Les ministres de l’énergie du G20 ont été incapables de se mettre d’accord sur un plan de réduction des énergies fossiles. Réunis samedi 22 juillet à Goa en Inde, ces dirigeants ont donné l’impression de vivre dans une autre galaxie. Malgré les emballements tangibles de la crise climatique causée par notre hyperdépendance aux énergies fossiles, aucun calendrier de réduction de la consommation de charbon, gaz ou pétrole n’a été acté. Plus encore : dans le communiqué final, le mot charbon n’apparaît même pas. Inconscience ? Désinvolture ? Histoire de gros sous ou surpression des pays producteurs ? Quelle que soit la cause, le résultat est toujours le même : la menace climatique avance sans fin, faisant peser un risque existentiel sur le vivant et l’habitabilité de la Terre.
Les ministres de l’Energie des pays du G20, réunis en Inde ce samedi, n’ont pas réussi à s’accorder sur un calendrier permettant de réduire progressivement le recours aux énergies fossiles (pétrole, gaz, charbon). Leur déclaration finale publiée à la fin de la rencontre à Goa ne mentionne même pas le charbon, pourtant l’un des gros contributeurs au réchauffement climatique.
À deux mois du sommet principal du G20, qui se tiendra en septembre, et à quatre mois du sommet des Nations unies sur le climat (Cop28), qui aura lieu à Dubaï, cette réunion était considérée comme une prise de température cruciale pour la géopolitique de l’urgence de la transition énergétique. Cependant, les experts ont constaté qu’au moment où le monde avait besoin d’entendre un « appel à l’action », le résultat de la réunion s’est avéré être des plus décevants.
Cet échec à s’accorder intervient malgré la volonté affichée en mai à Hiroshima par les dirigeants du G7 d' »accélérer » leur « sortie » des énergies fossiles, et alors que les températures mondiales atteignent des records, causant vagues de chaleur, inondations et incendies. Pour expliquer cette impasse, l’Inde, qui préside le G20, a expliqué que certains des membres souhaitaient une « réduction des énergies fossiles unabated » c’est-à-dire non adossées à des dispositifs de captage ou de stockage de carbone, « conforme aux différentes circonstances nationales ». Tandis que d' »autres ont une opinion différente sur le fait que les technologies de captage et stockage de carbone répondent à ces besoins ».
Devant cette foire aux arguties, les scientifiques et les militants écologiques sont exaspérés par la lenteur des organismes internationaux à prendre des mesures pour freiner le réchauffement climatique, alors même que des conditions météorologiques extrêmes dans l’hémisphère nord ont mis en évidence la crise climatique à laquelle le monde est confronté.
Alden Meyer, analyste du centre de réflexion E3G, a déploré l’échec des négociations. « Avec des records de températures atteints chaque jour dans le monde et l’impact du changement climatique qui devient incontrôlable, le monde avait besoin que les ministres de l’Energie du G20 sonnent le ralliement », a-t-il regretté dans un communiqué.
D’autant que les pays membres du G20 représentent ensemble plus des trois quarts des émissions mondiales et du produit intérieur brut, de sorte qu’un effort cumulatif du groupe pour décarboniser est crucial dans la lutte mondiale contre le dérèglement climatique.
« Besoin de ralliement »
Une coalition de dix-huit pays, dont la France et l’Allemagne, menée par les Îles Marshall, a réclamé vendredi dernier « une sortie urgente des énergies fossiles » et « un pic des gaz à effet de serre d’ici à 2025 », estimant que « l’humanité ne peut pas se permettre d’attendre ».
Cette coalition réclame une diminution de 43% des émissions mondiales d’ici à 2030 par rapport à 2019, afin de respecter la limite des 1,5°C, conformément aux calculs des experts climat des Nations unies. Mais beaucoup de pays en développement estiment que les pays riches, plus gros pollueurs, doivent financer davantage la transition énergétique. L’Inde, notamment, s’est fixée un objectif de zéro émission nette pour 2070, soit 20 ans plus tard que beaucoup d’autres pays.
Un rapport préparant la présidence de l’Inde au G20 a calculé à 4.000 milliards de dollars par an le coût de la transition énergétique et souligné l’importance d’un financement à bas coût pour les transferts de technologies et les pays en développement, une demande récurrente de New Delhi.
Certains gros producteurs de pétrole sont également réticents à une sortie rapide des combustibles fossiles. Ed King, du réseau de communication sur le climat GSCC, a notamment reproché à la Russie et l’Arabie saoudite le manque de progrès dans les négociations de samedi. Ces pays ont « bloqué les efforts pour un accord sur un triplement des énergies propres visant à réduire les énergies fossiles », a-t-il déploré sur Twitter.
Selon l’agence Reuters, la Russie et l’Arabie saoudite ont refusé d’accepter des objectifs d’augmentation de la capacité non fossile ou des délais pour l’ajout d’énergies renouvelables, au motif que le gaz naturel est un élément essentiel de leur bouquet énergétique. La Chine, premier émetteur mondial de dioxyde de carbone, ainsi que l’Afrique du Sud et l’Indonésie, exportateurs de charbon, se sont également opposés à ce projet. L’Inde, qui assurait la présidence du G20, a adopté une position neutre sur la question.
Une discussion sur la production d’hydrogène, dont de nombreux pays espèrent qu’elle facilitera la transition des combustibles fossiles, a également été controversée. Certains membres ont demandé l’adoption de l’expression « hydrogène à faible teneur en carbone » plutôt que « hydrogène vert », ont indiqué Reuters. Alors que l’hydrogène vert est produit à partir d’énergies renouvelables, l’expression « hydrogène à faible teneur en carbone » pourrait inclure l’hydrogène produit à partir de gaz fossile
La France a mis en cause ce dimanche la responsabilité de la Russie dans l’absence d’accord. « Je regrette profondément qu’il n’y ait pas eu de déclaration commune à l’issue de cette réunion du fait notamment de la Russie », a déclaré Agnès Pannier-Runacher, la ministre française de la Transition énergétique.
Le PDG de la compagnie pétrolière des Émirats arabes unis Adnoc, Sultan Al Jaber, qui présidera les négociations de la prochaine COP28, a déclaré qu’il s’attendait à ce que les combustibles fossiles continuent à jouer un rôle, même réduit, avec l’aide, controversée, de dispositifs de captage ou de stockage de carbone. Il a toutefois estimé que leur réduction était « inévitable » et « essentielle », mais que le réalisme interdisait de s’en passer du jour au lendemain. En attendant, la Terre brûle.
Avec AFP
Image d’en-tête : Illustration : Sarah Grillo/Axios