Quelques jours après la COP 22, la Commission européenne a publié le 30 novembre ses propositions législatives (son “Paquet d’hiver”) comprenant la révision des directives sur les énergies renouvelables, l’efficacité énergétique, la gouvernance énergétique, ainsi que sur le marché de l’énergie pour l’après 2020. Des textes cruciaux qui serviront de boussole dans la mise en œuvre de la transition énergétique en Europe et sur lesquels certaines associations, comme la Fondation Nicolas Hulot, émettent d’importantes réserves.
La Commission européenne vient de présenter un « paquet » de propositions de modifications de directives relatives à l’énergie. Un ensemble qui actualise les objectifs et moyens définis en 2009. En octobre 2014, le Conseil européen a approuvé le cadre d’action de l’UE en matière de climat et d’énergie à l’horizon 2030, qui fixe les objectifs d’au moins 40% de réduction des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030, de 27 % pour la part d’énergies renouvelables et de 27 % pour l’amélioration de l’efficacité énergétique.
La Commission avait déjà présenté certaines propositions, notamment en 2015 avec sa proposition de réforme du système d’échange de quotas d’émissions (SEQE). A l’été 2016, la Commission a présenté plusieurs propositions visant à accélérer la transition vers de faibles émissions de carbone dans certains secteurs. Des propositions législatives relatives à l’organisation du marché de l’électricité, à l’efficacité énergétique, aux énergies renouvelables et à la gouvernance de l’union de l’énergie. Ce « paquet européen sur l’énergie propre » vise à compléter ce cadre juridique.
Ayant pris connaissances des différents projets de directives, la Fondation Nicolas Hulot avec le Réseau Action Climat, le WWF France, France Nature Environnement et le CLER, dénoncent le cap fixé par la Commission européenne, incompatible avec celui donné par l’accord de Paris. Manque d’ambition sur les directives, échec du marché carbone, incapacité à investir massivement dans la transition, difficulté à garantir une transition juste, politique commerciale non climato-incompatible, la Commission s’apprête à plonger son système énergétique dans le formol, faute d’accord sur la formule d’une transition réussie.
L’Europe est-elle réellement prête à tirer un trait sur les bénéfices économiques et les emplois qu’apporterait un leadership fort dans la transition énergétique, dans l’espoir de préserver une économie fossilisée ?
Pour tenir l’objectif de limiter le réchauffement climatique sous les 1,5°C, l’Union Européenne doit accélérer ses investissements dans les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique. Pour cela, il faut un cap clair avec des objectifs ambitieux et des règles cohérentes. C’est tout le contraire que se proposent de faire ces projets de directives sur les énergies renouvelables : en fixant un objectif de seulement 27 % de renouvelables en 2030 (l’Europe atteindrait 24 % sans nouvelles politiques), en menaçant de supprimer l’accès prioritaire au réseau et certains mécanismes de soutien pour ces énergies, en autorisant les subventions déguisées aux énergies fossiles et en n’adoptant pas les règles de gouvernance adéquates.
Sur l’efficacité énergétique, il faudrait viser 40 %, et non 30 %, à horizon 2030. Si le texte est moins mauvais sur ce point, il ne permet pas d’avancées sur des questions clés : le financement de la rénovation énergétique, l’introduction d’objectifs sectoriels contraignants ou encore la séparation contractuelle entre fourniture d’énergies et services d’efficacité énergétique. Enfin sur les transports, considérer que les agrocarburants de première génération devraient contribuer à 3,8 % de l’objectif d’énergies renouvelables global est une aberration, compte tenu de leur impact néfaste lié au changement d’affectation des sols indirect. L’UE devrait au contraire prévoir d’en sortir à horizon 2030.
Les financements pour la transition énergétique et le climat peinent à devenir une priorité au niveau européen, notamment dans le cadre du Plan Juncker, dont l’objectif de consacrer 20% des investissements au climat semble aujourd’hui hors d’atteinte et l’objectif de consacrer 20% de ses dépenses au climat à horizon 2020 est encore loin. La réforme engagée du marché du carbone EU-ETS risque fort de se résumer à un coup d’épée dans l’eau. La politique commerciale, à l’image du CETA UE-Canada, demeure incompatible avec l’accord de la COP21, plutôt que de se mettre à son service en contribuant à accélérer une transition juste.
Aujourd’hui, l’Union Européenne doit choisir : réformer en profondeur sa politique pour saisir les opportunités du monde de demain ou se condamner à subir la fin du monde d’hier. En un mot : accord de Paris, cap ou pas cap ?
Pour aller plus loin, voici la réaction détaillée des ONG suite à la lecture des propositions législatives faites par la commission européenne.
(Source : Fondation Nicolas Hulot – 02/12/2016)
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