaiblissement de ses fonctions vitales et de plus en plus rongé par les déchets plastiques, les substances toxiques et les perturbations chimiques. Il abrite une biodiversité foisonnante, mais de plus en plus menacée.

Les auteurs soulignent l’importance d’améliorer les systèmes d’observation (satellite, flotteurs, capteurs autonomes), d’intégrer des indicateurs “fonctionnels” (liant signaux physiques et réponses biologiques) et d’abaisser les incertitudes pour anticiper plutôt que subir.
Mais les experts insistent : il ne suffit pas de documenter le changement — il faut que la science irrigue les politiques publiques. Résilience des pêcheries, zones marines protégées, adaptation des communautés côtières doivent s’appuyer sur ces connaissances. L’océan est l’un de nos meilleurs alliés pour capter chaleur et CO₂, mais à condition de le choyer, de le surveiller et de le protéger.

Pour Andrius Kubilius, Commissaire européen chargé de la défense et de l’espace, « Les conclusions du rapport sur l’état des océans sont un rappel alarmant des défis urgents auxquels sont confrontés nos océans. En tant qu’Européen, je suis toutefois rassuré de voir que l’Europe joue un rôle de premier plan dans l’observation et la prévision des différents paramètres de l’état des océans grâce au système unique d’observation de la Terre Copernicus, propriété de l’Union, et à ses services, en particulier le service marin. Le rapport fournit un aperçu complet de l’état, des tendances et des variations naturelles des océans à l’échelle mondiale, tout en présentant des outils de surveillance innovants qui permettent une coexistence durable avec les écosystèmes marins. Il soutient pleinement les priorités du Pacte européen pour les océans, ce qui en fait une contribution substantielle aux ambitions européennes en matière de gestion de nos océans. »

Pour les experts, il est urgent de renforcer les systèmes d’observation, de développer des outils de prévision plus fins et, surtout, de traduire ces connaissances en politiques concrètes. Car si l’océan reste l’un de nos meilleurs alliés contre le dérèglement climatique, il ne pourra jouer ce rôle qu’à condition d’être lui-même protégé.

« L’océan n’est pas un simple réservoir. C’est un acteur central du système Terre déjà en train de basculer dans un état nouveau. » — Synthèse scientifique, OSR9

Les chiffres sont clairs, les témoignages des scientifiques sans ambiguïté : l’océan est en train de changer sous nos yeux. Les transformations ne relèvent plus de projections lointaines mais d’une réalité quotidienne, visible dans nos mers régionales comme dans le Pacifique ou les Caraïbes.

Longtemps, nous avons pensé l’océan comme un allié infaillible, capable d’absorber nos excès et de nous protéger du réchauffement. Le rapport Copernicus montre qu’il n’en est rien : la mer encaisse, mais elle plie. Et si elle cède, c’est tout l’équilibre du climat, de la biodiversité et des sociétés humaines qui vacille.

« Protéger l’océan, c’est protéger l’humanité » : cette formule, souvent entendue, n’a jamais sonné aussi juste. L’OSR9 lance un avertissement politique et citoyen. À nous, désormais, de décider si nous voulons en faire une prophétie ignorée ou un point de bascule pour agir.

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