Déjà inscrit ou abonné ?
Je me connecte

rejoignez gratuitement le cercle des lecteurs de UP’

Il vous reste 2 articles gratuits

abonnez-vous pour profiter de UP’ sans limite

Océans : la France appelle à un accord international à la hauteur des enjeux climatiques

Dans un rapport publié au sein de la Collection du Plan (Haut Commissariat à la Stratégie et au Plan), la présidente de la Fondation de la Mer appelle à faire de la prochaine Conférence des Nations unies sur l’Océan (UNOC 3), qui démarre aujourd’hui à Nice, un moment fondateur pour la gouvernance mondiale des mers. L’enjeu : que l’accord de Nice devienne, pour les océans qui sont encore peu connus et maltraités, et qui ont été longtemps les grands oubliés des négociations internationales, l’équivalent des Accords de Paris pour le climat. Après deux conférences des Nations unies sur l’Océan aux résultats mitigés et aux faibles engagements concrets, la troisième édition de l’UNOC ne peut décevoir. Synthèse.

Les océans, poumons bleus de notre planète, sont aujourd’hui en péril. À la veille de la troisième Conférence des Nations unies sur l’Océan, qui se tient à Nice du 9 au 13 juin 2025, la présidente de la Fondation de la Mer, Sabine Roux de Bézieux, alerte dans un rapport de la Collection du Plan sur l’urgence d’une action collective ambitieuse. L’océan, régulateur climatique et source de vie pour des milliards d’humains, subit de plein fouet les effets du changement climatique, de la pollution plastique, de la surpêche et de l’inaction politique. Le rapport plaide pour que l’UNOC 3 soit l’occasion d’un engagement global sans précédent, à la hauteur des défis, et propose la mise en place d’une véritable gouvernance océanique mondiale. La France, forte de son vaste domaine maritime, est appelée à en être le fer de lance.

« La France accueille la troisième Conférence des Nations unies sur l’Océan, c’est un moment de vérité et d’action. Cette nouvelle contribution libre, dans la Collection du Plan, vient éclairer un débat vital : la préservation de l’Océan. Sous l’impulsion de la France, elle doit devenir une priorité de l’UE. Le texte de Sabine Roux de Bézieux appelle à une politique maritime plus forte et coordonnée, une « diplomatie bleue et un Giec des Océans.«  »

Après deux conférences des Nations unies sur l’Océan (UNOC 1 en 2017 et UNOC 2 en 2022) aux résultats mitigés et aux faibles engagements concrets, la troisième édition de l’UNOC ne peut décevoir : elle doit mobiliser en vue d’actions tangibles pour la protection des océans. Co-organisée par la France et le Costa Rica à Nice, l’UNOC 3 réunit une centaine de chefs d’État et de gouvernements. Elle se déroule dans un contexte géopolitique dégradé, avec des urgences et des attentes fortes.
L’UNOC 3 vise à instaurer une nouvelle dynamique internationale en faveur de l’Océan, avec l’ambition d’adopter un « plan d’action » comprenant une déclaration politique et une liste d’engagements pour les États. Inspirés des mécanismes mis en place pour le climat, ces engagements volontaires seront conçus pour structurer les actions en faveur des océans, renforcer la coopération internationale autour de la préservation des écosystèmes marins et appuyer la réalisation de l’objectif de développement durable (ODD) n° 14 sur la vie aquatique (1). La France s’est donné pour ambition que les accords de Nice deviennent un cadre de référence pour les futures actions internationales en faveur des océans, à l’image des accords de Paris de 2015 pour le climat. Quels sujets sont prioritaires, et quel rôle la France peut-elle jouer ?

L’océan, vital, encore peu connu et maltraité, a longtemps été le grand oublié des négociations internationales

L’océan, longtemps relégué à la marge des négociations internationales, s’impose désormais comme un bien commun essentiel de l’humanité. Sa fonction centrale dans l’équilibre climatique mondial est aujourd’hui reconnue : couvrant 71 % de la surface de la Terre, il agit comme le principal puits de carbone de la planète, absorbant près de 30 % du CO₂ émis par les activités humaines. Les courants marins, notamment l’AMOC (circulation méridienne de retournement de l’Atlantique), participent à la régulation des températures, en particulier en Europe. Or ces équilibres sont aujourd’hui menacés par le dérèglement climatique.

L’océan est en effet l’une des premières victimes de ce réchauffement. Il s’acidifie, se réchauffe et voit des zones entières devenir hypoxiques — privées d’oxygène — alors même qu’il produit 50 % de l’oxygène primaire via le plancton. Un tiers des mammifères marins, un quart des récifs coralliens et des mangroves sont aujourd’hui menacés. La perte de biodiversité marine devient critique.

Pourquoi ne pas profiter d’une lecture illimitée de UP’ ? Abonnez-vous à partir de 1.90 € par semaine.

Mais au-delà de ses apports environnementaux, l’océan est aussi un pilier économique mondial. 90 % du commerce international transite par mer, une activité en forte croissance. Les ports, le tourisme côtier, la pêche, l’aquaculture, l’extraction de ressources et même l’internet — grâce aux 1,3 million de kilomètres de câbles sous-marins — dépendent de cet espace vital, déjà sous pression.

L’océan demeure pourtant en grande partie inconnu : à peine 20 % des fonds marins sont cartographiés et chaque année, des milliers d’espèces y sont découvertes. Cet espace de mystère, plus proche que Mars, recèle aussi un formidable potentiel de coopération, d’innovation et de recherche.

Enfin, si la conscience internationale autour de la nécessité de protéger l’océan progresse, elle reste récente. Alors que les conférences climat (COP) comptent bientôt 30 éditions et celles sur la biodiversité 17, la conférence de Nice en 2025 (UNOC 3) n’en sera que la troisième dédiée aux océans. Et, à la différence des COP, elle ne donne lieu à aucun engagement contraignant. Ce n’est qu’en 2015, dans les Accords de Paris, que les océans sont timidement mentionnés, et encore seulement dans le préambule.

Pour protéger ce bien commun, la France doit mener « une diplomatie bleue » : ratification d’accords multilatéraux et présence active dans les instances internationales

Face à l’urgence écologique, la France est appelée à renforcer sa « diplomatie bleue », en s’imposant comme moteur des efforts internationaux pour la protection des océans. Déjà engagée sur cette voie, elle avait placé les enjeux maritimes au cœur de sa présidence du Conseil de l’Union européenne en 2022, avec l’ambition de faire converger les grands processus multilatéraux d’ici à 2025.

Dans la perspective de l’UNOC 3 à Nice, et au-delà, le rôle diplomatique de la France reste déterminant. Il s’agit non seulement de promouvoir activement la ratification d’accords internationaux parfois en négociation depuis plus d’une décennie, mais aussi de peser dans les instances mondiales pour faire émerger une gouvernance plus efficace de l’espace océanique. Cette diplomatie bleue, que la France est en position de structurer, doit désormais se concentrer sur cinq grands axes d’action, présentés comme prioritaires dans le rapport.

Enjeu n° 1 – La protection de la haute mer et de la biodiversité marine.
Un traité international sur le sujet, le traité BBNJ (2) adopté en juin 2023, vise à encadrer les activités en haute mer par la création d’aires marines protégées, par des évaluations d’impact environnemental et par une gouvernance partagée. L’objectif est de réunir au moins soixante ratifications pour permettre son entrée en vigueur, contre vingt-huit actuellement. La France a déposé le 5 février 2025 aux Nations unies son instrument de ratification du traité BBNJ et a pris la tête, en Europe, de la coalition de haute ambition BBNJ en lien avec la Commission européenne. Ses efforts diplomatiques ont payé : le 28 mai 2025, l’Union européenne et six États membres ont déposé leur instrument de ratification, ce qui porte à huit le nombre de signataires européens (3). En l’absence de ce traité, il n’existe aucun outil juridique pour protéger des espaces dits « hot spots de la biodiversité » alors que les États ont accepté lors de la COP 15 Biodiversité de protéger d’ici à 2030 au moins 30 % des mers et des océans.

Enjeu n° 2 – Un meilleur encadrement de la pêche au niveau mondial.
Cet encadrement doit être double. Social, d’abord, car la pêche reste l’une des professions les plus dangereuses au monde. L’accord du Cap, qui vise à protéger les équipages et les observateurs à bord des bateaux de pêche, remonte à 2012, et n’est toujours pas en vigueur. Vingt-deux pays l’ont ratifé à ce jour, mais ils n’ont pas la flotte nécessaire, soit 3 600 bateaux de plus de 22 mètres, pour que l’accord devienne juridiquement contraignant. L’encadrement de la pêche mondiale doit ensuite viser à préserver les ressources halieutiques mondiales. L’accord de l’OMC pour lutter  contre la pêche illicite, non déclarée et non réglementée (INN) et la surpêche est une étape en vue d’éradiquer ce fléau : la pêche INN représente entre 10 % et 20 % de la production mondiale, elle annihile tous les efforts menés en vue d’une pêche de proximité, durable, transparente et respectueuse des écosystèmes.

Enjeu n° 3 – La lutte contre le fléau de la pollution plastique.
Chaque année, entre 4,8 millions et 12,7 millions de tonnes de plastique terminent dans les océans, contaminant l’ensemble des espèces qui s’y trouvent. Malgré l’investissement diplomatique de la France, le futur traité contre la pollution plastique (4), lancé par le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) en mars 2022, semble dans une impasse : les dernières négociations internationales se sont conclues sur un échec, les pays producteurs de pétrole refusant de considérer le plastique dans la totalité de son cycle de vie et préférant se concentrer sur sa fin de vie. La France doit relancer une dynamique ambitieuse, en particulier via le prochain cycle de négociations prévu à Genève en août 2025. Elle doit aussi soutenir les centaines d’associations de terrain, qui, au quotidien, collectent des déchets dans la nature, pour éviter qu’ils ne rejoignent les 11 tonnes de plastique déjà déversées dans l’Océan chaque minute.

Enjeu n° 4 – La préservation des grands fonds marins qui recèlent des secrets biologiques, chimiques et physiques que la science n’a pas encore percés.
Les projets d’exploitation minière sous-marine portés par l’Autorité internationale des fonds marins (AIFM) pourraient mettre en péril des écosystèmes encore inconnus. Soutenue par la communauté scientifique, les fondations et les ONG, la France défend un moratoire face à l’exploitation minière de ces grands fonds marins. Cette position doit s’accompagner d’efforts actifs pour embarquer d’autres pays sur cette position, garante de la protection de ces espaces précieux pour les générations futures. Ainsi, à ce jour, trop peu de pays européens ont rejoint la coalition « Ne reproduisons pas en mer les erreurs commises à terre ».

Enjeu n° 5 – Construire une véritable gouvernance mondiale des océans.
La France, partageant des frontières maritimes avec trente-deux États et participant à de nombreuses organisations régionales de gestion des pêches et conventions de mers régionales, est en mesure de peser sur la gouvernance mondiale en la matière. Sa « diplomatie bleue » doit mettre en œuvre les ambitions maritimes de la France en incluant des formations pour les diplomates, des carrières qui passent par des responsabilités en lien avec la mer et une présence de haut niveau dans les instances régionales et internationales afin de faire entendre la voix de la France.

Pour lutter contre la désinformation et privilégier les analyses qui décryptent l’actualité, rejoignez le cercle des lecteurs abonnés de UP’

La France doit se montrer non seulement exemplaire, mais aussi précurseur dans la gestion durable des océans

La France, qui s’enorgueillit de posséder le deuxième espace maritime au monde, doit se montrer exemplaire dans la gestion durable de ses ressources. Depuis la création du Conservatoire du littoral, il y a cinquante ans ans, et la loi littoral en 1986, des efforts importants ont été entrepris. Ils doivent être non seulement poursuivis, mais amplifiés car les pressions sur l’océan continuent à augmenter.

La pêche illégale dans les eaux françaises n’est pas une histoire du passé : les eaux de la Guyane sont encore pillées par des tapouilles du Surinam ou du Brésil, et la Marine nationale se heurte au manque de moyens humains, juridiques et opérationnels. Les efforts de la France pour la transition vers une pêche durable et créatrice d’emplois locaux sont encore lents. Les propositions de la « Coalition Océan«  soutenue par plus d’une centaine d’acteurs de la société civile sont pertinentes : interdire le chalutage dans le cœur des aires marines dites « protégées » ; réorienter les subventions publiques vers la transition du secteur de la pêche et la protection marine ; exclure les navires industriels de plus de 25 mètres de la bande des 12 milles nautiques (comme de nombreux pays le font quand ils accordent des licences de pêche).

La France annonce avoir classé près de 33 % de son espace maritime en aires marines protégées (AMP), en vue d’atteindre les objectifs de KunmingMontréal, dits « 30×30/10 », qui visent à protéger 30 % des mers d’ici à 2030 dont 10 % de protection forte. C’est une avancée réelle, mais nous demeurons en retrait sur la protection forte : seuls 4 % des espaces maritimes mondiaux relèvent de cette catégorie, dont 0,3 % dans les eaux hexagonales. Or une trajectoire de délimitation d’espaces entièrement protégés est indispensable pour la fécondité de l’ensemble des eaux françaises. Deux chercheurs du CNRS et de Greenpeace ont ainsi publié en avril une proposition qui mérite d’être étudiée (5), pour passer à 10 % de protection stricte en France métropolitaine d’ici à 2030. Le Conseil économique, social et environnemental (CESE) préconise que l’UNOC 3 soit l’occasion d’établir, au niveau mondial, une définition commune des AMP, en vue de la préservation de la biodiversité, des écosystèmes et des services associés. Cette définition pourrait faire l’objet d’un protocole additionnel à la Convention sur la biodiversité biologique de 1992. Les États devront alors se conformer à des normes partagées.

La montée des eaux concerne d’ores et déjà les littoraux français, dans l’Hexagone et de façon encore plus importante dans les Outre-mer. Un avis du CESE de mai 2025 appelle l’État à se saisir du sujet sans attendre (6) : déploiement de solutions fondées sur la nature (restauration de récifs coralliens, d’herbiers de posidonie, de mangroves, de cordons dunaires, etc.), mise en place d’un référent dans chaque préfecture comme interlocuteur des collectivités et des entreprises, élaboration de jumeaux numériques des littoraux pour anticiper les évolutions du trait de côte, sensibilisation des populations locales, indemnisation des propriétaires… La stratégie d’adaptation devra réconcilier la nature et l’humain, car les prévisions de submersion sont implacables : selon les dernières estimations du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec), le niveau moyen des océans augmentera d’au moins 28 centimètres d’ici à 2100 dans le meilleur des scénarios, et de 63 centimètres à 1,01 mètre si nous ne faisons rien de plus pour limiter nos émissions de gaz à effet de serre.

Les Etats membres de l’UE doivent mener une politique océanique plus ambitieuse et mieux coordonnée

La politique maritime européenne a été formalisée en 2007 et s’est depuis largement étoffée, avec notamment des directives en faveur du milieu marin et des positions communes sur les sujets internationaux. La gestion des ressources halieutiques fait partie des cinq compétences exclusives de l’Union européenne depuis sa création. Pourtant, des progrès majeurs restent à faire. L’UNOC 3 pourrait être l’occasion pour les Européens d’avancer en commun dans trois domaines cruciaux et de faire de l’UE,
comme pour le climat, un champion mondial de la « diplomatie bleue ».

Premier domaine, la pêche durable.
En 1983, l’Europe a mis en place une politique commune des pêches (PCP), qu’elle ne cesse de renforcer afin d’assurer une pêche plus durable et respectueuse des écosystèmes. Cette PCP a permis de faire passer le taux d’espèces exploitées au-delà du rendement maximal durable de 70 % à moins de 30 %. Ses efforts doivent désormais porter sur les pratiques de pêche des États membres en dehors des espaces maritimes européens, tout en utilisant ses accords commerciaux pour exiger des pratiques de pêche durables chez ses partenaires et concurrents. Les licences de pêche signées par des bateaux portant le pavillon d’un État membre devraient respecter les règles appliquées au sein de l’UE, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Une première étape pourrait porter sur la pêche des ailerons de requin, particulièrement impactante sur les milieux.

Deuxième domaine, la non-exploitation des fonds marins.
La question de l’exploitation des grands fonds marins divise aussi les Européens, bien que la Commission ait adopté en 2021 une position claire : « Lorsqu’elle participe à des négociations internationales, il convient que l’Union défende la position selon laquelle les ressources minérales situées dans la zone internationale des fonds marins ne peuvent pas être exploitées » (7). Or les États membres de l’UE agissent en ordre dispersé. La Belgique et l’Allemagne testent des engins pour remonter des nodules polymétalliques des fonds marins et la Pologne a manifesté son intérêt pour ce type de projet. La position européenne de moratoire international devrait être pleinement réaffirmée, y compris par les États membres, avec une pression accrue de la France en ce sens.

Troisième domaine, la gouvernance mondiale des océans.
Les États membres de l’UE ont peu priorisé la ratification des traités internationaux liés à l’Océan, ou leur adhésion à des coalitions internationales visant à une meilleure protection de cet espace vital pour l’humanité. Comme évoqué, les efforts diplomatiques de la France ont permis que le 28 mai dernier, l’Union européenne et six États membres ratifient le traité sur la haute mer. De nombreux autres traités sont encore en souffrance et la France doit continuer à être moteur auprès de ses partenaires européens pour faire de l’UE un acteur exemplaire.

La troisième conférence des nations unies pour l’océan doit instaurer une « gouvernance bleue » puissante et renouvelée

En rassemblant plus d’une centaine d’États, deux mille chercheurs et des milliers de représentants de la société civile, l’UNOC 3 peut et doit jouer un rôle d’accélérateur stratégique dans l’agenda international. En effet, la gouvernance mondiale de l’Océan est encore largement insuffisante pour connaître, protéger et valoriser avec sagesse cet espace vital pour l’humanité.

Pour faire face à l’ensemble des défis qui frappent les espaces océaniques, une « gouvernance bleue » est aujourd’hui indispensable. La France, hôte de la conférence, a un rôle crucial à jouer dans son élaboration. Disposant du deuxième espace maritime mondial, elle est le seul pays à être présent dans tous les bassins océaniques. Avec ses partenaires de l’Union européenne, elle porte la responsabilité d’un domaine maritime de 25 millions de km2. Cette place majeure nous confère des responsabilités (et une
influence) particulières, en partenariat avec les autres grandes puissances maritimes (États-Unis, Chine, etc.) pour prendre soin d’un Océan fortement menacé.

Quels doivent être les éléments clés d’une nouvelle gouvernance bleue ? D’abord créer un outil de coordination des politiques de l’Océan, actuellement éclatées entre de multiples agences et institutions liées aux Nations unies. Aujourd’hui, seul un bureau ONU-Océan réunit formellement la « famille Océan », composée de la FAO (Food and Agriculture Organisation), l’OMI (Organisation maritime internationale), le PNUE, l’OIT (Organisation internationale du travail, pour les personnes qui travaillent en mer), l’UNESCO pour l’éducation et la recherche, la direction de l’ONU pour le droit de la mer (dite DOALOS)… Les sujets « océan » sont trop souvent traités en silo au niveau international : la pêche l’est par la FAO et les organisations régionales de pêche, la biodiversité en haute mer le sera par une Conférence des parties lorsque le traité BBNJ sera ratifié (mais il ne traite pas de la pêche !). Quant aux sols et sous-sols marins en haute mer, ils sont gérés par une organisation internationale dédiée, l’Autorité internationale des fonds marins (AIFM)…

Organiser une gouvernance bleue, c’est donc coordonner cette famille d’acteurs, avec trois priorités : définir l’entité coordinatrice (le secrétariat ONU-Océan ou une COP Océan liée à la convention des Nations unies sur le droit de la mer) ; demander des comptes à chaque agence pour identifier les budgets dédiés à l’Océan et évaluer leur impact ; définir des indicateurs de suivi partagés par tous les États sur l’objectif de dévelopement durable (14), afin de renforcer le suivi politique et la transparence démocratique des actions menées, comme pour les COP climat.

Au-delà de cette coordination politique à organiser, un élément clé de la nouvelle gouvernance bleue à construire impliquera d’améliorer la connaissance de la communauté internationale sur l’ensemble des défis traversés par l’Océan (climat, biodiversité, fonds marins, pêche, etc.). À ce titre, la création d’un véritable « Giec des océans », sur la base du projet français de plateforme internationale pour la durabilité de l’océan (IPOS), doit être une priorité pour fonder les initiatives internationales sur le meilleur état des connaissances scientifiques disponibles. L’exemple de la prise de conscience mondiale sur le climat, notamment permise par les travaux du Giec, doit être suivi pour les espaces océaniques. C’est une condition nécessaire du sauvetage de notre bien commun océanique.

Avec l’organisation de l’UNOC 3, la France se positionne donc comme un acteur clé de la mobilisation européenne et internationale en faveur de la préservation de l’Océan. Elle doit se montrer à la hauteur de son ambition, à la fois dans ses politiques et ses pratiques, et travailler avec les États membres de l’Union européenne pour une politique maritime plus forte et coordonnée, qui mettra la protection de l’Océan au cœur de la diplomatie environnementale du continent et d’un « Green Deal » qui doit
devenir un peu plus  « bleu »…

Sabine Roux de Bézieux, Présidente de la Fondation de la Mer

(1) ODD 14 : conserver et exploiter de manière durable les océans, les mers et les ressources marines aux fins du développement durable.
(2) En anglais Biodiversity Beyond National Jurisdiction.
(3)  Chypre, Finlande, Hongrie, Lettonie, Portugal et Slovénie ont rejoint la France et l’Espagne.
(4) Fondation de la Mer (2023), Vers la fin de la pollution par les plastiques dans l’Océan. Réduire notre empreinte plastique ; CESE (2023), Vers un traité international sur la pollution par les plastiques : enjeux, options, positions de négociations , avis, rapporteures Sabine Roux de Bézieux et Nathalie Van den Broeck.
(5) Claudet J. et Loiseau C. (2025), Proposition de localisation des 10 % d’aires marines en protection stricte pour la France métropolitaine , Greenpeace France et CNRS, avril.
(6) CESE (2025), La montée des eaux dans les Outre-mer : quelles stratégies pour s’adapter ?, rapporteurs Pierre Marie-Joseph, Sabine Roux de Bézieux et Hélène Sirder, mai.
(7) Commission européenne (2021), « Communication relative à une nouvelle approche pour une économie bleue durable dans l’Union européenne. Transformer l’économie bleue de l’Union européenne pour assurer un avenir durable », 17 mai.

Pour aller plus loin :

Photo d’en-tête : © Nasa

S’abonner
Notifier de

0 Commentaires
Les plus anciens
Les plus récents Le plus de votes
Inline Feedbacks
View all comments
Article précédent

Eloge du fixe dans le mouvement

Prochain article

Crise globale : au bord de l’effondrement, que reste-t-il à reconstruire ?

Derniers articles de Analyses

Nuance

Dans un monde où le débat public s’enferme trop volontiers dans les

REJOIGNEZ

LE CERCLE DE CEUX QUI VEULENT COMPRENDRE NOTRE EPOQUE DE TRANSITION, REGARDER LE MONDE AVEC LES YEUX OUVERTS. ET AGIR.
logo-UP-menu150

Déjà inscrit ? Je me connecte

Inscrivez-vous et lisez trois articles gratuitement. Recevez aussi notre newsletter pour être informé des dernières infos publiées.

→ Inscrivez-vous gratuitement pour poursuivre votre lecture.

REJOIGNEZ

LE CERCLE DE CEUX QUI VEULENT COMPRENDRE NOTRE EPOQUE DE TRANSITION, REGARDER LE MONDE AVEC LES YEUX OUVERTS ET AGIR

Vous avez bénéficié de 3 articles gratuits pour découvrir UP’.

Profitez d'un accès illimité à nos contenus !

A partir de 1.70 € par semaine seulement.

Profitez d'un accès illimité à nos contenus !

A partir de $1.99 par semaine seulement.