Nicolas Hulot, ministre de la Transition écologique et solidaire, a présenté jeudi 6 juillet le Plan climat de la France. Au-delà des annonces qui ont fortement retenu l’attention, comme l’objectif de neutralité carbone d’ici 2050 et la fin des ventes de voitures diesel et essence en 2040, le plan français ouvre de nombreux chantiers qui doivent se traduire – dans les mois à venir – par des mesures et actions plus concrètes. Dans ce billet, l’Iddri se concentre sur quatre de ces chantiers et fait des propositions pour les faire avancer.
Parallèlement à la mobilisation de la France sur son territoire, le Plan climat réaffirme la mobilisation de son appareil diplomatique auprès de l’Europe et de la Communauté internationale pour mettre en œuvre l’Accord de Paris et confirmer la solidarité avec les pays les plus vulnérables. Quatre objectifs sont indiqués en ce sens : relever, d’ici à 2020, l’ambition des pays pour répondre à l’objectif de maintien du réchauffement en-dessous de 1,5°C/2°C ; pérenniser la gouvernance de l’Agenda de l’action, regroupant les engagements des acteurs non-étatiques ; reconstituer l’engagement de financement de l’accompagnement des pays en développement pris dans le cadre de l’Accord de Paris et mobiliser effectivement les 100 milliards de dollars annoncés pour 2020 ; et promouvoir les initiatives internationales innovantes et ambitieuses, notamment l’Alliance solaire internationale et les initiatives au profit de l’Afrique.
De manière transversale à l’ensemble de ces sujets, il convient de souligner l’importance de la mise en œuvre de l’objectif global d’adaptation, acté par l’Accord de Paris comme indissociable de l’objectif d’atténuation. Pour opérationnaliser cet objectif, qui concerne tous les pays et en premier lieu les pays vulnérables, il convient de se mettre d’accord à l’échelle internationale sur ce qu’« adaptation » veut dire et de définir une série de critères pour mesurer les progrès aux échelles nationales afin de permettre un bilan global.
Emmanuel Macron a annoncé à l’issue du G20 la tenue d’un Sommet climat à Paris le 12 décembre 2017. Un mois après la COP23, qui doit notamment permettre d’avancer significativement sur la mise en place des outils et règles de l’Accord de Paris, ce sera une occasion supplémentaire de maintenir l’attention politique sur l’ensemble de ces sujets.
Le jalon suivant sur le calendrier international sera le Sommet des acteurs non étatiques de 2018, en Californie. Dans un sens comme dans l’autre, l’échange entre États et acteurs non-étatiques doit être privilégié pour renforcer mutuellement la confiance dans l’inéluctabilité de la transformation vers une économie décarbonée et résiliente, l’existence de leviers pour opérer cette transformation, et l’engagement de tous en ce sens. La participation du Président de la République au Sommet de Californie serait un signal positif.
L’ensemble de ces discussions doit ensuite participer à faire du « dialogue de facilitation » de 2018 un bilan global honnête et constructif, fondé sur les résultats mais aussi sur les actions mises en place ou pas et sur les leviers additionnels à utiliser, dans l’objectif que les États s’engagent, lors de la COP24, à relever l’ambition climatique d’ici à 2020.
Le Plan climat s’inscrit en premier lieu dans une dynamique de renforcement des engagements climatiques de l’Union européenne. Pour cela, la France place notamment l’accent sur l’adoption rapide par l’UE d’une stratégie de décarbonation profonde de long terme et – afin d’être exemplaire – de faire de même en France avec la révision accélérée de la stratégie nationale bas carbone et de la programmation pluriannuelle de l’énergie qui devront être alignées sur le nouvel objectif de neutralité carbone à l’horizon 2050. Ces stratégies de long terme sont des plus utiles car elles permettent de confronter les décisions de court terme aux changements structurels nécessaires à long terme ; elles peuvent par ailleurs constituer la base d’un dialogue fructueux entre États membres et avec les parties prenantes.
Mais pour que l’UE soit également en mesure de relever l’ambition de son engagement d’ici à 2020, il faudra également faire évoluer sa gouvernance sur les questions climat-énergie, sujet malheureusement non mentionné dans le Plan climat. Le système actuel est en effet toujours fondé sur un partage de l’effort, négociation longue et douloureuse, qui fixe des objectifs à 10 ans. Alors que l’Accord de Paris suppose de les réviser tous les 5 ans, le rythme des discussions européennes sur le climat devrait être synchronisé sur celui de l’Accord de Paris.
Par ailleurs, les négociations entre États membres – pendant lesquelles les pays se « partagent » l’engagement défini au niveau de l’UE – pourraient être facilitées en renversant l’approche et en faisant ce qui a bien fonctionné en amont de la COP21 : des contributions nationales des États membres, détaillées et discutées entre États membres au niveau européen pour garantir leur ambition et identifier des besoins de coopération.
La coopération entre États membres sera précisément un autre axe à développer. De manière étonnante, le Plan climat évoque peu l’importance de renforcer l’alliance franco-allemande en faveur de la transition énergétique. Cette alliance pourrait pourtant avoir un fort effet d’entraînement au sein de l’Union européenne. Parmi les autres thèmes propices, une alliance sur le thème de la transition juste pour les salariés et territoires en reconversion, notamment ceux dépendant du charbon, pourrait constituer un terrain de coopération intéressant. Au même titre que les alliances pour le déploiement de technologies, un investissement doit être fait pour développer les capacités et pouvoir au mieux anticiper et accompagner les transitions.
Le Plan climat reprend et développe les dispositions à mettre en œuvre pour réduire significativement l’empreinte du parc bâti. Des précisions doivent encore être apportées pour que les résultats soient à la hauteur des ambitions. En comparaison, la problématique du secteur des transports a jusqu’ici été relativement mal appréhendée et il est heureux que le Plan climat en fasse une priorité. Ce plan liste quelques mesures concrètes comme la convergence fiscale entre l’essence et le diesel, et renvoie une grande partie des modalités pratiques aux prochaines Assises de la mobilité.
Ces Assises feront une place importante aux transports du quotidien : c’est effectivement important. Il faudrait également qu’elles aboutissent à de nouvelles mesures pour favoriser le déploiement des véhicules électriques, déploiement insuffisant aujourd’hui, tout en ayant comme objectif de long terme de ne plus avoir besoin de subventions dédiées. À court terme, afin de créer un marché de niche en forte expansion, les subventions pourraient être renforcées et des obligations introduites pour les flottes de véhicules d’entreprises. À moyen terme, le marché du crédit automobile pourra assumer le surcoût des véhicules électriques, mais les modalités de la « prime à la transition » annoncées dans le Plan climat devront être précisées pour favoriser le marché d’occasion et l’accessibilité des ménages modestes à la motorisation électrique.
Enfin, les futurs projets de loi de finances devront prendre acte de la future baisse des recettes des taxes sur les produits pétroliers, qui atteindra rapidement plusieurs milliards d’euros par an. Cette baisse pourrait être compensée en partie par la hausse de la fiscalité sur le diesel et celle de la contribution climat-énergie, mais d’autres bases fiscales doivent être explorées, telles que la possession d’un véhicule ou l’annualisation du bonus-malus.
Par ailleurs, le gouvernement devra soutenir l’innovation dans le domaine de la mobilité. Au croisement du numérique et de l’écologie, des innovateurs révolutionnent nos moyens de déplacement (covoiturage, autopartage, véhicule autonome) et tentent de devenir les leaders mondiaux de la mobilité de demain. Ces entreprises innovantes devront être soutenues, notamment par le Fonds pour la mobilité durable annoncée dans le Plan climat. Mais plus que d’argent, ces innovateurs ont également besoin de partenariats d’expérimentation avec des villes et des territoires, partenariats qu’ils peinent à nouer aujourd’hui.
Le gouvernement devrait considérer le lancement d’une stratégie nationale pour la transition numérique et écologique, mettant notamment l’accent sur l’expérimentation, et ouverte aussi bien aux acteurs de la mobilité qu’à ceux de l’énergie, de l’économie circulaire ou du financement participatif.
Lutte contre les passoires thermiques, hausse du chèque énergie, contrat de transition écologique, prime à la transition pour aider les ménages modestes à changer de véhicule… Le Plan climat a commencé à traduire la priorité donnée aux enjeux sociaux de la transition climatique et qui se retrouvait déjà dans l’intitulé même du ministère de Nicolas Hulot. C’est une avancée importante.
Deux points mériteront néanmoins une attention particulière dans la mise en œuvre effective de ces mesures. Tout d’abord, le contrat de transition écologique devra non seulement améliorer l’accompagnement social des salariés des sites amenés à fermer (charbon, raffinage, nucléaire), mais aussi protéger les salariés des nombreux sous-traitants, souvent des PME. Par ailleurs, l’histoire de la sortie du charbon à travers l’Europe démontre l’importance d’accompagner – au-delà des individus – les territoires accueillant ces sites, et en particulier les territoires les plus fragiles économiquement.
Deuxièmement, les actions annoncées contre la précarité énergétique dans le logement devraient être complétées par une stratégie nationale de lutte contre la précarité liée à la mobilité. 7 % des français doivent restreindre leurs déplacements pour des questions de coût, un obstacle majeur dans la vie de tous les jours et en particulier pour ceux en recherche d’emploi. Une telle stratégie pourra s’appuyer sur les nombreuses entreprises innovantes et les collectivités déjà mobilisées sur ce sujet. Au-delà du soutien à l’achat de véhicules propres pour les ménages modestes, elle pourrait par exemple soutenir les expérimentations en matière de mobilité collaborative.
Damien Demailly, Coordinateur du programme Nouvelle Prospérité IDDRI
Nicolas Berghmans, Chercheur Energie-Climat IDDRI
© Blog IDDRI 13/07/2017
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