Dans une déclaration commune avec les États-Unis, la Chine s’est récemment engagée à réduire ses émissions de CO2 par unité de produit intérieur brut (PIB) de 60 à 65 % d’ici à 2030, par rapport aux chiffres de 2005. Elle a aussi déclaré vouloir mettre en place un marché national des permis d’émissions qui concernera les principaux secteurs industriels, tels que la sidérurgie et la métallurgie, la production d’électricité, l’industrie chimique, les matériaux de construction, le papier et les métaux non ferreux.
La diplomatie climatique réunit Xi Jinping, le président chinois, et Barack Obama, le président nord-américain, le 25 septembre dernier à Washington. Jim Watson/AFP
Premier émetteur mondial de gaz à effet de serre (GES), la Chine était responsable de 25,9 % des émissions mondiales de dioxyde de carbone en 2012.
Le système des quotas encourage la réduction des émissions de GES. Selon la Banque mondiale, 39 juridictions nationales et territoriales utilisent des systèmes d’échange de quotas d’émissions (ETS pour emission trading schemes) et de taxes carbone. Ces mesures concernent 12 % des émissions annuelles dans le monde (8 % pour les ETS, 4 % pour les taxes carbone).
Des programmes pilotes
La Chine a pris la décision de mettre en place ce système d’échange au niveau national dès 2010. Depuis 2013, des programmes pilotes ont été mis en œuvre dans sept grandes villes et provinces : à Beijing, Shanghai, Chongqing, Tianjin, Shenzhen, et dans le Hubei et le Guangdong. Le prix à la tonne du carbone varie de 1,8 euros à Shanghai à 6,9 euros à Pékin (ces chiffres valent pour la période du 14 au 18 septembre 2015). Les marchés du carbone chinois se sont développés plus vite que prévu. Les systèmes pilotes ont été approuvés en 2011, et il n’a fallu que deux ans pour les mettre en place.
En attendant, les programmes pilotes deviennent de plus en plus contraignants. La province de Guangdong (dont l’ETS pilote est le plus important de Chine) prévoit ainsi de les étendre à d’autres secteurs, comme le transport et le bâtiment. La ville de Chongqing a même revu à la baisse son seuil d’émissions, réduisant de 7 % le nombre de permis alloués gratuitement. Diverses solutions sont également à l’étude pour regrouper les ETS de différentes régions et créer de nouveaux marchés dans d’autres villes et provinces, comme à Hangzhou et dans l’Anhui.
Cette expansion des marchés du carbone en Chine contraste notamment avec le recul australien sur la question de la taxe carbone temporaire, qui aurait dû se transformer en ETS cette année si le gouvernement Abbott ne l’avait pas abrogée. Aux États-Unis, le président Obama avait échoué, en 2010, à obtenir l’accord du Sénat pour un programme similaire d’échange de quotas. Les initiatives de ce type sont plus nombreuses en Chine, pays à « économie de marché socialiste », que dans ces systèmes néolibéraux.
Infrastructures et réglementation inadaptées
De nombreuses incertitudes planent cependant encore sur le système chinois. Le projet d’un ETS national, prévu pour 2015, a d’abord été repoussé à l’an prochain, avant d’être confirmé pour 2017.
Le gouvernement est bien conscient qu’il ne serait pas réaliste de l’envisager plus tôt : les infrastructures et la réglementation sont encore loin d’être adaptées ; les grands groupes ne participent pas activement au marché du carbone intérieur ; au niveau local, les administrations et les PME manquent de moyens et d’expertise pour gérer ces échanges de quotas.
Les institutions financières ont, pour leur part, manifesté de l’intérêt pour ce système, mais aussi des inquiétudes sur la taille très réduite du marché et le faible volume de transactions. C’est un problème dans la mesure où de petites villes et provinces ont, elles aussi, voulu tirer profit de leurs échanges de carbone (en conséquence de quoi certains programmes ont été abandonnés). La Chine a encore beaucoup à apprendre et bien des difficultés à surmonter avant de pouvoir bâtir un système national d’échange de quotas.
La chute de la consommation de charbon dans le pays a néanmoins permis d’établir plus facilement des seuils d’émissions. La Chine avait en effet fait preuve d’un grand scepticisme vis-à-vis de ces seuils, car ils limitent l’usage du charbon dans la production d’électricité.
Dans le même temps, les Chinois sont de plus en plus nombreux à posséder des voitures, ce qui signifie que la consommation de pétrole risque, elle aussi, d’augmenter. Le gouvernement pourrait mettre en place des mesures de limitation du trafic automobile, comme la circulation alternée. C’est d’ailleurs ce qu’il a fait en 2014 lors du sommet de la coopération économique Asie-Pacifique à Beijing, et en 2015 lors du défilé de Tiananmen. Certaines industries lourdes ont été contraintes de fermer momentanément leurs usines afin de ne pas dépasser leurs objectifs en matière d’émissions.
La taxe carbone plus efficace ?
Mais il est peut-être trop tôt pour que la Chine mette en œuvre un ETS national dès 2017, à moins de recourir à des mesures de contrôle obsolètes. Il pourrait être préférable de commencer par l’instauration d’une taxe carbone temporaire, avant de faire la transition vers un ETS.
Selon certains experts, les taxes carbone représentent une meilleure option que les ETS. En 2011, un groupe d’économistes reconnus (parmi lesquels figurait le Britannique Nicholas Stern, spécialiste du climat et auteur principal du rapport qui porte son nom) et de grands universitaires issus de groupes de réflexion officiels chinois déclarait :
[…] à ce stade du développement de la Chine, une taxe carbone est probablement l’instrument le plus fiable pour réduire les émissions de CO2, plutôt qu’un système d’échange de quotas. C’est aussi la solution que privilégient les décisionnaires chinois.
Il faudra encore beaucoup de temps à Pékin pour mettre en place un véritable marché du carbone, mais elle n’a pas droit à l’erreur. Le marché du carbone chinois, qui représente plus du quart des émissions de GES mondiales, est susceptible de changer la donne dans la lutte contre les émissions de CO2. Le poids qu’il fait peser sur la planète lui interdit d’échouer.
Alex Lo, Assistant Professor, University of Hong Kong
Traduit de l’anglais par Guillemette Allard-Bares.
La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.
Illustration: Alexander Wells pour the Guardian