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Zones humides côtières, remparts du changement climatique

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Alors qu’il y a quelques mois, le monde assistait aux difficultés des délégués de la COP26 à Glasgow à parvenir à des accords pour maintenir l’augmentation de la température mondiale en dessous de 1,5°C, il manquait alors un ingrédient très visible : les zones humides. Malgré le triste constat d’échec du dernier rapport du GIEC, une section spéciale est consacrée aux impacts du changement climatique sur la Méditerranée. La plupart des zones humides côtières de la Méditerranée disparaîtront vers la fin du XXIe siècle, avec des conséquences dramatiques tels que des risques accrus de sécheresse, de pénurie d’eau et d’inondations côtières. Nous ne pouvons donc pas laisser disparaître les zones humides côtières méditerranéennes.

L’élévation du niveau de la mer sera l’un des principaux impacts engendrés par le changement climatique au XXIe siècle pour les zones côtières. Il y a encore beaucoup d’incertitudes sur la façon dont la fonte de la calotte glaciaire pourrait être affectée au cours du prochain siècle, mais certains des scénarios présentés sont vraiment alarmants. Les derniers modèles prévoient une augmentation de 1m en 2100 (scénario sans réduction de GES), ce qui entraînerait la perte de 90 % des zones humides côtières du monde.

Avec des températures qui augmentent 20 % plus vite que la moyenne mondiale, le bassin méditerranéen est l’un des points chauds de cette crise mondiale. Selon les images satellites des 35 dernières années, la mer Méditerranée se réchauffe presque trois fois plus vite que la plupart des autres zones océaniques. Les pires projections indiquent que le niveau des mers pourrait augmenter de 1,35m à 1,92m à long terme. De plus, comme l’a présenté le WGII du GIEC, les dommages causés par les inondations côtières devraient être multipliés par 10 au moins d’ici la fin du XXIe siècle.

Selon cette analyse, la plupart des zones humides côtières de la Méditerranée disparaîtront vers la fin du XXIe siècle, avec des conséquences dramatiques pour les communautés côtières et les économies locales. Des millions de personnes, soit plus d’un tiers de la population méditerranéenne, seront confrontées à des risques accrus de sécheresse, de pénurie d’eau et d’inondations côtières.

« Les événements climatiques auxquels nous sommes confrontés aujourd’hui sont de plus en plus fréquents, extrêmes et dévastateurs. En Méditerranée, les conséquences deviennent dramatiques pour de nombreuses espèces – les cycles naturels sont déséquilibrés et nous observons des changements dans tous les domaines, des cycles de croissance des plantes aux saisons de nidification des oiseaux migrateurs. Il est maintenant clair que la crise climatique est la responsabilité directe de l’être humain – mais il n’est pas trop tard, l’humanité en mesure de changer le cours des choses avec l’aide de la nature. Des solutions naturelles existent, comme l’utilisation durable, la conservation et la restauration des zones humides côtières. Ces écosystèmes clés ont une grande capacité d’absorption des émissions de carbone et contribuent à nos efforts d’adaptation dans un monde qui se réchauffe. »
Alessio Satta, secrétaire, MedWet (Initiative pour les zones humides méditerranéennes)

Les zones humides côtières : La solution clé contre le changement climatique

Les zones humides constituent le puits de carbone le plus efficace au monde, mais elles continuent d’être ignorées dans les plans d’action mondiaux pour le climat. Une situation inquiétante, compte tenu des preuves scientifiques évidentes qui démontrent le rôle clé des zones humides dans la lutte contre le changement climatique.

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En région méditerranéenne, les zones humides comptent parmi les écosystèmes les plus productifs. Elles fournissent des services essentiels à 500 millions de personnes, de la régulation des inondations à l’approvisionnement en eau, des réservoirs de biodiversité aux attractions touristiques. Enfin et surtout, les zones humides nous protègent contre le changement climatique.

Paradoxalement, ce sont aussi les écosystèmes les plus menacés par les activités humaines. Bien que l’écotourisme et le tourisme durable gagnent en popularité, 27 % du tourisme de masse mondial s’opère dans le bassin méditerranéen. La grande majorité des touristes se rassemble sur les côtes méditerranéennes, réduisant considérablement la résilience des écosystèmes locaux.

En Méditerranée, le changement climatique est 20% plus rapide que la moyenne mondiale ; et les scientifiques alertent que le bassin méditerranéen sera la deuxième région du monde la plus sévèrement touchée, après l’Arctique (Source : rapport MedECC). Pour inverser cette tendance, la solution pourrait se trouver, entre autres, dans les zones humides. Il existe déjà une série d’exemples de réussite en Méditerranée qui démontrent que les zones humides peuvent changer la donne dans la crise actuelle, en apportant des solutions naturelles au changement climatique.

Ce que dit la science…

Les scientifiques affirment que l’avenir de nos zones humides côtières est en jeu en raison des activités humaines. Selon l’Observatoire des zones humides méditerranéennes (OZHM), coordonné par la Tour du Valat, dans le cadre de l’Initiative pour les zones humides méditerranéennes, MedWet, environ la moitié des zones humides de la Méditerranée a été détruite au cours des 50 dernières années. Quant aux zones humides restantes, dont la plupart sont endommagées et dégradées, elles sont soumises à de fortes pressions.

Comme le montre l’image ci-dessous, la Méditerranée est un « point chaud » du changement climatique. La façon dont nous gérerons ses zones humides au cours des prochaines décennies sera donc d’autant plus déterminante.

Source: Mediterranean Climate Hotspot Map, 2021. Elaboration by MEDSEA

Les projections publiées par le réseau d’experts méditerranéens sur le changement climatique et environnemental (MedECC) en 2019 confirment que le changement climatique frappera la région plus durement et plus rapidement que la plupart des autres régions du monde. La crise de la biodiversité en sera aggravée, et ses effets auront un impact socio-économique, entraînant pauvreté et déplacement de millions de personnes.

Quelques chiffres clés du rapport du MedECC :

  • À l’échelle du bassin, les températures moyennes annuelles sont désormais supérieures de 1,54°C à celles de 1860-1890 pour les zones terrestres et maritimes (0,4°C de plus que le changement moyen mondial).
  • Le changement climatique en Méditerranée est 20 % plus rapide que la moyenne mondiale.
  • 43 % de la population méditerranéenne souffre de pénuries d’eau.
  • Dans un scénario de statu quo, la température en Méditerranée devrait augmenter de 2,2°C d’ici 2040.
  • Dans un scénario de statu quo, une réduction de 30 % des précipitations au printemps et en été et une augmentation de 10 à 20 % des épisodes de fortes précipitations en dehors de l’été sont prévues d’ici 2080.

Réussites locales

Les zones humides se présentent sous diverses formes naturelles et artificielles, des rivières et des lacs aux marais, aux étangs et aux systèmes de dunes côtières. Sous leurs diverses formes, les zones humides peuvent contribuer à nous protéger de la crise climatique de nombreuses différentes manières.

Les zones humides sont parmi les puits de carbone les plus importants au monde – des études scientifiques montrent qu’elles stockent actuellement jusqu’à 40 % du carbone mondial, et ce à un rythme 10 à 20 fois supérieur à celui des forêts tempérées ou boréales.

Les zones humides nous protègent contre toutes sortes de phénomènes extrêmes, notamment l’élévation du niveau de la mer et les épisodes de tempête de plus en plus fréquents et violents que nous observons aujourd’hui. Plus à l’intérieur des terres, les zones humides absorbent les précipitations intenses, protègent des inondations et reconstituent les faibles débits en période de sécheresse.

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Quelques exemples de réussites locales en Méditerranée :

  • Oristano, Italie : située en Sardaigne, les zones humides de la région d’Oristano, couvrent 77km2 de sites Ramsar et 267km2 d’aires marines protégées. Oristano est au cœur de l’économie et de la culture de la Sardaigne depuis des centaines d’années. Aujourd’hui encore, les processus naturels des zones humides fournissent de l’eau potable aux habitants et les protègent des inondations et des épisodes de tempête, tout en créant des conditions idéales pour l’épanouissement de la biodiversité. Des centaines d’espèces d’oiseaux – dont certaines sont menacées continuent d’y nicher, de s’y nourrir et d’y hiverner.
  • Camargue, France : située le long de la côte méditerranéenne du sud de la France, à l’ouest de Marseille, elle couvre 140 000 hectares, comprenant des terres agricoles et une diversité exceptionnelle de zones humides et d’écosystèmes côtiers. Elle fait partie du réseau Natura 2000 et comprend 17 habitats visés par la directive européenne sur les habitats.
  • Ghar el Melh, Tunisie : cette lagune unique d’environ 35 km2 figure parmi les sites du patrimoine côtier les plus précieux de Tunisie. Désignée zone humide d’importance internationale, elle a été la première ville d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient à recevoir le prix Ramsar d’accréditation des villes zones humides, en reconnaissance de son engagement officiel dans la protection et durabilité des zones humides. Toutefois, Ghar El Melh est confrontée à des menaces importantes, dues au captage de l’eau, à la pollution et au développement incontrôlé du tourisme.
  • Ulcinj Salina, Monténégro : cette saline de 15 km2 sur l’Adriatique est l’une des zones les plus importantes d’Europe pour la reproduction, l’hivernage ou le repos des oiseaux lors de leurs migrations. Plus de 250 espèces y ont été recensées. Après l’arrêt de la production de sel en 2013, cet habitat unique a été menacé par l’infiltration d’eau douce dans les salines. La saline d’Ulcinj a désormais rejoint la liste Ramsar des zones humides, dont l’étendue est aussi vaste que celui du delta de l’Okavango au Botswana et du Pantanal en Amérique du Sud. Ce classement permettra de restaurer le site, de relancer la production traditionnelle de sel et de développer l’écotourisme.

L’importance des zones humides en Méditerranée

Malgré les pressions qui les menacent, les zones humides méditerranéennes restent essentielles et les bénéfices qu’elles apportent (ou « services écosystémiques ») représentent une contribution vitale aux populations et aux économies nationales de la région. Les zones humides naturelles et artificielles du bassin méditerranéen couvrent environ 0,15 à 0,22 million de km2, soit entre 1,1 et 1,5 % de la superficie mondiale des zones humides. Près d’un quart (23%) des zones humides méditerranéennes sont aujourd’hui artificielles, notamment les rizières, les réservoirs, les marais salants et les oasis – un pourcentage bien plus élevé que la moyenne mondiale de 12%.

Les plus grandes zones humides de la région se trouvent en Égypte, en France, en Turquie et en Algérie, et représentent dans leur ensemble environ deux tiers du total méditerranéen. Étant donné la nature aride ou semi-aride d’une grande partie du bassin méditerranéen, la couverture nationale des zones humides est généralement faible, allant de plus de 8 % en Tunisie à moins de 1 % dans huit pays, principalement au Moyen-Orient et en Afrique du Nord.

Néanmoins, toutes ces zones humides sont essentielles pour assurer les moyens de subsistance et la survie de la biodiversité, comme le démontre clairement le rapport de l’OZHM, « Les zones humides méditerranéennes, enjeux et perspectives 2 – Solutions pour des zones humides méditerranéennes durables« . Les populations exploitent directement les plantes et les animaux dépendant des zones humides par la pêche et la chasse pour se nourrir, et utilisent les zones humides pour faire paître les animaux. Dans des régions de plus en plus sèches, les zones humides sont particulièrement cruciales pour la gestion durable des ressources en eau, tant en termes de qualité que de quantité. Elles contribuent à fournir et à purifier l’eau dont dépendent les sociétés méditerranéennes, pour la boisson, l’industrie et la production d’énergie, ainsi que pour l’irrigation agricole.

Les zones humides méditerranéennes, en particulier les zones humides côtières, jouent un rôle important dans la lutte contre le changement climatique, en atténuant les phénomènes météorologiques extrêmes par l’amortissement des inondations et des épisodes de tempêtes côtières, et en fournissant de l’eau en cas de sécheresse. À l’inverse, l’assèchement des zones humides ou la réduction de leurs ressources en eau peut entraîner la libération de grandes quantités de carbone stocké.

Les zones humides au niveau mondial

Les divers services fournis par les zones humides ont une valeur économique considérable. La valeur des zones humides naturelles intérieures et côtières est estimée à au moins 51.000 milliards de dollars par an dans le monde. Une grande partie de cette valeur réside dans les multiples avantages qu’elles procurent en matière d’eau – gestion de la quantité et de la qualité de l’eau et amortissement des phénomènes météorologiques extrêmes tels que les inondations, les sécheresses et les ondes de tempête côtières. Mais la conversion des écosystèmes naturels, y compris les zones humides, à d’autres utilisations des terres réduit la valeur des services qu’elles procurent, à un rythme de 4,3 à 20,2 trillions de dollars par an au niveau mondial.

Le projet Wetland-Based Solutions (les Solutions fondées sur la Nature) œuvre pour une conservation plus efficace de ces écosystèmes fondamentaux. Grâce à la protection et à la restauration de territoires clés, le projet vise à garantir que les zones humides côtières deviennent des atouts essentiels dans les solutions fondées sur la nature pour contrer les impacts anthropiques – et en particulier le changement climatique.

Autre projet, le Wetland-Based Solutions né de la collaboration entre 30 partenaires experts des zones humides de 10 pays, avec le financement et le soutien de la Fondation MAVA. Ils se sont réunis dans le cadre d’une initiative novatrice pour sauver, restaurer et gérer les zones humides dans les régions côtières – où vit un tiers de la population méditerranéenne – en tant que solutions naturelles exceptionnelles pour les personnes et la planète.

Publié la première fois dans UP’ Magazine le 07/03/22

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