Adopté par 195 délégués présents au Bourget, l’accord de Paris sur le climat est le premier accord global jamais adopté sur le sujet. D’autant qu’il fallait encore arriver à concilier des intérêts aussi antagonistes que ceux de l’Inde, de la Chine, de l’Arabie Saoudite, du Nicaragua et des Kiribati, des Etats-Unis ou de l’Union européenne, pour ne citer que quelques-unes des 195 Parties présentes lors de ce sommet international. Mais cet accord représente le début d’un chemin plus qu’un aboutissement. Il est donc la première pierre d’un processus qui risque d’être long. Et il soulève surtout une question devenue urgente, celle de la mise en oeuvre : comment conduire la révolution industrielle qu’appelle cet accord ? Nous avons une génération, 35 ans, d’ici 2050. En termes industriels, c’est demain.
L’Accord de Paris est adopté, et tous reconnaissent qu’il est historique. Le talent et le travail des équipes de négociation, la mobilisation de la diplomatie française et onusienne depuis plusieurs années, ont fait ce succès. Les attentes de la population, dont 80% ont maintenant ressenti personnellement les effets du changement climatique et en sont inquiètes, ont créé une pression suffisante sur les équipes nationales soucieuses des intérêts de leur pays pour qu’elles acceptent des compromis nécessaires à l’universalité.
Au-delà, l’action de la société civile a aussi joué un rôle en montrant que la décarbonation de l’économie est possible sans renoncer au développement humain et à la croissance économique, en particulier lors du Business & Climate Summit et dans les travaux des LPAA (1). Les entreprises ont montré la diversité des solutions disponibles, les pistes de recherche et développement. Les villes ont affirmé leurs engagements et montré les politiques qu’elles peuvent mettre en œuvre au niveau local. Innovation et coopération sont les maîtres mots de tous ces acteurs, et leur engagement est irréversible. Cette affirmation a rendu un accord ambitieux acceptable par l’ensemble de la population mondiale.
Ambitieux, l’accord l’est, considérablement. Il fixe un pic des émissions mondiales «dès que possible», ce qui signifie accélérer la réduction des émissions des pays industrialisés, pour laisser de la place aux émissions des pays émergents et en développement dont la dynamique reste de croissance. De même l’ambition d’une neutralité carbone mondiale dans le courant du siècle suggère que l’Europe atteigne cette neutralité vers 2050, les pays émergents industrialisés à cette époque et qui produisent d’ailleurs nombre de biens pour son usage – émettront encore.
En termes industriels, c’est un défi considérable, au moins pour deux raisons : industrielles et comportementales.
Le défi industriel est illustré par les LCTPI(2) du WBCSD : neuf chantiers industriels mondiaux dont le potentiel de réduction est de plus de 17-18 milliards de teqCO2 à l’horizon 2030. Leur matérialisation suppose des investissements industriels considérables ; on voit dans le cas du solaire que la capacité industrielle de production et d’installation est aujourd’hui le facteur limitant de la production photovoltaïque. Il en ira de même dans les autres domaines, si les conditions économiques permettent ce déploiement.
Le défi est aussi de conversion, et l’exemple du charbon allemand en est une illustration parfaite : comment transformer assez vite les mines et leur environnement humain et social, les centrales à charbon, les industriels qui construisent des centrales ? Dans le cas de l’automobile, les industriels existants vont-ils se transformer assez vite ou être dépassés par de nouveaux acteurs ? Ces questions s’ouvrent aujourd’hui.
Second défi : les comportements. La décarbonation ne peut pas se faire sans que les consommateurs y participent. La résolution du problème de la couche d’ozone ou des pluies acides s’est faite par une transformation industrielle que les consommateurs et citoyens n’ont pas remarquée.
Dans le cas du climat, il n’en sera pas de même : les solutions présentées durant la COP, que ce soit au Grand Palais ou au Bourget, devront être adoptées par les consommateurs.
Là aussi il faut une génération pour changer les pratiques, quand il s’agit des décisions importantes de la vie comme le choix du domicile ou les choix de mobilité qui y sont souvent associés. Peut-être encore plus pour les comportements quotidiens : il a fallu une génération, les 30 ans de 1985 à 2015, pour que l’ensemble de la population mondiale intègre le téléphone portable dans ses modes de vie au niveau mondial – et cette révolution, la communication mobile, était profondément désirée.
Deux défis que les industriels peuvent relever avec plus de confiance qu’avant l’Accord de Paris dans la détermination des pouvoirs publics et le soutien de la population… mais qui demanderont encore beaucoup d’efforts !
Claire TUTENUIT, Déléguée Générale EpE (Entreprises pour l’environnement)
(1) LPAA : le Lima-Paris Action Agenda est une initiative conjointe de la présidence péruvienne de la COP20 et de la présidence française de la COP21, du bureau exécutif du Secrétaire général de l’ONU et le secrétariat de la CCNUCC. Il vise au renforcement de l’action climatique tout au long de l’année 2015 et au-delà.
(2) Low Carbon Technology Partnership initiative, voir www.wbcsd.org
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