Si Rhône-Alpes se lance maintenant dans l’adaptation au changement climatique, l’eau sera son atout. La reconquête de la qualité de nos cours d’eau avance fort : la pollution organique de nos cours d’eau a été divisée par dix en 15 ans. Nous avons sorti de la médiocrité les rivières les plus abimées. Mais les enjeux devant nous restent immenses.
Le changement climatique vient appuyer sur les points sensibles : les fuites de nos réseaux d’eau – hors d’âge – atteignent souvent la moitié de l’eau pompée. Cette eau viendrait gravement à nous manquer si nous n’investissons pas en urgence dans une grande chasse au gaspillage, estimée à 1,5 milliard d’euros de travaux par an pour la France. Cette chasse au gaspi vise aussi l’irrigation agricole. Ces économies ne peuvent pas attendre parce que la compétition pour l’eau s’aiguise. D’après l’INSEE, Rhône-Alpes va accueillir 20% d’habitants en plus d’ici 2040, passant de 6,2 millions d’habitants à plus de 7,4. Ces gens-là auront soif.
Les territoires de Rhône-Alpes sont vulnérables
L’agriculture aussi craint l’assèchement des sols qui vient et verra ses besoins en eau s’accentuer, surtout en zone de montagne. Dans le même temps, l’économie touristique hivernale va subir la réduction du nombre de jours de neige, avec des conditions d’enneigement moins garanties en moyenne montagne.
Tous les territoires de Rhône-Alpes sont vulnérables au changement climatique : le caractère méditerranéen du sud s’accentuera, avec des sécheresses plus sévères et des précipitations plus brutales. Les Alpes seront encore plus affectées avec des glaciers réduits à la portion congrue, une fonte des neiges plus rapide au printemps, des températures d’plus élevées.
Pour se préparer au changement climatique nous devons aussi oser désimperméabiliser nos villes pour laisser l’eau se réinfiltrer vers les nappes phréatiques. Ce n’est pas seulement une nécessité vitale, c’est aussi moins cher : Lyon a divisé par 3 sa facture sur un projet d’aménagement en préférant des réinfiltrations à la parcelle à la solution classique « tout-tuyau » !
Enfin on redécouvre aujourd’hui les vertus d’une rivière qui fonctionne naturellement. A force d’avoir enserré nos rivières entre des digues trop étroites, on se retrouve avec des crues dramatiquement aggravées. Le secteur des travaux publics va revenir dans les rivières mais, cette fois-ci, pour leur redonner un cours plus naturel. Le gouvernement promet une grande loi cadre de la biodiversité pour 2014.
Trame verte et bleue
L’Isère s’est déjà fait connaître comme le premier département à avoir porté une politique forte de trame verte et bleue. La région Rhône-Alpes reprend le flambeau dans son nouveau « schéma régional de cohérence écologique » à paraître prochainement et l’agence de l’eau finance 400M€ sur 6 ans pour la restauration des milieux.
Paris accueillera fin 2015 la conférence mondiale sur le climat, suite de Kyoto. En préparation, les 5 régions du sud-est, l’agence de l’eau et le préfet de Rhône-Alpes, préfet coordonnateur du bassin Rhône-Méditerranée se sont fédérés pour lancer un plan d’adaptation au changement climatique qui donne la carte des vulnérabilités de nos territoires et propose quelques innovations de rupture administrative comme une mesure de compensation de chaque m² qu’on imperméabilise en plus par la mise en place d’une réinfiltration de l’équivalent de la pluie tombant sur 1,5m². Il lance aussi une grande chasse au gaspillage et le retour à bon rendement de nos réseaux d’eau pour 2030.
Si nous nous attelons à ces priorités, l’eau peut devenir un atout plus fort encore d’attractivité de Rhône-Alpes.
Martin Guespereau, Directeur général de l’agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse