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Ceux qui ont choisi de passer leurs vacances dans les Alpes et de crapahuter des les montagnes s’en sont sans doute aperçus cet été. Les panoramas sont aussi éblouissants, le Mont-Blanc aussi majestueux, mais il y a quelque chose de bizarre, d’inhabituel. Les montagnards qui aiment grimper sur les sommets enneigés ne retrouvent plus leurs paysages familiers. Le changement climatique est plus que jamais directement observable en haute montagne.
Le signe le plus visible de l’avancée du réchauffement climatique est le recul continu des glaciers. « Dans les Alpes, les surfaces glaciaires ont diminué de moitié entre 1900 et 2012 avec une forte accélération des processus de fonte depuis les années 1980 », explique au Guardian Jacques Mourey, alpiniste et scientifique qui étudie l’impact du changement climatique sur les montagnes au-dessus de Chamonix. La Mer de Glace, l’un des grands hotspots touristiques de la Savoie, est aujourd’hui méconnaissable. « La Mer de Glace fond aujourd’hui à un rythme d’environ 40 mètres par an et a perdu 80 mètres de profondeur au cours des vingt dernières années », explique le glaciologue Luc Moreau.
L’autre impact visible, et particulièrement dangereux, du changement climatique est le descellement des roches qui entraîne la chute des pierres. Les chamoniards ont recensé plus de 550 chutes de pierres sur le seul massif du Mont Blanc entre 2007 et 2015. La raison se trouve dans le pergélisol, cette matière glacée qui se trouve dans les fissures des rochers et les cimente entre eux. Au fur et à mesure que le permafrost fond, des pans entiers de la montagne se retrouvent déstabilisés et sont susceptibles de s’effondrer.
C’est ce qui s’est passé de façon spectaculaire, avec l’effondrement en 2005 du pilier Bonatti, une colonne massive de roche, lieu emblématique de la région et terrain d’escalade mythique pour de nombreux passionnés de la montagne. Pour les alpinistes, c’est un peu comme si la Tour Eiffel s’était effondrée.
Ces signes témoignent d’un réchauffement climatique qui se produit ici, en haute montagne, à vitesse accélérée par rapport à d’autres lieux sur la planète. Un changement climatique qui transforme les lieux et rend obsolète les cartes des chemins d’escalade jusqu’alors utilisées pendant des décennies par les montagnards. Les chemins d’accès aux refuges sont modifiés car les anciens deviennent singulièrement dangereux. La multiplication des chutes de pierres ont ainsi conduit les autorités à prendre des mesures de fermetures de certains sentiers, d’ouverture de nouvelles voies plus sûres, de construction de ponts de style himalayen et d’échelles fixes pour assurer les passages difficiles et dangereux.
Le réchauffement climatique en haute montagne fait des victimes. Cinq morts en août dans le massif du Mont Blanc. Parmi eux des guides renommés et des amateurs éclairés de la montagne, pas des touristes inconscients qui se seraient aventurés sur des voies incertaines. En août 2017, c’est trois millions de mètres cubes de pierres qui ont dévalé sur le village Suisse de Bondo, dévastant tout sur leur passage. Pour les alpinistes, la montagne devient plus dangereuse en été qu’en hiver. Certaines voies sont de vrais coupe-gorges disent-ils, avec des chutes de pans entiers de roches. Catherine Destivelle, qui fut le plus grand nom de l’escalade française au féminin confie au Monde : « J’ai peur. Ça s’écroule partout. A Tête Rousse, ça tombe tous les trois jours. Et pas des petits rochers, des tables entières ! C’est horrible. »
Ludovic Ravanel, membre de la Compagnie des guides de Chamonix et chercheur au CNRS observe depuis plusieurs années les courbes de températures de la région. Des courbes qui s’affolent affirme-t-il : « On assiste à des pétages de scores. Plus 2,1 °C à Chamonix en soixante-dix ans, peut-être 6 ou 7 autres degrés d’ici à la fin du siècle. Sachant que les milieux montagneux se réchauffent deux à trois fois plus vite que le reste de la planète, que va-t-il rester des Alpes ? »
Les amoureux de la montagne sont dépités. D’autant que rien ne semble fait pour arrêter ou au moins tenter d’enrayer le phénomène. La Vallée de l’Arve près de Chamonix est aussi polluée que le périphérique parisien, avec ses 550 000 camions qui la traversent pour emprunter le Tunnel du Mont-Blanc. Au rythme où vont les choses, certaines zones hautement touristiques, qui sont des sources de revenus considérables pour la région, vont se retrouver condamnées. C’est notamment le cas de l’Aiguille du Midi dont on ne cesse de recenser les effondrements de rochers mais qui accueille néanmoins 500 000 visiteurs par an, acheminés par un téléphérique culminant à 3800 m d’altitude. Pour les autorités, pas de risque – immédiat. Mais la situation se dégrade très vite.
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