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Ces villes victimes des chaleurs suffocantes trainent les majors du pétrole en justice

Ces villes victimes des chaleurs suffocantes traînent les majors du pétrole en justice

Quand les politiques échouent, les populations s’en remettent aux tribunaux

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Plusieurs firmes pétrolières sont attaquées en justice pour les dégâts causés par le « dôme de chaleur » de juin 2021 dans le nord-ouest des Etats-Unis. À l’époque, des températures extrêmes avaient été enregistrées jusqu’à 46,7°C dans une région habituée à la fraîcheur. Une plainte déposée au nom du comté de Multnomah, dont fait partie la ville de Portland dans l’Oregon, réclame près de 52 milliards de dollars à des majors comme ExxonMobil, Chevron, BP et Shell. Les avocats soutiennent qu’elles sont responsables de la crise climatique en ayant disséminé une quantité énorme de désinformation pour préserver leurs activités et leurs gains. Cette action devant la justice n’est pas unique : plusieurs milliers de procès sont recensés dans le monde demandant réparation pour préjudice climatique.

L’avocat Jeffrey Simon est réputé pour sa défense de victimes des opioïdes, qui leur a valu plus de 2,7 milliards de dollars de réparations versées par des compagnies pharmaceutiques. Sa nouvelle cible sont les multinationales du pétrole. Aujourd’hui, il fait partie de l’équipe s’attaquant à plusieurs entreprises pétrolières pour les dégâts causés par le « dôme de chaleur » de juin 2021 dans le nord-ouest des Etats-Unis.

Selon lui, l’ère des majors pétrolières n’assumant aucune responsabilité dans la crise climatique est révolue. « Nous soutenons qu’elles ont disséminé une quantité énorme de désinformation pour préserver leurs activités et leurs gains », a déclaré ce Texan à l’AFP. La plainte déposée au nom du comté de Multnomah, dont fait partie la ville de Portland (Oregon, nord-ouest), réclame près de 52 milliards de dollars. « Le vieux refrain des accusés — selon lequel la science est incertaine et non prouvée — va échouer », assure-t-il. Parmi les sociétés visées figurent les américaines ExxonMobil, Chevron, ConocoPhillips, ou encore les britanniques BP et Shell. Avec cet argent, il veut aussi créer un fonds pour financer l’adaptation d’infrastructures aux vagues de chaleur, sécheresses et incendies à venir.

Le comté de Multnomah réclame cette somme au titre des dommages passés et futurs provoqués par ces multinationales en cachant l’impact négatif sur le climat des énergies fossiles. La plainte, déposée en juin, affirme que le « dôme de chaleur » de 2021 a causé la mort de 69 personnes, entraîné des dommages matériels et d’importantes dépenses d’argent public. A l’époque, des températures extrêmes avaient été enregistrées jusqu’à 46,7°C dans une région habituée à la fraîcheur. Le World Weather Attribution (WWA), un groupe scientifique, a par la suite déterminé que ce dôme aurait été « pratiquement impossible » sans le changement climatique.

Explosion du nombre de plaintes

Ces poursuites s’inscrivent dans une longue liste d’actions en justice lancées depuis 2017 aux Etats-Unis — première économie mondiale et responsable d’environ un quart des émissions cumulées de carbone.

Plus de 40 villes, comtés et États ont porté plainte contre des groupes du secteur des énergies fossiles pour leur impact climatique et des décennies de désinformation, selon le Center for Climate Integrity.

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« C’est un moment important », estime Delta Merner, de l’Union des scientifiques préoccupés, une association impliquée. Selon elle, les tribunaux locaux sont compétents pour juger ces affaires, d’autant que les effets du réchauffement climatique diffèrent d’un territoire à l’autre.

Face à ces tentatives de saisir la justice des États, les entreprises visées ont cherché à faire échouer les procédures, en arguant du fait qu’il appartenait à l’Etat fédéral de réguler la question des émissions de CO2, et pas aux tribunaux locaux. En avril, la Cour suprême américaine a rejeté plusieurs appels visant à bloquer ces procédures. Les dossiers peuvent désormais commencer à être examinés sur le fond.

Autre angle d’attaque des militants de la cause climatique : le droit constitutionnel. Dans le Montana, une dizaine de jeunes accusent l’Etat d’enfreindre leur droit constitutionnel à un « environnement propre et sain ». Ils ne demandent pas d’indemnisation mais que soit déclarée contraire à la Constitution de l’Etat une loi permettant à des agences étatiques d’ignorer les conséquences climatiques des permis concédés à des entreprises du secteur des énergies fossiles. Le jugement n’a pas encore été rendu.

« S’en remettre aux tribunaux »

L’industrie des énergies fossiles fait valoir que ses activités sont légales, et ont dopé la croissance économique et le niveau de vie. « La Constitution invalide ces nouvelles revendications sans fondement, qui visent une industrie et un ensemble d’entreprises dont les activités légales sont extrêmement bénéfiques pour la société », a déclaré à l’AFP Theodore Boutrous, conseiller juridique chez Chevron.

Ces arguments ne sont pas nouveaux, rétorque l’avocat Jeffrey Simon. « Dans l’affaire des opioïdes, nous n’avons jamais soutenu qu’il n’y avait pas aussi une utilisation médicale acceptable pour les opioïdes prescrits », explique-t-il en ajoutant que le problème se situait au niveau de l’offre excessive, comme pour les énergies fossiles.

Selon le comté de Multnomah, des documents internes d’entreprises du secteur montrent qu’elles avaient connaissance depuis 50 ans des dégâts entraînés par leurs produits mais qu’elles ont mené des campagnes de désinformation qui n’ont pas permis aux localités de faire les meilleurs choix. « Cela se rapproche bien plus d’un cas d’incendie criminel que d’un dossier sur le changement climatique », assène l’avocat.

Pour Michael Burger, directeur exécutif à l’université Columbia d’un centre spécialisé de droit relatif au changement climatique, les lois et mesures politiques restent la meilleure manière de lutter contre la crise climatique. Mais « clairement, les responsables politiques ont jusqu’ici échoué à s’attaquer de façon adéquate au problème », a-t-il dit à l’AFP. Ce qui force les populations locales à « s’en remettre aux tribunaux pour réclamer justice ».

Les procès climatiques sont devenus une arme adoptée par de nombreux défenseurs du climat. Ils se tournent vers les tribunaux afin de demander des comptes aux gouvernements et aux entreprises pour les dommages environnementaux qu’ils causent. Ceux qui portent ces affaires devant les tribunaux visent deux objectifs. D’abord toucher les entreprises et organisations responsables au portefeuille. Il s’agit d’obtenir devant les juges, des dommages-intérêts des entreprises responsables pour couvrir les coûts de la gestion des impacts du réchauffement. L’autre objectif est d’utiliser la loi et la jurisprudence pour forcer les gouvernements à prendre des mesures plus énergiques pour réduire les émissions de carbone.

Les partisans de ces procès climatiques ont en tête des exemples historiques qui vont de la lutte contre les entreprises du tabac jusqu’aux combats judiciaires pour abolir la ségrégation raciale dans les écoles américaines. Déjà des vagues d’actions judiciaires chiffrant les préjudices en milliards de dollars sont menées. C’est le cas de la ville de New York contre les entreprises pétrolières ou de communautés de Californie qui, dans un grand tapage médiatique, attaquent les pétroliers pour leur responsabilité dans l’augmentation du niveau des océans.

Une vague de procès climatiques dans le monde

Selon une analyse publiée fin juin par l’institut de recherche Grantham sur le changement climatique et l’environnement de la London School of Economics and Political Science, les recours en justice pour tromperie liés au changement climatique ont augmenté dans de nombreux pays ces dernières années. Les spécialistes de l’institut britannique dénombrent quelque 2 341 procédures judiciaires liées au climat à travers le monde, dont 190 nouvelles pendant les douze derniers mois (juin 2022-mai 2023).

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De nature très variée, ces recours couvrent différents types de désinformation et peuvent émaner de particuliers ou d’ONG, viser le gouvernement (pour manque d’ambition climatique et /ou une mise en œuvre jugée défaillante), une entreprise ou une organisation. Ils mettent généralement en cause les engagements des entreprises en matière de climat, les affirmations sur les caractéristiques des produits, la surestimation des investissements ou du soutien à l’action en faveur du climat, et le défaut de divulgation des risques liés à la crise climatique.

Des procédures favorisées par le vote historique du 29 mars 2023 quand L’Assemblée générale de l’ONU a adopté une résolution visant à faire définir par la justice internationale les « obligations » des États dans la lutte contre le changement climatique. L’inaction climatique des États, souvent dénoncée, se retrouvant ainsi face au jugement du droit international.

En France, les juges ont décidé en février 2023 que l’inaction climatique de l’État était illégale, et que cette faute engageait sa responsabilité. « L’Affaire du Siècle » était portée par plusieurs organisation de défense de l’environnement qui voulaient faire condamner l’État pour ses manquements dans la lutte contre le réchauffement climatique. L’initiative des ONG était soutenue par une pétition de plus de 2.3 millions de personnes.

Avec AFP

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christian.campiche@bluewin.ch
1 année

Tiré de mon éditorial « Climat, le grand souk » paru dans infoméduse du 9 juillet 2023:
Il n’est hélas guère nouveau qu’aucun tribunal ne vienne sanctionner l’irresponsabilité ambiante. Dans l’affaire du naufrage du Prestige, au large des côtes françaises, il aurait fallu traîner le propriétaire du rafiot devant la Cour de la Haye. Parce qu’il avait osé le suggérer dans ces mêmes colonnes, le soussigné fut aussitôt rabroué par un lecteur, choqué devant ce qu’il estimait être des propos d’une sévérité excessive.
Christian Campiche

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