La COP23, qui s’ouvre à Bonn ce lundi 6 novembre jusqu’au 17 novembre, intervient après une nouvelle année de phénomènes météorologiques extrêmes, dont les impacts ont encore battu des records historiques – à l’image des inondations en Asie centrale et du Sud ou de la récente série d’ouragans en Amérique du Nord et dans les Caraïbes. L’IDDRI (Institut du développement durable et des relations internationales) présente dans son dernier édito les enjeux de l’événement : avancer sur une urgente et délicate mise en œuvre de l’accord de Paris.
Pour la première fois, un État insulaire, la République des Fidji, va présider la COP. Compte tenu du contexte particulier et de l’incertitude quant aux futurs flux financiers, on peut s’attendre à ce que Fidji mette l’accent sur des questions chères aux coalitions telles que le Climate Vulnerable Forum, qui préconise un « paquet solidarité » englobant des questions étroitement liées telles que le financement, l’adaptation, le renforcement des capacités et les pertes et dommages. Si la solidarité est symboliquement importante, la présidence fidjienne aura la lourde tâche de conserver l’esprit constructif et le cadre d’unité qui ont présidé à l’Accord de Paris, en dépit de la tentation qu’auront certains de faire resurgir d’anciennes divisions.
Cette tâche relève d’une délicate diplomatie climatique, que l’Union européenne devra également mener, car la confiance entre les pays en développement vulnérables et les pays développés est la clé d’une plus grande ambition.
Même si cela n’a pas été une surprise, l’annonce du retrait des États-Unis de l’Accord de Paris a été un choc qui a largement dépassé la communauté climatique et a joué un rôle mobilisateur, et même catalyseur, en matière d’actions en faveur du climat mises en œuvre par toute sorte d’acteurs, des nations aux individus, des villes aux entreprises. Si la plupart des pays ont refusé ensemble de renégocier l’accord et ont réaffirmé la nécessité d’une action forte en faveur du climat et d’une gouvernance globale, il reste à voir comment la première COP après l’annonce du retrait américain assimilera et traduira ces déclarations de bonne volonté en actions climatiques concrètes. Espérons que Donald Trump n’a pas abaissé la barre au point que le fait d’être « ambitieux » ne se limite pas désormais à simplement rester dans l’accord de Paris. Car les scientifiques nous le répètent plus que jamais, ce serait loin d’être suffisant si nous voulons que nos objectifs de température restent à notre portée.
Étant donné les attentes réduites que suscite la COP23 en termes de résultats, l’attention du monde se détournera sans aucun doute de ce qui se passe dans la zone Bula (zone bleue) – consacrée aux négociations – pour se porter plus que d’habitude sur la zone Bonn (zone verte) – qui mettra l’accent sur le Plan mondial d’action pour le climat.
Cette année, les principaux signes de l’avancement des politiques climatiques mondiales pourraient ne pas venir des débats intergouvernementaux mais plutôt des coalitions volontaires de gouvernements, de la société civile et des acteurs économiques. Tout le monde sera à l’affût d’une réémergence du leadership climatique, mais de manière décentralisée, car les pays ne sont plus désormais son unique incarnation.
L’Union européenne a été plus active dans le cadre de l’Agenda de l’action que dans celui des négociations, même si l’un de ses États membres (la Pologne) présidera la COP l’année prochaine. Les leaders infranationaux occupent le premier plan, à l’image du gouverneur de la Californie Jerry Brown, de l’ancien maire de New York Michael Bloomberg ou de la coalition « Nous sommes toujours dans l’Accord de Paris » (« We are still in »), qui poursuivent l’action climatique aux États-Unis, malgré les obstacles. Il reste à voir si ce leadership se traduira concrètement par de nouvelles actions sur le terrain. De nombreuses opportunités de faire connaître les actions en faveur du climat se présenteront, ce qui permettra d’évaluer la dynamique du Plan mondial d’action pour le climat et les progrès qu’il peut engendrer.
Les négociations à venir doivent remplir deux missions importantes : faire progresser le squelette actuel du règlement de l’Accord de Paris, et concevoir le Dialogue facilitatif. Si beaucoup s’attendent à une COP technique – des négociateurs s’interrogeant sur une formulation consensuelle du règlement –, elle devrait également aboutir à un autre résultat qui ne sera pas négocié en tant que tel : la conception du Dialogue facilitatif, par lequel les Parties dresseront collectivement l’année prochaine le bilan de leurs efforts en matière de climat ; conçu de manière solide et appropriée, ce Dialogue pourra déjà aider à créer les conditions permettant aux Parties de revoir à la hausse leur ambition climatique.
En ce qui concerne le règlement, les progrès réalisés lors des précédentes conférences sur le climat ont été faibles mais continus, et les questions qui restent à résoudre comprennent notamment : le cadre de transparence, la communication sur l’adaptation, les indications pour les NDC ou la conception du Bilan mondial (Global stocktake) ainsi que les questions relatives à la mise en œuvre et la conformité [1]. Même si le règlement ne sera pas finalisé avant la COP24, la réussite sera évaluée à partir des avancées réalisées sur un ensemble de règles communes pour tous et suffisamment flexibles en fonction des capacités des pays.
À l’issue de consultations approfondies avec les Parties et les acteurs non-étatiques, la présidence fidjienne aura la lourde tâche de proposer la conception d’un dialogue, processus qui ne se limitera pas à un seul moment de la COP24.
Ce processus comprendra probablement une phase préparatoire lors de la prochaine session de Bonn début 2018 et une phase politique pendant la COP24. Pour accompagner la réalisation des progrès nécessaires, la présidence fidjienne a introduit le concept de Talanoa, qui fait référence à une conversation à bâtons rompus au fil de laquelle les idées sont partagées et la confiance fondée sur la compréhension mutuelle et l’empathie.
Rappelons que les niveaux d’ambition actuels sont loin d’être suffisants : il est ainsi urgent que les bonnes incitations soient en place pour que les Parties veuillent réviser leurs NDC, et que les bonnes opportunités soient disponibles pour qu’elles puissent effectivement présenter des contributions plus ambitieuses avant 2020.
Dans l’ensemble, cette COP sera probablement beaucoup plus importante et symbolique que beaucoup ne le reconnaissent, car elle donne le coup d’envoi d’une séquence politique de trois ans au cours de laquelle les sommets sur le climat se multiplieront : quelques semaines seulement après la COP23, le Président Macron invitera le 12 décembre le monde entier à Paris afin de célébrer le deuxième anniversaire de l’Accord de Paris et de mobiliser le financement climatique pour une transformation résiliente et sobre en carbone, réelle et profonde.
Moins d’un an plus tard et seulement quelques mois avant la COP24, le gouverneur californien Jerry Brown entend rassurer le monde sur le fait que l’ambition climatique américaine ne s’est pas affaiblie mais est passée du niveau fédéral au niveau national et local [2]. Enfin, le secrétaire général des Nations Unies promet un autre sommet en 2019.
Cette profusion de réunions devrait aider à mettre clairement en évidence l’insuffisance des efforts existants et créer une nouvelle dynamique d’ambition.
Mais la notion même d’ambition, souvent limitée aux niveaux d’émission cumulée des pays, souffre d’un manque de reconnaissance globale, qui permettrait aux pays de s’engager dans une discussion constructive [3]. Ce n’est qu’en adoptant une approche plus large – et une vision plus riche, plus opérationnelle et donc plus efficace – que les décideurs pourront relever leur niveau d’ambition, en envisageant les transformations sectorielles à long terme nécessaires pour conduire la décarbonation [4]. La COP23 semble être le bon moment pour aborder cette question et lancer la réflexion sur l’ambition dans une perspective multidimensionnelle.
Judith Voss-Stemping et David Levaï, Directeur Programme Climat – Négociations internationales pour le changement climatique IDDRI
[1] Biniaz, S. (2017). Analyse critique de l’article 15 de l’Accord de Paris : faciliter la mise en œuvre et promouvoir la conformité. Iddri, Policy Briefs N°10/17.
[4] Transports Deep Decarbonization Pathways Project Consortium (2017, à paraître). Beyond emission targets: how to decarbonize the passenger transport sector. Iddri, Policy Briefs N°13/17.
En amont de la COP23, l’Iddri a proposé des analyses et des recommandations sur la façon de promouvoir l’action climatique sectorielle comme moyen de relever l’ambition nationale et mondiale. Par ailleurs, l’Iddri organisera et participera à plusieurs événements à Bonn.
Photo : Iles Fidji
Pour aller plus loin :
– Dossier thématique des Annales des Mines « Quel financement efficace des Objectifs de développement durable (ODD) ? » par Françoise ROURE, Contrôleur général économique et financier, présidente de la section « Sécurité et risques » du Conseil général de l’économie (ministère de l’Économie et des Finances) et Mireille CAMPANA, Ingénieure générale des mines, Haut fonctionnaire au Développement durable – Conseil général de l’économie.
Collection Réalites industrielles, Octobre 2017.
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