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Le changement climatique pourrait libérer des millions de tonnes de mercure piégés dans le pergélisol. Et ce n’est pas une bonne nouvelle. Cela pourrait même être catastrophique pour la santé humaine et les écosystèmes du monde entier.
Selon une étude publiée le 5 février dans la revue Geophysical Research Letters, des chercheurs ont mesuré les concentrations de mercure dans les carottes de pergélisol de l’Alaska et ont estimé la quantité de mercure piégée dans le pergélisol au nord de l’équateur depuis la dernière période glaciaire.
L’étude révèle que les sols du pergélisol du Nord sont le plus grand réservoir de mercure de la planète, stockant près de deux fois plus de mercure que tous les autres sols, l’océan et l’atmosphère réunis.
Et si les températures mondiales continuent d’augmenter, ce qui semble inévitable du fait du changement climatique, tout ce mercure pourrait s’échapper de sa prison de glace.
En géologie, le pergélisol est défini comme tout sol gelé depuis plus de deux ans. Dans l’hémisphère Nord, le pergélisol représente environ 22,79 millions de kilomètres carrés de terres – soit environ 24 pour cent de la surface de la Terre. Au fil du temps, le mercure naturel présent dans l’atmosphère se lie aux matières organiques du sol, est enterré par les sédiments et se fige dans le pergélisol. Ceux-ci restent piégés sous terre pendant des milliers d’années tant que les températures ne se radoucissent et qu’il ne dégèle.
Ce dégel du pergélisol pourrait libérer une grande quantité de mercure qui pourrait affecter les écosystèmes partout dans le monde. Le mercure s’accumule dans les chaînes alimentaires aquatiques et terrestres et a des effets nocifs sur la santé neurologique et reproductive des animaux.
« Si tout restait gelé, Il n’y aurait aucun problème environnemental ; mais nous savons que la Terre se réchauffe. », a déclaré l’auteur de l’étude Paul Schuster, hydrologue à l’ U.S. Geological Survey à Boulder, au Colorado. « Cette découverte change toute la règle du jeu. »
Dans le cadre de l’étude, les chercheurs ont foré 13 carottes de sol de pergélisol provenant de divers sites en Alaska entre 2004 et 2012. Ensuite, ils ont mesuré les quantités totales de mercure et de carbone dans chaque échantillon et ont constaté que leurs mesures concordaient avec les données publiées sur le mercure dans les sols non pergélisolés et pergélisolés de milliers d’autres sites dans le monde. Ils ont ensuite utilisé les valeurs observées pour calculer la quantité totale de mercure stockée dans le pergélisol de l’hémisphère Nord et ont créé une carte des concentrations de mercure dans la région.
L’étude a également révélé que tous les sols gelés et non gelés des régions nordiques du pergélisol contenaient un total combiné de 1 656 gigagrammes de mercure, ce qui en fait le plus grand réservoir connu de mercure de la planète.
Les chercheurs ont déjà observé la fonte du pergélisol à cause des changements climatiques. Le processus ne fait que commencer. Selon une étude de 2013, l’hémisphère Nord perdra entre 30 et 99 % de son pergélisol d’ici 2100, en supposant que les émissions de gaz à effet de serre des humains continuent au rythme actuel. Des études antérieures ont tenté de prendre en compte les milliards de tonnes de dioxyde de carbone, de méthane et même des virus géants qui pourraient être libérés dans l’air et les océans par la fonte du pergélisol. L’impact environnemental d’une fuite de mercure à grande échelle demeure toutefois un problème imprévisible.
Cartes des concentrations de mercure (microgrammes de mercure par mètre carré) dans les zones de pergélisol de l’hémisphère Nord
pour quatre couches de sol: 0-30 centimètres, 0-100 centimètres, 0-300 centimètres et pergélisol.
Selon Edda Mutter, directrice scientifique du Yukon River Inter-Tribal Watershed Council, qui a participé à l’étude, le mercure piégé pourrait s’infiltrer dans les cours d’eau et se transformer en méthylmercure, une puissante neurotoxine qui peut causer des troubles moteurs et des anomalies congénitales chez les animaux. Une telle contamination pourrait se propager rapidement dans la chaîne alimentaire, depuis les micro-organismes jusqu’aux humains, craint la scientifique.
Les rejets de mercure pourraient avoir des conséquences mondiales considérables. Le mercure rejeté dans l’atmosphère peut parcourir de grandes distances et affecter les communautés et les écosystèmes à des milliers de kilomètres du site de rejet. Paul Schuster croit que les recherches de son équipe donnent aux décideurs et aux scientifiques de nouveaux chiffres pour travailler avec leurs modèles et les calibrer à mesure qu’ils commencent à étudier plus en détail ce nouveau phénomène. Il a l’intention de publier une autre étude sur la modélisation des rejets de mercure provenant du pergélisol en raison des changements climatiques, et a déclaré que ce travail change la perspective des scientifiques sur le cycle mondial du mercure.
« Que se passera-t-il si le pergélisol dégèle ? Jusqu’où ira le mercure dans la chaîne alimentaire ? Ce sont des questions générales auxquelles nous devons répondre. » dit le scientifique. Et il a raison car le pergélisol pourrait fondre à vue d’œil dans les prochaines années.
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