« Make our planet great again ». Cette formule, envoyée par Emmanuel Macron comme un pied de nez à la barbe d’un Trump déserteur de la bataille pour le climat ne restera-t-elle qu’un mot ? Il ne semble pas. Le président français a décidé de revêtir l’uniforme de Général en chef de la guerre pour le climat et la défense de l’environnement. Il a réuni son État-major pour définir les axes stratégiques de l’offensive, les mesures tactiques et mobiliser les troupes.
Ce mardi 6 juin, Emmanuel Macron réunissait à l’Élysée ses ministres de la transition écologique et solidaire (Nicolas Hulot), de l’Europe et des affaires étrangères (Jean-Yves Le Drian) et de l’enseignement supérieur et de la recherche (Frédérique Vidal), une vingtaine de représentants de la société civile : des responsables d’ONG environnementales, des scientifiques à l’instar de Jean Jouzel et d’Hervé Le Treut, les économistes Alain Grandjean et Christian de Perthuis, l’historienne Amy Dahan, le directeur général de l’Agence française du développement Rémy Rioux, un certain nombre d’entrepreneurs soigneusement choisis… Un sommet en forme de conseil de guerre pour lancer l’offensive sur le climat, réuni cinq jours à peine après le retrait des États-Unis de l’accord de Paris qui a provoqué un électrochoc et une recomposition des alliances.
Le chef de l’État a annoncé son intention de « prendre des initiatives fortes » sur le climat et la transition énergétique dans les prochaines semaines et les prochains mois, notamment avec Berlin. L’idée étant, selon des sources diplomatiques françaises, d’aboutir à des annonces au G20 des 7 et 8 juillet, ou au conseil des ministres franco-allemand du 13 juillet.
« On ne peut pas rentrer dans l’avenir à reculons, les faits sont là, ce sont des faits, ce ne sont pas des croyances », a dit le ministre de la Transition écologique. « Même s’il y a encore des sortes d’ultimes résistances sur ces sujets-là, le monde économique, la société de demain est en marche et nous nous voulons être dans le wagon de tête et pas dans le wagon de queue », a-t-il conclu.
« L’objet de cette réunion est d’affirmer la mobilisation et de faire en sorte d’utiliser tout l’écosystème qui existe notamment en France pour renforcer notre détermination et nos propres ambitions », a expliqué Nicolas Hulot à la presse à l’issue des échanges. « Nous allons faire la démonstration très rapidement que la contrainte climatique peut être un potentiel incroyable de relance économique », a-t-il ajouté. Le ministre de la transition écologique est appelé à jouer un rôle important dans le dispositif offensif, mais c’est le chef de l’État qui supervisera les opérations.
« Le président de la République a annoncé vouloir aller vite et plus loin dans la lutte contre les changements climatiques et publier une feuille de route du gouvernement, d’ici 15 jours » a réagi Morgane Créach, la directrice du Réseau Action Climat (RAC) au journal Le Monde. Elle poursuit : « Nous serons vigilants à ce que les chantiers essentiels de la lutte contre les changements climatiques y figurent : les transports, la rénovation des logements, la fiscalité, l’agriculture et l’alimentation, la transition vers les renouvelables. »
Donnant manifestement des gages aux ONG environnementales, Emmanuel Macron s’est, selon Morgane Créach « engagé à soutenir l’instauration d’une taxe sur les transactions financières au niveau européen. Cela pourrait être finalisé d’ici juillet ». Ce projet de « taxe Tobin » est discuté par une dizaine de pays depuis des années mais est jusqu’ici resté dans les cartons. Tout ou partie de cette taxe pourrait servir à financer la transition énergétique en Europe et à aider des pays en développement à opter pour les énergies vertes.
Alors que les recettes estimées de TTF s’élèveraient annuellement à 22 milliards d’euros au niveau européen, Claire Fehrenbach, directrice générale d’Oxfam France, déclare au Monde que son organisation « suivra de près la concrétisation de cette annonce ».
La feuille de route promise par le président Macron comprendra des engagements sur l’interdiction des nouveaux permis de recherche d’hydrocarbures, la rénovation énergétique des bâtiments, notamment publics, la révision de la taxe carbone, ainsi que la fiscalité du diesel, a précisé l’Élysée.
Sur d’autres sujets abordés par les ONG lors de la rencontre, les intentions sont restées plus floues, comme par exemple sur le nucléaire et la manière de faire baisser sa part dans la production d’électricité à 50% à l’horizon 2050. Pas d’indication non plus sur l’évolution de la taxe carbone (« contribution carbone ») qui doit atteindre 56 euros la tonne en 2020, selon la loi sur la transition énergétique, contre 30 aujourd’hui.
Les associations ont aussi défendu une suspension de la mise en œuvre provisoire du Traité de libre-échange avec le Canada (Ceta), qu’elles estiment « non compatible » avec l’accord de Paris. Elles attendent aussi des précisions sur les États généraux de l’alimentation, inscrits dans le programme d’En Marche. « Il n’est pas question que cela se fasse sans les ONG », ont-elles prévenu.
En écho aux propos tenus par Emmanuel Macron après l’annonce de Donald Trump, Nicolas Hulot a annoncé l’ouverture dans les prochains jours d’un site internet pour attirer les chercheurs et les acteurs économiques désireux de participer à la transition écologique, énergétique et climatique.
L’idée est de « créer toutes les conditions pour faciliter l’accueil de ces chercheurs, y compris de nos propres chercheurs qui parfois se sont exilés pour un certain nombre de raisons et nous serions excessivement ravis de pouvoir créer les meilleures conditions pour qu’ils puissent nourrir la recherche dans ces sujets », a dit Nicolas Hulot.
Les scientifiques ont accueilli cette mesure avec beaucoup d’espoir mais aussi un sentiment dubitatif. Le climatologue Jean Jouzel a ainsi déclaré au journal Le Monde : « Nous sommes tous d’accord que cette initiative peut s’avérer importante pour l’emploi et la recherche, mais il ne faudrait pas qu’elle soit financée avec d’autres lignes de crédit de la recherche. » La question du financement de cette mesure est la pierre d’achoppement de cette bonne idée. Comment attirer des chercheurs, notamment américain, quand on sait qu’ils sont environ quatre fois plus payés que les chercheurs français ? Une équation que le président Macron devra impérativement résoudre tant la recherche est la clé de toutes les batailles pour le climat.
Sources : AFP, Reuters
Image d’en-tête : photo Thomas Pesquet depuis l’ISS
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