Regardez le monde
avec les yeux ouverts

Inscrit ou abonné ?
CONNEXION

UP', média libre
grâce à ses lecteurs
Je rejoins

rejoignez gratuitement le cercle des lecteurs de UP’

Inondations Paris

Les pluies intenses ont-elles un rapport avec le changement climatique ?

Commencez

Dans le contexte des intempéries récentes, on entend dans les médias tout et n’importe quoi sur les relations entre précipitations record et changement climatique. Comment relier un événement ponctuel, lié à la situation météorologique, et des changements sur le long terme ? Les événements météorologiques de ces derniers jours sont-ils liés au changement climatique ?

Les chercheurs en sciences du climat développent analyses, observations et simulations pour évaluer s’il y a des changements significatifs dans l’intensité ou la fréquence des événements extrêmes (ce qu’on appelle « la détection ») et le cas échéant, comprendre les causes de ces changements (ce qu’on appelle « l’attribution »). De nouvelles méthodes sont mises au point pour comprendre si la même situation météorologique aurait eu le même effet, avec ou sans réchauffement du climat.

L’augmentation de l’effet de serre, due aux activités humaines, entraîne un réchauffement des océans et de l’atmosphère, près de la surface. Ce phénomène peut renforcer l’évaporation. Une atmosphère plus chaude peut potentiellement transporter 7 % d’humidité en plus par degré de réchauffement, conformément à la relation de Clausius-Clapeyron.

Des questions restent cependant ouvertes sur la manière dont le réchauffement peut affecter la circulation atmosphérique ou les mouvements verticaux, importants pour les pluies de forte intensité.

Ce que disent le GIEC et de récents travaux

En 2013, le 5e rapport du Groupe I du GIEC rendait publique l’évaluation suivante :

  • La fréquence ou l’intensité des épisodes de fortes précipitations a probablement augmenté, au moins en Amérique du Nord et en Europe.

    Pourquoi ne pas profiter d’une lecture illimitée de UP’ ? Abonnez-vous à partir de 1.90 € par semaine.

  • Il est probable que les influences anthropiques affectent le cycle mondial de l’eau depuis 1960 : elles ont contribué aux augmentations du contenu atmosphérique en vapeur d’eau, à des changements de la distribution spatiale des précipitations sur les continents à l’échelle du globe, à l’intensification des épisodes de fortes précipitations sur les régions continentales où les données sont suffisantes et à des changements de salinité à la surface des océans.

  • Les épisodes de précipitations extrêmes deviendront très probablement plus intenses et fréquents sur les continents des moyennes latitudes et dans les régions tropicales humides d’ici la fin de ce siècle, en lien avec l’augmentation de la température moyenne en surface.

Depuis 2013, de nouveaux travaux ont été publiés. Par exemple, en 2015, une étude conduite par deux chercheurs suisses s’est appuyée sur la modélisation du climat. Leurs analyses montrent qu’aujourd’hui, avec 0,85 °C de réchauffement par rapport au XIXe siècle (principalement dû à l’influence humaine), ce réchauffement a déjà affecté 18 % des événements de précipitations intenses sur les continents (et 75 % des vagues de chaleur) : à la variabilité naturelle du climat se superpose déjà une influence humaine discernable. Pour 2 °C de réchauffement, cette proportion passerait à 40 % des événements de précipitations intenses. L’impact du réchauffement climatique sur ces événements extrêmes n’est pas linéaire et il affecte bien davantage les événements les plus intenses que les moyennes.

Un rapport complet de l’Académie des sciences américaine sur l’attribution des événements extrêmes a, pour sa part, fait le point sur les développements récents permettant d’évaluer le poids de l’influence humaine à l’échelle de l’événement, les limites des outils et méthodes, et les incertitudes associées.

Quid de la France…

Pour ce qui est de la situation hexagonale, plusieurs études se sont intéressées aux records de précipitations. Une première analyse pilotée par Robert Vautard a porté sur les records de pluies dans les Cévennes. Elle montre une nette augmentation des records d’automne dans cette région, depuis les années 1950 (+4 % par décennie) et une forte relation avec le réchauffement local.

Une autre étude de Philippe Drobinski, tout juste publiée et présentée au colloque Cordex (Coordinated Regional Climate Downscaling Experiment), montre que l’augmentation de l’intensité des précipitations extrêmes de tout le pourtour méditerranéen devrait suivre la relation de Clausius-Clapeyron (soit 7 % de plus par degré de réchauffement local), avec un rôle tout particulier du réchauffement de surface de la mer Méditerranée.

Une autre étude toute fraîche, portant sur les précipitations les plus intenses dans le sud de la France et pilotée par Juliette Blanchet, conclut à une tendance à l’augmentation sur la moitié de la région étudiée, en particulier sur les reliefs (Cévennes-Vivarais et Alès) et dans la vallée du Rhône, tout en soulignant les limites liées à la durée et la densité des observations.

Enfin, une étude sur les risques futurs relatifs aux précipitations intenses et inondations, pilotée par Philippe Roudier, combine modélisation régionale du climat et modélisation hydrologique en Europe pour un scénario modeste de réchauffement global (+2 °C). Elle conclut à une forte augmentation de l’intensité des crues décennales ou centennales (voir la figure ci-dessous). Le signal s’avère très robuste : il est commun aux 11 modèles de climat et 3 modèles hydrologiques étudiés.

Pour lutter contre la désinformation et privilégier les analyses qui décryptent l’actualité, rejoignez le cercle des lecteurs abonnés de UP’

 

Author provided

Simulation d’évolution du débit des crues décennales et centennales en Europe entre la période 1970-2000 (référence) et la période de 30 ans quand le réchauffement global atteint 2 °C dans les projections climatiques (résultat médian de 3 modèles hydrologiques forcés par 11 simulations climatiques régionales issues de différents scénarios).
En Scandinavie, la diminution des débits de crue est liée à une diminution du manteau neigeux et sa fonte printanière. Les augmentations de débit de crue dans la majeure partie de l’Europe sont liées à une intensification des évènements de fortes précipitations dans un climat plus chaud (adapté de Roudier et al, 2016). Cette étude montre aussi une augmentation du risque de sécheresse (intensité et durée) pour la France et pour le pourtours méditerranéen (non montré).

…et des pluies de printemps à Paris ?

La variabilité et l’évolution des pluies au nord de la France a récemment été analysée par Bastien Dieppois et ses co-auteurs, dans une étude publiée en 2016 et portant sur plusieurs siècles de données historiques, remontant en 1688. Elle montre une forte variabilité sur plusieurs dizaines d’années (en relation avec la variabilité des températures à la surface de l’océan Atlantique qui affecte la circulation atmosphérique), et une tendance significative à l’augmentation des pluies printanières.

La variabilité sur plusieurs décennies avait aussi été mise en évidence grâce aux travaux de Julien Boé et Florence Habets.

J’ai repris les données historiques de précipitation à Paris en mars-avril-mai (cumul sur trois mois) à partir du travail de Vicky Slonosky et je les ai complétées jusqu’en 2016 avec les données Météo France.

 

Author provided

Précipitations de printemps (cumul de mars, avril et mai) à Paris : données pour chaque année (trait fin) et lissées sur 31 ans (trait bleu foncé), à partir de données météorologiques historiques (Slonosky et al, 2002) et des observations de Météo France. Le niveau moyen des précipitations de printemps au XXe siècle est indiqué par la ligne horizontale pointillée. Des études en cours portent sur les précipitations extrêmes (cumul sur 1-3 jours).

La figure montre à quel point ce printemps a été exceptionnellement arrosé depuis 1688, même en moyenne sur trois mois. Notez aussi à quel point le printemps 2011 avait été exceptionnellement sec. En moyenne, pour les 30 dernières années, l’Île-de-France reçoit 15 % de pluies en plus au printemps par rapport à la moyenne du XIXe siècle.

D’autres analyses à venir

Il faudra un peu de temps pour que les chercheurs qui développent ces méthodes puissent analyser les événements de forte pluie de ces derniers jours, mais il semble que de nombreux records de précipitations aient été dépassés comme l’indique Météo France, dans un contexte également de températures de surface élevées sur l’océan Atlantique au voisinage de l’Europe.

Des analyses approfondies combinant observations et simulations numériques seront nécessaires pour discerner une éventuelle influence humaine dans l’intensité de ces pluies ponctuelles, ainsi que dans l’augmentation séculaire des précipitations printanières dans le nord de la France.

Ces éléments demandent néanmoins de prendre en compte le risque d’une augmentation de l’intensité des pluies record pour la gestion de l’écoulement des eaux, en protégeant les zones humides pour bénéficier de leur effet « tampon ». Cela s’ajoute à tous les autres aspects de gestion de l’écoulement des eaux en relation avec les plans d’urbanisation et de préparation aux événements rares.

Je voudrais terminer cet article par une réflexion sur ce que nous voulons protéger. La Convention internationale sur les droits des enfants indique que l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale. Les enfants sont particulièrement vulnérables aux aléas naturels et aux conséquences du changement climatique ; il est essentiel de les en protéger.

La planification de l’adaptation au changement climatique et aux événements extrêmes comme les inondations devrait être centrée sur les besoins des enfants : par exemple, les écoles devraient être construites pour résister aux aléas climatiques, pour assurer la continuité de l’éducation. Rien que dans les vallées de l’Yvette et de l’Orge, tout près de l’Université Paris-Saclay, des dizaines d’écoles maternelles, primaires, collèges, lycées, et l’Université Paris-Sud ont été fortement touchés. Il y a du pain sur la planche.

Valérie Masson-Delmotte, Chercheuse en sciences du climat, Laboratoire des sciences du climat et de l’environnement, directrice de recherche au CEA (Commissariat à l’énergie atomique), Université Paris-Saclay

Valérie Masson-Delmotte a récemment publié : « Parlons climat en 30 questions »« Le climat, la Terre et les hommes » et « Sommes-nous bientraitants avec nos enfants ? ».

La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.

The Conversation

Nous avons un message pour vous…

Dès sa création, il y a plus de dix ans,  nous avons pris l’engagement que UP’ Magazine accordera au dérèglement climatique, à l’extinction des espèces sauvages, à la pollution, à la qualité de notre alimentation et à la transition écologique l’attention et l’importance urgentes que ces défis exigent. Cet engagement s’est traduit, en 2020, par le partenariat de UP’ Magazine avec Covering Climate Now, une collaboration mondiale de 300 médias sélectionnés pour renforcer la couverture journalistique des enjeux climatiques. En septembre 2022, UP’ Magazine a adhéré à la Charte pour un journalisme à la hauteur de l’urgence écologique.

Nous promettons de vous tenir informés des mesures que nous prenons pour nous responsabiliser à ce moment décisif de notre vie. La désinformation sur le climat étant monnaie courante, et jamais plus dangereuse qu’aujourd’hui, il est essentiel que UP’ Magazine publie des rapports précis et relaye des informations faisant autorité – et nous ne resterons pas silencieux.

Notre indépendance éditoriale signifie que nous sommes libres d’enquêter et de contester l’inaction de ceux qui sont au pouvoir. Nous informerons nos lecteurs des menaces qui pèsent sur l’environnement en nous fondant sur des faits scientifiques et non sur des intérêts commerciaux ou politiques. Et nous avons apporté plusieurs modifications importantes à notre expression éditoriale pour que le langage que nous utilisons reflète fidèlement, mais sans catastrophisme, l’urgence écologique.

UP’ Magazine estime que les problèmes auxquels nous sommes confrontés dans le cadre de la crise climatique sont systémiques et qu’un changement sociétal fondamental est nécessaire. Nous continuerons à rendre compte des efforts des individus et des communautés du monde entier qui prennent courageusement position pour les générations futures et la préservation de la vie humaine sur terre. Nous voulons que leurs histoires inspirent l’espoir.

Nous espérons que vous envisagerez de nous soutenir aujourd’hui. Nous avons besoin de votre soutien pour continuer à offrir un journalisme de qualité, ouvert et indépendant. Chaque abonnement des lecteurs, quelle que soit sa taille, est précieux. Soutenez UP’ Magazine à partir d’1.90 € par semaine seulement – et cela ne prend qu’une minute. Merci de votre soutien.

Je m’abonne →

S’abonner
Notifier de

0 Commentaires
Les plus anciens
Les plus récents Le plus de votes
Inline Feedbacks
View all comments
Inondations
Article précédent

L’ampleur des inondations est accentuée par la dégradation des sols agricoles

pollution atmosphérique
Prochain article

6 à 9 millions de morts à cause de la pollution de l'air

Derniers articles de Climat

REJOIGNEZ

LE CERCLE DE CEUX QUI VEULENT COMPRENDRE NOTRE EPOQUE DE TRANSITION, REGARDER LE MONDE AVEC LES YEUX OUVERTS. ET AGIR.
logo-UP-menu150

Déjà inscrit ? Je me connecte

Inscrivez-vous et lisez trois articles gratuitement. Recevez aussi notre newsletter pour être informé des dernières infos publiées.

→ Inscrivez-vous gratuitement pour poursuivre votre lecture.

REJOIGNEZ

LE CERCLE DE CEUX QUI VEULENT COMPRENDRE NOTRE EPOQUE DE TRANSITION, REGARDER LE MONDE AVEC LES YEUX OUVERTS ET AGIR

Vous avez bénéficié de 3 articles gratuits pour découvrir UP’.

Profitez d'un accès illimité à nos contenus !

A partir de 1.70 € par semaine seulement.

Profitez d'un accès illimité à nos contenus !

A partir de $1.99 par semaine seulement.
Partagez
Tweetez
Partagez
WhatsApp
Email
Print