L’explorateur et photographe chilien, Cristian Donoso, a passé plus de deux décennies à parcourir les étendues sauvages de la Patagonie, de l’Antarctique et de l’Arctique pour capturer des images montrant les impacts du changement climatique. Dans le cadre de l’initiative mondiale « Call to Earth » pour créer un avenir durable, CNN met à l’honneur cet explorateur de l’extrême qui consacre pleinement sa vie à nous sensibiliser à travers son art pour mieux communier avec la nature, mais aussi pour nous alerter et nous faire prendre conscience des conséquences du changement climatique, même dans les lieux les plus reculés de notre planète.
La carrière d’explorateur de Cristian Donoso a débuté en 1996 dans les montagnes accidentées, les glaciers imposants et les fjords balayés par les vents de Patagonie, où le défi de survivre lui a donné un amour profond du paysage.
« Lorsque vous êtes en expédition, vous devez être en contact étroit avec la nature, ouvrir vos sens au maximum, car votre survie en dépend« , explique Cristian Donoso. « Et dans cette survie, vous êtes profondément conscient du monde naturel, vous vous émerveillez, et votre âme vous dit que c’est extraordinaire« .
Navigateur, alpiniste et cinéaste primé, Donoso a monté plus de 50 expéditions dans certains des endroits les plus reculés et les plus intacts de la planète. Il minimise les émissions de carbone et l’impact environnemental de ses voyages en utilisant des moyens de transport humains et éoliens, comme le voilier, le kayak et les skis.
En janvier, Donoso s’est embarqué sur « Forgotten Footsteps », une expédition retraçant le voyage de l’explorateur et artiste Rockwell Kent (1882-1971) (1) du début du XXe siècle en Terre de Feu, en Patagonie. Les peintures américaines des montagnes enneigées et des majestueux glaciers de la région contrastent fortement avec les images de Donoso sur les mêmes paysages aujourd’hui, où le réchauffement climatique a considérablement modifié les pics et fjords glacés.
Les champs de glace de la Patagonie, qui s’étendent sur des centaines de kilomètres à travers les montagnes andines, au Chili et en Argentine, constituent la plus grande masse de glace de l’hémisphère sud, en dehors de l’Antarctique. Selon la NASA, elles fondent rapidement, ce qui contribue à l’élévation du niveau des mers : Les forêts, les prairies, les déserts et les montagnes font tous partie du paysage patagonien, qui s’étend sur plus d’un million de kilomètres carrés (environ 386 000 miles carrés) d’Amérique du Sud. Vers l’ouest, des étendues de glace dense et compacte – les champs de glace de Patagonie – s’étendent sur des centaines de kilomètres au sommet de la cordillère des Andes, au Chili et en Argentine.
Les lobes nord et sud du champ de glace de Patagonie sont ce qui reste d’une couche de glace beaucoup plus importante qui a atteint sa taille maximale il y a environ 18 000 ans. Bien qu’ils ne représentent qu’une fraction de leur taille précédente, les champs de glace modernes restent la plus grande étendue de glace de l’hémisphère sud en dehors de l’Antarctique. Mais des changements rapides sont en cours. « En fait, ils fondent à un rythme parmi les plus élevés de la planète », déclare le glaciologue Eric Rignot, du Jet Propulsion Laboratory de la NASA et à l’Université de Californie-Irvine.
Les eaux de fonte du champ de glace de Patagonie contribuent à l’élévation du niveau de la mer. Cette contribution est inférieure à celle qui viendra du Groenland et de l’Antarctique, mais les scientifiques prévoient de continuer à étudier la région depuis l’espace, depuis les airs et depuis le sol. Selon Eric Rignot, « Comprendre l’évolution de ces glaciers nous aide à comprendre à quoi pourraient ressembler les glaciers du Groenland et de l’Antarctique dans un climat beaucoup plus chaud à l’avenir« .
La glace qui disparaît
En 2018, la série des « cartes postales de glace » de Donoso l’a emmené dans certains des endroits les moins accessibles de Patagonie. Il a suivi les traces du pionnier missionnaire italien Alberto Maria de Agostini (1883 – 1960), un explorateur prolifique qui a documenté les glaciers de la Cordillère Darwin (une chaîne de montagnes nommée d’après le biologiste britannique Charles Darwin) en Terre de Feu, il y a plus d’un siècle. Les archives de De Agostini contiennent plus de 11 000 photographies de la Patagonie.
Donoso et Alfredo Pourailly, partenaire de l’expédition, ont retrouvé les emplacements exacts de 10 des images de De Agostini et les ont reproduites à la même époque de l’année afin de saisir les mêmes conditions saisonnières. Ils ont choisi des images d’endroits particulièrement éloignés que très peu de gens auraient visités depuis les expéditions de De Agostini.
Ce qu’ils ont trouvé était au-delà de leurs pires craintes. « C’était beaucoup plus dramatique que ce que nous pensions« , alerte Donoso.
« Des lieux que nous n’avons pas encore vraiment compris, que nous n’avons pas explorés, que nous n’avons pas photographiés ou que nous n’avons pas encore cartographiés ont été profondément marqués par l’homme« , précise-t-il. « Le monde est beaucoup plus petit que nous ne le pensons. »
Communion avec la nature
Donoso affirme que le fait d’accéder à des endroits éloignés avec des moyens minimaux lui permet de se sentir « libre et immensément heureux ». Ces voyages sont des prouesses d’endurance physique, mais ils suscitent une profonde communion spirituelle avec la nature. « Tout dans notre conformation physique et cognitive a été déterminée par notre contact avec la nature« , souligne Donoso. « Le retour à la nature nous permet de découvrir qui nous sommes vraiment. »
Donoso reconnaît qu’il partage la même passion que les naturalistes des XIXe et XXe siècles qui ont inspiré son travail. Mais le monde qu’il étudie est très différent. Son objectif est de sensibiliser et d’éduquer les gens sur l’impact du réchauffement climatique dans des endroits éloignés : « Par l’art, par la vision de la photographie, nous offrons une perspective plus claire, avec un message très direct et sensible« .
Le message des « cartes postales de glace » semble clair : les calottes glaciaires de Patagonie fondent à une vitesse alarmante. Donoso et Pourailly ont l’intention d’achever la deuxième partie du projet dans le courant de l’année. Donoso espère qu’en révélant les destructions causées par le changement climatique dans des régions reculées du monde, il pourra catalyser le changement. « Personne ne se battra pour protéger des choses dont il n’est pas conscient« , dit-il.
Hazel Pfeifer, CNN
Stefanie Blendis, Vidéo CNN
Cet article est publié dans le cadre de l’initiative Call to Earth de CNN International dont UP’ est partenaire média. Cette initiative est destinée à rendre compte des défis environnementaux auxquels notre planète est confrontée, ainsi que des solutions.
(1) Auteur notamment de « Wilderness, a journal of quiet aventure in Alaska »
Pour aller plus loin :
- Livre « En Patagonie », de Bruce Chatwin – Edition Grasset, 1979
- Lire les œuvres de Luis Sepùlveda – Reécouter entretien sur France Culture en juin 2017.
- Livre « Faux calme. Voyage dans les villes fantômes de Patagonie », de Maria Sonia Cristoff, traduit de l’espagnol (Argentine) par Anne Plantagenêt – Editions du Sous-sol, 2018
- Livre « Patagonie route 203« , d’Eduardo Fernando Varela – Edition Métailié, août 2020 (Meilleur roman hispanophone du prix Transfuge 2020)