« La fonte des glaciers emporte avec elle des écosystèmes entiers et accroit significativement les risques de catastrophes naturelles. Elle menace aussi de priver de moyens de subsistance une part importante de la population mondiale. Ce sujet appelle à davantage de coopération régionale et internationale », plaidait la Directrice générale de l’UNESCO, Audrey Azoulay, lors de son discours au Forum international d’Astana vendredi dernier – un discours dans lequel elle rappelait également que « la paix mondiale dépendra aussi de l’eau ». L’occasion de renforcer le soutien à la coopération scientifique pour les glaciers.
En novembre 2022, l’UNESCO a publié avec l’IUCN une étude révélant que les glaciers d’un tiers des sites du patrimoine mondial sont menacés de disparaître d’ici 2050 dans le scénario actuel des émissions de CO2. L’étude indiquait aussi qu’une limitation de la hausse des températures à 1,5°C, tel quel prévu dans l’Accord de Paris sur le Climat, permettrait de sauver les glaciers des deux-tiers de sites restants.
Renforcer la coopération régionale et multilatérale en matière de protection des glaciers et de gestion de l’eau
Les glaciers d’Asie centrale ont perdu 20 à 30% de leur volume ces cinquante dernières années. C’est pourquoi l’UNESCO a décidé d’accroître ses actions dans la région. Depuis 2017, un centre de recherche régional basé à Almaty (Kazakhstan) est dédié à la glaciologie. Il réunit une vingtaine de chercheurs internationaux, au sein de quatre laboratoires thématiques : la surveillance de la cryosphère, le suivi des ressources en neige et glace, la géocryologie et les risques naturels.
Fin 2021, était également lancé un nouveau programme scientifique régional, financé à hauteur de plus de 6M$ par le Fonds d’adaptation, pour cartographier les glaciers de la région. Il vise aussi à établir d’ici 2025, un système d’alerte et de préparation aux risques liés à la fonte des glaciers pour le Kazakhstan, le Kirghizistan, le Tadjikistan et l’Ouzbékistan.
Dans le même temps, l’Organisation va cartographier les zones les plus vulnérables, en vue d’y déployer des systèmes d’alerte précoce pour les populations les plus exposées au risque de catastrophes naturelles et notamment des GLOF (inondations dues au débordement des lacs glaciaires).
Pour développer ces recherches, l’UNESCO va doubler son investissement à partir de l’été 2023, grâce au soutien du Fonds mondial pour l’environnement en Asie centrale. Elle permettra une connaissance approfondie de l’ensemble de la cryosphère d’Asie centrale – glaciers, permafrost, neige. Cet outil facilitera l’établissement de plans nationaux de gestion de la cryosphère et d’un programme stratégique de coopération entre les pays d’Asie centrale. « La coopération scientifique et la science ouverte sont essentielles pour répondre à la crise de l’eau », a pointé Audrey Azoulay, lors d’une visite in situ des glaciers d’Adygene et de Golubin, au Kirghizistan.
Une fonte des glaciers sous surveillance accrue
Étant donné que l’Arctique se réchauffe quatre fois plus vite que le reste du monde, les chercheurs soupçonnent que la fonte sous-marine y est pire qu’en Antarctique. « La fonte par les eaux profondes et chaudes augmente le sapement des terminaisons des glaciers, induisant ainsi le vêlage et le recul du front des glaciers », expliquent l’océanographe physique Kirstin Schulz et ses collègues, « ce qui entraîne une perte de masse dynamique qui s’ajoute à l’élévation du niveau de la mer. »
Les effets mondiaux de la perte des glaciers vont bien au-delà de l’élévation du niveau de la mer. Lorsque la glace du Groenland fond dans l’océan, elle pourrait stopper les principaux courants océaniques qui contribuent à refroidir l’équateur de notre planète et tempérer notre hémisphère nord.
De nouvelles données de l’UNESCO mettent en évidence la fonte accélérée des glaciers des sites du patrimoine mondial. Elle constate ainsi que certains glaciers emblématiques du patrimoine mondial disparaîtront d’ici 2050. Le document conclut que les glaciers d’un tiers des 50 sites du patrimoine mondial sont condamnés à disparaître d’ici 2050, quels que soient les efforts déployés pour limiter la hausse des températures.
Les glaciers du patrimoine mondial fondent à raison de 58 milliards de tonnes de glace chaque année. C’est l’équivalent du volume d’eau utilisé annuellement par la France et l’Espagne, contribuant à près de 5% de l’élévation mondiale du niveau de la mer observée à l’échelle mondiale, selon l’UNESCO. La moitié de l’humanité dépend directement ou indirectement de l’eau issue des glaciers pour l’usage domestique, l’agriculture et l’énergie. Les glaciers, qui alimentent de nombreux écosystèmes, sont également des piliers de la biodiversité.
Le directeur général de l’UICN, Bruno Oberle, explique que « Lorsque les glaciers fondent rapidement, des millions de personnes sont confrontées au manque d’eau et au risque accru de catastrophes naturelles telles que les inondations, et des millions d’autres peuvent être déplacées en raison de l’élévation du niveau de la mer qui en résulte. L’étude [de novembre 2022] souligne l’urgence de réduire les émissions de gaz à effet de serre et d’investir dans des solutions fondées sur la nature, qui peuvent contribuer à atténuer le changement climatique et permettre aux populations de mieux s’adapter à ses effets. »
Pour aller plus loin :
Plateforme d’étude des débordements des lacs glaciaires en Asie centrale (GLOFCA)
Photo d’en-tête : Glacier Golubin au Kirghizistanau , à l’occasion de l’exposition de photos « Dance of Melting Glaciers »