Alors que WWF annonçait hier que 58 % des populations de mammifères, poissons, oiseaux, amphibiens et reptiles vivant sur cette planète se sont effondrées depuis 1970, une bonne nouvelle doit être soulignée aujourd’hui. Les grandes nations se sont en effet accordées pour créer le futur plus grand sanctuaire marin au monde.
Les Russes ont levé leur veto : le plus grand sanctuaire marin au monde verra bel et bien le jour dans une partie des eaux immaculées de l’Antarctique, à la faveur d’un accord « historique » forgé ce vendredi en Australie. Après plusieurs années de négociations, un consensus a été trouvé entre les 25 membres de la Commission pour la conservation de la faune et de la flore marines de l’Antarctique (CCAMLR) lors de sa réunion annuelle à Hobart, en Tasmanie. Présenté par les États-Unis et la Nouvelle-Zélande, le projet porte sur la création d’une zone protégée en mer de Ross, une immense baie côté Pacifique. Elle s’étendra sur une superficie de plus de 1,55 million de kilomètres carrés, soit une aire plus vaste que la France, l’Italie, le Benelux, l’Allemagne, la Suisse et l’Autriche réunis. Au total, 1,12 million de kilomètres carrés seront interdits à la pêche, selon le ministre néo-zélandais des Affaires étrangères Murray McCully. « Notre proposition impliquait certaines modifications pour obtenir le soutien unanime des 25 membres de la CCAMLR et l’accord final est un compromis entre la protection marine, la pêche durable et les intérêts scientifiques », a-t-il expliqué. « Les frontières de l’aire marine protégée (AMP) restent cependant inchangées », a-t-il ajouté. L’accord est valable 35 ans.
La mer de Ross est parfois surnommée « le dernier océan » car considérée comme le dernier écosystème marin intact de la planète, c’est-à-dire non touché par la pollution, la surpêche ou les espèces invasives.
C’est dans la mer de Ross que se trouvent 38% des manchots Adélie de la planète, mais aussi 30% des Pétrel antarctique et 6% des baleines de Minke. La région est importante car il y a des substances nutritives qui remontent des eaux profondes et qui se propagent dans le monde entier. En outre, y vivent en nombre, des krills, ces petites crevettes, qui servent de nourriture aux baleines et aux phoques.
La puissante organisation américaine de lobbying Pew Charitable Trusts a estimé dans un communiqué que la CCAMLR, qui rassemble 24 pays et l’Union européenne, avait « écrit l’histoire ». « Cette décision est historique car c’est la première fois que des nations acceptent de protéger une gigantesque portion d’océan au-delà des juridictions nationales », a déclaré dans le communiqué Andrea Kavanagh, chargée de l’Antarctique au sein de Pew Charitable Trusts. La CCAMLR, établie en 1982 par une convention internationale, achoppait depuis 2011 sur plusieurs projets de gigantesques aires marines protégées. Mais elle avait entamé le 17 octobre sa réunion annuelle avec de grands espoirs pour la mer de Ross. D’une part parce que Pékin s’était finalement rallié en 2015 à ce projet de sanctuaire. D’autre part parce qu’un élan avait été donné par le président américain Barack Obama quand il avait annoncé fin août le quadruplement de la superficie de la réserve marine connue sous le nom de Papahanaumokuakea à Hawaï, en faisant – alors – la plus grande au monde. Restait à convaincre la Russie, réticente notamment face aux restrictions de pêche.
« Nous avons beaucoup discuté avec eux », a déclaré à l’AFP le chef de la délégation américaine à Hobart, Evan Bloom, soulignant la mobilisation du secrétaire d’Etat américain John Kerry auprès du président russe Vladimir Poutine et du ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov. « Cette décision n’est pas importante que pour l’Antarctique, mais aussi pour les efforts en vue de la protection des océans dans le monde entier », a-t-il dit. Moscou a récemment montré un intérêt renforcé pour l’environnement, en proclamant 2017 « année de l’écologie en Russie », et en agrandissant son AMP de l’archipel François-Joseph, dans l’Arctique. La CCAMLR n’est cependant pas parvenue à trouver un consensus sur le deuxième projet majeur d’AMP qui était au menu des discussions. Porté par la France et l’Australie, il couvre un million de kilomètres carrés dans l’est de l’Antarctique. Un troisième projet d’inspiration allemande concernant la mer de Weddell est également dans les tuyaux. La mer de Ross doit son nom au Britannique James Clark Ross (1800-1862) qui la découvrit en 1841. « La famille Ross est euphorique à l’idée que l’héritage familial soit ainsi honoré l’année qui marque le 175e anniversaire de la découverte de la mer de Ross par James 1er, grâce aux individus et organisations qui ont donné leur cœur et leur âme à la campagne pour sa protection », a déclaré Phillipa Ross, descendante directe de l’explorateur. « Il y a un élan phénoménal pour la protection des océans et la mer de Ross n’est que le début », veut croire de son côté Luis Morago, un responsable de l’organisation américaine Avaaz qui faisait campagne pour les AMP en Antarctique avec le soutien de l’acteur Leonardo DiCaprio.
Cette information vient avec comme arrière-plan l’alerte faite par WWF dans son dernier rapport Planète vivante 2016. 58 % des espèces auraient disparu en quarante-deux ans (entre 1970 et 2012) et ce déclin va se poursuivre si nous ne faisons rien, alerte l’ONG.
« Que la biodiversité poursuive sa chute, et le monde naturel que nous connaissons aujourd’hui s’effondrera d’un seul tenant », avertit le directeur général du WWF International, Marco Lambertini, dans cet état des lieux de la planète.
« Le déclin subi par les populations d’espèces sauvages est de plus en plus préoccupant », souligne-t-il: « Il devrait atteindre en moyenne 67% » d’ici à 2020, si rien n’est fait pour enrayer la tendance.
« On est en train d’assister à une régression de la vie sur la planète dont nous sommes en partie responsables (…) c’est un facteur de risque majeur pour nous », relève Pascal Canfin, directeur général du WWF France. Car « quand le vivant disparaît, c’est le capital naturel qui disparaît. Et si on détruit ce capital naturel, on détruit notre capacité à vivre sur la planète dans la durée ».
De manière générale, la menace la plus fréquemment subie par les populations en déclin est la perte ou la dégradation de leur habitat par les activités agricoles, l’exploitation forestière, l’extraction minière, les transports, la production d’énergie…
Autres causes : la surexploitation (chasse, pêche, braconnage…), la pollution (industries, urbanisation..), les espèces invasives, les maladies.
Le changement climatique n’a pour l’instant qu’un impact « relativement marginal (…) parce qu’on n’en est qu’à un degré de réchauffement » planétaire par rapport à l’ère préindustrielle, précise Pascal Canfin.
Mais si les températures s’emballent du fait des émissions de gaz à effet de serre, liées aux activités humaines, les scientifiques promettent des impacts dévastateurs pour l’homme et les écosystèmes, en raison d’inondations, sécheresses, tempêtes…
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