En à peine deux générations, une nouvelle espèce d’oiseau est apparue sur l’île des Galapagos. Phénomène incroyable quand on sait que le rythme de l’évolution s’étend, en général sur de nombreuses générations. Darwin n’en aurait pas cru ses yeux ! Cette vitesse est à rapprocher des pressions que font peser les humains sur l’évolution de centaines d’espèces, les contraignant à se transformer bon gré mal gré. Ce que l’on sait désormais c’est que tout cela peut aller vite, très vite.
C’est sur une île isolée de l’archipel des Galapagos que des chercheurs ont observé une nouvelle espèce d’oiseau, produite en l’espace de deux générations seulement. L’animal a été dénommé Big Bird par les scientifiques à l’origine de cette étude publiée dans la revue Science.
Cette étude des chercheurs de l’Université de Princeton et de l’Université d’Uppsala est issue de recherches sur les pinsons de Darwin, des volatiles indigènes des îles Galápagos. Cet archipel mythique car c’est là que Darwin forgea sa théorie de l’évolution, est une bulle naturelle unique en son genre. Les scientifiques peuvent y observer l’évolution à l’état pur, seulement conduite par la nature.
Rosemary et Peter Grant, deux scientifiques de Princeton, ont voulu observer au plus près les mécanismes de cette évolution. Ils se sont donc installés pendant quatre décennies sur la petite île de Daphne Major. « La nouveauté de cette étude est que nous pouvons suivre l’émergence de nouvelles espèces dans la nature », a déclaré B. Rosemary Grant, professeur émérite d’écologie et de biologie évolutionniste et biologiste principal de la recherche. « Grâce à notre travail sur Daphne Major, nous avons pu observer l’appariement de deux oiseaux d’espèces différentes et suivre ce qui s’est passé pour voir comment la spéciation s’est produite. »
Le célèbre biologiste Peter Grant sur l’île Daphne Major aux Galapagos
Tout a commencé en 1981, lorsqu’un étudiant des Grant a remarqué un oiseau mâle dont le chant était un peu différent, avec un corps et un bec beaucoup plus gros que ceux des trois espèces indigènes sur Daphne Major. « Nous ne l’avons pas vu entrer par la mer, mais nous l’avons remarqué peu après son arrivée. Il était si différent des autres oiseaux que nous savions qu’il n’avait pu éclore d’un œuf sur Daphné Major », raconte Peter Grant, professeur émérite de zoologie, d’écologie et de biologie évolutionniste.
Des échantillons de sang et d’ADN ont permis aux chercheurs de découvrir que l’étrange nouvel oiseau était en fait un grand pinson cactus de l’espèce Geospiza conirostris natif de l’île d’Española, située à plus de 100 km de Daphne Major. Le « Big Bird » s’est accouplé avec un pinson natif de taille moyenne, Geospiz fortis, et a créé une lignée entièrement nouvelle de « Big Birds ». Cela s’est produit parce que le pinson cactus ne pouvait pas voler sur la longue distance qui le séparait de son île natale, et a donc été forcé de choisir un compagnon de l’une des espèces d’oiseaux vivant sur Daphné au lieu de convoler avec un congénère de sa propre espèce.
Les chercheurs impliqués dans cette étude ont noté qu’une évolution aussi remarquable et rapide a été rendue possible par l’isolement reproductif, qui est une étape critique dans la création d’une nouvelle espèce issue du croisement de deux espèces distinctes. Jusqu’ à présent, il était généralement admis que l’évolution d’une nouvelle espèce prend beaucoup de temps. Cependant, en raison des circonstances et de l’environnement uniques offertes par cet archipel isolé, « Big Bird » a prouvé aux chercheurs que l’évolution d’une nouvelle espèce est possible en seulement deux générations.
Alors que la pollution et le changement climatique font rage, les scientifiques découvrent ainsi que l’évolution peut se produire quand et où nous nous y attendons le moins. Nous constatons de plus en plus qu’à l’exception d’anomalies naturelles comme « Big Bird », l’action humaine peut considérablement influencer l’évolution. De ce que nous mettons dans l’atmosphère à la façon dont nous étendons nos environnements urbains, les animaux du monde entier s’adaptent et évoluent.
Des recherches récentes révèlent en effet que bon nombre de nos activités exercent une sélection involontaire importante sur les organismes. Une telle » sélection contre nature « , comme le rappelle à la BBC le professeur Adam Hart de l’université de Gloucestershire, provoque une évolution de ces populations au fur et à mesure que la logique inévitable de la sélection darwinienne entre en jeu.
Le meilleur et le plus important exemple d’évolution involontaire découlant de notre activité est peut-être la résistance aux antibiotiques. Les antibiotiques imposent une énorme pression de sélection aux bactéries et il y a un énorme avantage à tous ceux qui peuvent résister. De même, les pesticides sont sélectionnés pour leur résistance aux pesticides.
Certains exemples bien connus de sélection et d’évolution non naturelle proviennent des pêches commerciales. Ce sont les plus gros poissons qui sont habituellement ciblés et ceux qui restent sont par conséquent plus petits. Mais cet effet ne traduit pas seulement un changement démographique.
Le Dr Eric Palkovacs de l’Université de Californie Santa Cruz explique : « Nous avons enlevé les gros poissons et cela a un effet direct sur la structure de taille d’une population. Les populations subséquentes ressentiront cet impact parce que ces petits poissons apportent plus de gènes à la population. » En d’autres termes, les gènes de la « petitesse » prospèrent alors que les gènes de la « grandeur » sont éliminés sélectivement par la pêche.
De la même façon, l’urbanisation conduit de facto à une sélection des espèces capables de tolérer les milieux que nous créons. À l’échelle mondiale, nous causons des changements climatiques qui imposent d’autres pressions de sélection que nous ne comprenons pas encore parfaitement.
Il semble que pratiquement tout ce que nous faisons peut avoir une conséquence évolutive accidentelle.
Ce que l’on sait maintenant, c’est que le phénomène se déploie à une vitesse jamais vue.
Sources : Science, Futurism, Phys.org, BBC
Image d’en-tête : Big Bird © PR Grant
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