Ce lundi 10 mars, la France a présenté son 3ᵉ plan national d’adaptation au changement climatique (PNACC-3). Il prévoit un ensemble de 52 actions concrètes pour adapter notre territoire, Hexagone et Outre-mer, aux impacts visibles et attendus du changement climatique : canicules, inondations, sécheresses, retrait-gonflement des argiles, érosion côtière, feux de forêt, perte de biodiversité, etc. Objectifs : protéger la population et construire la résilience de la société française. Il s’agit d’adapter nos modes de vie, notre économie, nos infrastructures et nos décisions politiques en intégrant le climat futur dans l’ensemble de la planification écologique (1).
À l’échelle de la planète, l’année 2024 a été la plus chaude jamais enregistrée selon l’Organisation météorologique mondiale, avec une température moyenne supérieure de
1,55 °C à celle de l’ère préindustrielle. Dans ses derniers rapports, le GIEC indique que si les engagements des États exprimés dans le cadre de l’Accord de Paris devaient conduire à un réchauffement mondial médian de 2,8 °C en 2100, les politiques mondiales effectivement mises en œuvre aujourd’hui mènent plutôt à un réchauffement mondial médian de 3,2 °C en 2100.
Pour la France hexagonale, qui se réchauffe plus vite que d’autres territoires dans le monde, le scénario prenant en compte les engagements existants, appelé tendanciel, implique une hausse des températures moyennes de 2 °C en 2030, 2,7 °C en 2050 et 4 °C en 2100 par rapport à l’ère préindustrielle.
2024 illustre clairement ce dérèglement du climat. C’est à la fois l’une des cinq années les plus chaudes depuis le début des mesures en 1900, l’une des dix années les plus pluvieuses à l’échelle nationale et l’une des moins ensoleillées depuis 30 ans. Dans ce contexte, deux constats s’imposent.
Un constat scientifique d’abord : le dérèglement climatique concerne déjà l’ensemble du territoire et l’ensemble des Français. +1,7 °C en moyenne en France hexagonale depuis 1900. 313 communes déclarées en état de catastrophe naturelle dans les Hauts-de-France entre fin 2023 et début 2024. 5 000 km de littoraux français – soit 20 % de nos littoraux – déjà concernés par l’érosion côtière. 1,5 million d’habitants exposés au risque de submersion marine. 11 millions de maisons en zone à risque du retrait-gonflement des argiles.
Un constat économique ensuite : si la France ne s’adapte pas au dérèglement climatique, les conséquences seront sévères. Le coût des sinistres climatiques pourrait doubler au cours des 30 prochaines années, atteignant 143 milliards d’euros cumulés sur la période 2020-2050.
La France pourrait perdre jusqu’à 10 % de son PIB au cours des cinquante prochaines années si la température mondiale augmente de +2 °C. Et le surcoût des assurances lié au changement climatique pourrait atteindre 35 % d’ici à 2050.
52 mesures et plus de 200 actions concrètes s’articulent dans ce 3e plan autour de plusieurs axes cruciaux : protéger notre population ; assurer la résilience des territoires,
des infrastructures et des services essentiels ; adapter les activités humaines pour assurer la résilience économique et la souveraineté alimentaire, économique et énergétique de notre pays à +4 °C ; protéger notre patrimoine naturel et culturel ; mobiliser toutes les forces vives de la Nation pour réussir l’adaptation.
Préparer le pays à un réchauffement de 4 °C
Le nouveau plan repose, pour la première fois, sur une Trajectoire de réchauffement de référence pour l’adaptation au changement climatique (TRACC), afin de préparer la France aux niveaux de réchauffement suivants :
Le respect de l’Accord de Paris reste la cible des objectifs mondiaux de limitation du réchauffement climatique. Toutefois, face au risque de dépassement de ces objectifs, il est nécessaire de se préparer à un réchauffement climatique à + 4 °C à 2100. C’est l’ambition de ce plan : s’adapter sans renoncer à la poursuite d’une politique d’atténuation ambitieuse.
Agir sur la cause du réchauffement en le limitant permet de maîtriser son rythme et d’apprendre à faire face à ses impacts. La Stratégie française sur l’énergie et le climat vise une approche intégrée de l’atténuation et de l’adaptation. L’objectif est d’aborder ces deux impératifs de manière complémentaire à travers des mesures mutuellement bénéfiques, qui concourent également à la protection de la biodiversité. Par exemple, la végétalisation des espaces urbanisés permet à la fois de lutter contre les îlots de chaleur urbains, d’augmenter les puits de carbone et de protéger la biodiversité en ville. L’adaptation au changement climatique et l’atténuation des émissions de gaz à effet de serre doivent donc constituer les deux volets indispensables et interdépendants de toute politique climatique. Sur le premier volet, la réduction des émissions de gaz à effet de serre de 5,8 % en 2023 par rapport à l’année précédente montre que la planification écologique porte ses fruits.
C’est dans la poursuite de cette dynamique que le PNACC souhaite aller en proposant des mesures d’adaptation complémentaires aux actions d’atténuation et à la transition écologique. Ce nouveau plan repose sur la dualité atténuation, qui permet d’agir sur les causes du changement climatique, et adaptation, dont les actions portent sur les effets.
Ce chiffre de + 4°C est une moyenne annuelle et masque des disparités saisonnières importantes : pour une température moyenne de + 4 °C, les écarts de températures pourront être encore plus importants. Cette réalité sera notamment prégnante l’été, des étés à la température largement supérieure aux normales de saison n’étant pas à exclure à la fin du siècle.

D’autre part, une augmentation des températures moyennes de + 4 °C à horizon 2100 se traduira de manière différenciée sur l’ensemble du territoire national. Dans ce
scénario, la région des Hauts-de-France devrait subir par exemple une évolution de ses températures moyennes annuelles de + 1,9 °C en 2030 à + 3,6 °C en 2100. Dans le sud de la France, déjà marqué par de fortes chaleurs, l’augmentation des températures devrait être plus soutenue encore : en Occitanie par exemple, les températures progresseront de 2 °C en 2030 pour atteindre + 4,1 °C à la fin du siècle.

Cette disparité territoriale vaut également entre l’Hexagone et les Outre-mer. Pour les territoires ultramarins, la situation insulaire et la particularité des écosystèmes (80 % de la biodiversité française sur 22 % du territoire national) les placent en première ligne des effets du changement climatique. Les projections existantes laissent entrevoir une augmentation des températures qui pourrait être de l’ordre de + 1,9 °C (dans le Pacifique Sud) et + 3,5 °C (dans le bassin Atlantique) d’ici 2100, en valeur médiane des simulations climatiques.
Enfin, l’impact d’un réchauffement à + 4 °C n’est pas limité à des variations de températures. Ce réchauffement va affecter l’ensemble des équilibres naturels de notre
pays et avoir des conséquences environnementales dont beaucoup sont encore imprévisibles. Le principal impact de ces évolutions climatiques sera par exemple la
modification du cycle de l’eau. À horizon 2100, la Bretagne devrait connaître une augmentation des précipitations en hiver de l’ordre de +15 % et une baisse de l’ordre de –
25 % en été pour la valeur médiane des simulations climatiques. En Occitanie, déjà frappée par une sécheresse dans son climat actuel, la diminution projetée des
précipitations en période estivale d’ici 2100 atteindrait de l’ordre de -25 % (valeur médiane). L’année 2024 a puissamment illustré ces paradoxes territoriaux appelés à se
multiplier : au moment où le Pas-de-Calais était frappé par des inondations exceptionnelles, les Pyrénées-Orientales entamaient leur deuxième année de sécheresse et de
restrictions d’eau. Outre-mer, une intensification des cyclones, des baisses de précipitations corrélées à des pluies plus intenses, ainsi que des épisodes de sécheresse plus marqués sont globalement attendus : dans l’ensemble des territoires, ces évolutions, associées aux spécificités des territoires d’outre-mer (isolement et éloignement) peuvent générer des crises d’ampleur – telles la crise de l’eau en 2023 et le cyclone Chido en 2024 à Mayotte.
Un plan sur 6 axes
Si l’effort d’atténuation des émissions de gaz à effet de serre est mondial, l’effort d’adaptation au changement climatique est national et local. Il suppose la mobilisation de tous, entreprises, collectivités, société civile, etc. Face aux impacts du dérèglement climatique déjà visibles sur notre territoire, le Plan national d’adaptation au changement climatique comprend 52 mesures pour apporter des solutions concrètes aux Français, aux collectivités, au monde économique et au monde du vivant.
Les grands principes stratéiques du nouveau Plan : anticipation, progressivité, priorisation, co-bénéfices, mobilisation et différenciation.
Anticipation : Des mesures construites pour se préparer à une trajectoire de réchauffement fondée sur la science
Pour la première fois, le troisième plan est construit autour de la boussole d’une trajectoire de réchauffement de référence pour l’adaptation au changement climatique
(TRACC) : la France à + 2 °C en 2030, à + 2,7 °C en 2050 et à + 4 °C à 2100. La TRACC sert de fil conducteur au plan, mais doit plus largement éclairer l’ensemble des politiques publiques pour une adaptation large de nos modes de vie dans une France à + 4 °C. Cette ambition se traduira par l’inscription de la TRACC dans le code de l’environnement et sa prise en compte dans les documents de planification au fur et à mesure de leur renouvellement.
Inscrire dès maintenant l’adaptation dans l’action publique et les stratégies privées permettra de développer rapidement une expérience collective et d’identifier les meilleures solutions d’adaptation possibles à horizons 2050 et 2100.
Progressivité : Mettre en place des mesures et des ambitions différenciées à horizons 2030, 2050 et 2100
Le troisième plan d’adaptation au changement climatique n’est pas une stratégie à 2100. C’est une planification progressive, qui contient des actions concrètes et immédiates afin de préparer le palier de 2030, identifie des mesures de moyen terme axées sur les trente prochaines années et pose les bases de grandes options valables jusqu’à 2100, comme le choix des essences en matière de renouvellement forestier. Cette dimension incrémentale a nourri toute la construction du plan : par exemple, les plans de résilience qu’il prévoit pour les grandes entreprises de transport et de l’énergie d’ici 2025 permettront d’avoir une vision plus précise des enjeux pour ces services essentiels à horizon 2050 et d’actualiser en conséquence les préconisations du plan. Le PNACC est un document vivant, appelé à évoluer au regard d’éventuelles modifications du consensus scientifique sur la TRACC, de l’état des connaissances et innovations technologiques et de l’avancée du débat démocratique sur l’adaptation. Il sera révisé a minima tous les cinq ans.
Co-bénéfices : Privilégier les mesures permettant à la fois l’adaptation, l’atténuation, la protection de la biodiversité et la non-détérioration des écosystèmes
Ce nouveau plan d’adaptation n’est pas un renoncement à la poursuite de l’objectif de limitation des émissions de gaz à effet de serre mais bien une stratégie complémentaire. S’adapter, ce n’est pas renoncer, mais plutôt préparer le probable et anticiper le possible, en complémentarité avec les actions d’atténuation et de protection de la biodiversité. C’est en outre une nécessité : le coût collectif de l’inaction est bien supérieur à celui d’un investissement pour la résilience. Le plan propose également une vision intégrée du climat et de la biodiversité. Il privilégie ainsi toujours les options porteuses de cobénéfices, c’est-à-dire qui favorisent l’adaptation tout en étant également favorables à l’atténuation, à la protection de la biodiversité et la non-détérioration des écosystèmes, par exemple en faisant le choix des solutions fondées sur la nature.
Priorisation : Choisir, par objet et par secteur, le niveau d’adaptation en fonction des risques et des coûts collectifs
Toute stratégie publique doit faire des choix. C’est encore plus vrai en matière d’adaptation au changement climatique, eu égard à l’ampleur de certains chantiers et des coûts qu’ils induisent pour notre société. Aux grandes options nationales, il faut ajouter les choix à réaliser au niveau local : il sera nécessaire de calibrer les curseurs territoriaux entre sur-investissement (sur-adaptation) et sous-investissement (non-adaptation) pour une optimisation des coûts collectifs. A court terme, le PNACC privilégie les mesures « sans regret », à long terme son ambition est d’éviter les mauvais choix, ce qu’on appelle la « maladaptation », notamment des nouvelles constructions ou des nouveaux projets. Sa conception incrémentale permettra d’affiner au fur et à mesure les options collectives en fonction des retours d’expérience émanant des territoires et des acteurs économiques. Les indicateurs de suivi du plan permettront d’analyser les impacts de ces choix.
Mobilisation : Créer un « réflexe » de l’adaptation dans tous les pans de la société
Le plan national d’adaptation a été conçu dans une démarche inclusive associant l’ensemble des parties prenantes. Ses mesures ont été discutées au sein de quatre groupes de travail rassemblant les représentants des collectivités territoriales, de l’Etat et de ses opérateurs, des organisations syndicales, des filières économiques et des associations, réunis de juillet à décembre 2023. Cette co-construction s’est poursuivie avec la consultation publique qui a permis d’enrichir le document des contributions de citoyens et des parties prenantes privées et publiques. Stratégie publique mais aussi objet démocratique, il vise à susciter une véritable conversation nationale autour de l’adaptation. Plusieurs de ses mesures visent par ailleurs à généraliser une culture de l’adaptation dans l’ensemble de la société par la formation des salariés et des agents publics, la sensibilisation des entreprises et des collectivités, la mobilisation de la jeunesse et de nos institutions de recherche, etc. La généralisation d’un « réflexe » de l’adaptation est un objectif à part entière du plan et un héritage recherché, au moins aussi important que ses mesures techniques.
Différenciation : Décliner la stratégie nationale au niveau territorial
Si l’adaptation appelle un cadre national, sa mise en œuvre est profondément locale : l’adaptation des territoires de moyenne montagne à l’après-neige n’a rien de commun avec celle des communes littorales au recul du trait de côte, ou encore celle des territoires d’outre-mer caractérisés par leur insularité (à l’exception de la Guyane), voire leur double insularité (collectivités du Pacifique) et leur éloignement géographique. Le plan national devra ainsi être décliné localement à travers des stratégies d’adaptation adaptées aux caractéristiques environnementales et socioéconomiques des territoires. Le plan national intègre nativement cette dimension locale en proposant une responsabilisation des collectivités territoriales et l’identification de territoires pilotes de l’adaptation afin de faire émerger les solutions du terrain à généraliser, en étroit lien avec les associations d’élus.
Les 52 mesures
Si ce plan présente « un certain nombre de bonnes intentions », il se « heurte au fait qu’on ne sait pas si elles sont financées et comment elles sont pilotées », a commenté auprès de l’AFP Nicolas Richard, vice-président de France Nature environnement (FNE). « Il montre la bonne direction, mais il lui manque une tête et des jambes« , regrette-t-il, entérinant ainsi l’avis du Haut Conseil pour le climat qui avait jugé que le pays n’était pas à la hauteur et réclamant un « changement d’échelle dans l’adaptation ». Quelques mois plus tôt, la Cour des comptes avait pressé les pouvoirs publics de « prendre conscience » de l’urgence de s’attaquer à ce chantier, qui exige selon elle un « mur d’investissements ».
Lire le Plan complet (388pages)
(1) Ce plan a été élaboré en associant l’ensemble des parties prenantes : collectivités territoriales, État et opérateurs, organisations syndicales, filières économiques et associations. Ses mesures ont été discutées au sein de quatre groupes de travail – territoires, biodiversité, économie, normes techniques – qui se sont réunis de juillet à décembre 2023. Une consultation publique volontaire a ensuite été organisée du 25 octobre au 27 décembre 2024 sur la base du projet élaboré par les groupes de travail. Elle a permis d’enrichir le document des contributions de citoyens et d’acteurs publics et privés avant son adoption définitive. Le projet de plan a également été soumis à l’avis du Conseil national de la transition écologique le 28 janvier 2025.
Article très intéressant qui fait écho aux travaux 2024 du GT Transition Energétique de l’ANRT.