Le changement climatique bouleverse les habitudes de vie sur la planète, ce qui augmente considérablement l’extinction d’espèces, la migration et les changements de comportements. Le changement de climat force les plantes et les animaux à migrer pour leur survie. Toutefois, les recherches ont démontré que la plupart des espèces de végétaux et d’animaux ne sont capables de migrer qu’à un dixième de la vitesse nécessaire à l’adaptation au changement climatique induit par l’humain.
Une étude publiée aujourd’hui dans la revue PLOS ONE et menée par un chercheur du Centre de recherche sur la paléobiodiversité et les paléoenvironnements (CR2P – Muséum national d’Histoire naturelle/ CNRS/ UPMC) met en évidence l’impact catastrophique d’un changement climatique passé sur les faunes européennes de ruminants. Un réchauffement climatique et des changements environnementaux survenus il y a environ 24,5 millions d’années ont provoqué le remplacement de l’intégralité de la faune de ruminants préexistante par des migrants venus d’Asie.
La Terre a déjà subi par le passé des changements climatiques qui ont engendré des crises biologiques. L’une d’entre elles s’est produite il y a environ 24,5 millions d’années durant le Late Oligocene Warming. Ce réchauffement (une augmentation de 2 à 4 °C des eaux océaniques de l’Atlantique Nord), associé à la naissance des Alpes, a provoqué une aridification et l’apparition de la saisonnalité en Europe ; l’établissement de savanes contraste avec les environnements préexistants, sans saison et dominés par des forêts.
De précédentes analyses réalisées par une équipe franco-suisse ont montré une modification importante des espèces de grands mammifères herbivores à cette époque : 40% de cette faune a changé entre 25 et 24 millions d’années, à la suite d’une immigration asiatique massive que cette équipe a nommée Microbunodon Event . Bastien Mennecart, chercheur au CR2P (Muséum national d’Histoire naturelle/ CNRS/ UPMC), vient de publier un article dans PLOS ONE dans lequel il montre, sur la base de cinq années de recherches, que l’intégralité des espèces de ruminants européens a été renouvelée au moment du Microbunodon Event.
Ainsi, la majorité des ruminants actuels appartient au groupe des Pecora ; ils possèdent quatre poches stomacales facilitant l’ingestion d’aliments riches en fibres et peu énergétiques. Les Tragulina, qui étaient largement majoritaires au cours de l’Oligocène, se distinguent par une réduction ou absence d’une des quatre poches stomacale et par un régime alimentaire plus énergétique (fruits, champignons, insectes et même petits mammifères). La dégradation des conditions environnementales due à un changement du couvert végétal et du climat, associée à la compétition avec des Pecora venus d’Asie, a sonné le glas des Tragulina en Europe. En effet, dans ces conditions climatiques plus arides, les nouveaux ruminants ont supplanté les Tragulina grâce à un métabolisme plus efficace, capable d’assimiler de la nourriture pauvre énergétiquement. Les Tragulina ne comptent aujourd’hui que dix espèces localisées en zone équatoriale, les chevrotains.
À l’heure actuelle, la Terre connaît un réchauffement climatique dont les conséquences restent pour le moment mal connues. La connaissance des changements climatiques antérieurs et de leurs conséquences sur la biodiversité apporte une aide précieuse pour interroger notre futur.
Répartition et évolution des faunes de ruminants entre 25 et 24 millions d’années (Ma) en Europe de l’Ouest
(Les Pecora immigrants sont tournés vers la gauche, les ronds noirs correspondent aux sites fossilifères) © Bastien Mennecart – CR2P
Références :
Mennecart, B. (2015) The European ruminants during the « Microbunodon Event » (MP28, latest Oligocene): Impact of climate changes and faunal event on the ruminant evolution. PLOS ONE. 18 février 2015. DOI : 10.1371/journal.pone.0116830.
(Source : plos.org – 18 Février 2015)
Marine Barrio, Journaliste UP’ Magazine