Le projet de loi censé reprendre les propositions de la Convention citoyenne pour le climat, est présenté en conseil des ministres ce 10 février. Emmanuel Macron compte sur cette loi pour « verdir » le bilan de son quinquennat à un an de la présidentielle ; mais il peine à convaincre face au feu croisé des critiques venues de toutes parts : des écologistes, des milieux d’affaires, des ONG et même du Conseil économique, social et environnemental (CESE), la troisième assemblée constitutionnelle, composée des représentants des corps intermédiaires et de la société civile, qui a émis un avis pour le moins critique.
Pour le chef de l’Etat, le texte « climat et résilience » représente la finalisation du pari qu’il avait lancé au printemps 2019 en annonçant la création de la Convention citoyenne pour le climat (CCC). Depuis, Emmanuel Macron s’est à plusieurs reprises engagé vis-à-vis des 150 citoyens tirés au sort, qu’il a rencontrés à trois reprises. « C’est clairement l’un des textes de loi sur lesquels il s’est le plus investi », souligne un conseiller.
C’est aussi l’un des sujets sur lesquels il se montre très chatouilleux lorsque son action est mise en doute. « Je n’ai pas de leçons à recevoir !« , lance-t-il le 4 décembre sur le média en ligne Brut. « Aucun gouvernement n’a fait autant pour l’écologie !« , affirme-t-il ensuite lors de sa dernière rencontre avec les membres de la CCC à la mi-décembre. « Je suis vraiment très en colère contre des activistes qui m’ont aidé au début et qui disent maintenant qu’il faudrait tout prendre« , s’était écrié en décembre Emmanuel Macron, en faisant référence aux militants qui regrettent que l’ensemble des propositions ne soit pas retenu tel quel.
Cette incompréhension dure depuis le début du quinquennat. « Pour les écologistes, on n’en fera jamais assez. Et pour beaucoup d’autres, notamment dans l’industrie, on en fait trop« , constate un membre du gouvernement. « Le compte n’y est pas« , regrettent ainsi mardi une centaine d’associations de défense de l’environnement ou de lutte contre la pauvreté, dont Greenpeace, la Fondation Nicolas Hulot, la Fondation Abbé Pierre ou la CFDT. En appelant Emmanuel Macron à « redonner vie à l’ambition initiale de ce projet de loi« .
Pour leur part, les milieux d’affaires s’inquiètent de dispositions du texte qui pourraient entraver l’activité économique dans le contexte déjà préoccupant de la crise du Covid-19. Sont cités le délit d’écocide, l’interdiction de la publicité pour les énergies fossiles ou celle des vols sur toute liaisons de moins de 2H30 en train. « Le secteur aérien traversant une crise historique, ce n’est pas avec de nouvelles contraintes qu’il sortira la tête de l’eau pour un gain environnemental très minime« , affirme un industriel.
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Un débat ardu en perspective
En raison de la diversité des enjeux, le débat parlementaire, prévu sur trois semaines à la fin mars, s’annonce ardu. « Ce sera le dernier texte compliqué du quinquennat« , prévoit un membre du gouvernement, en craignant « une foire aux amendements » qui pourraient déborder du texte pour porter sur les sujets inflammables de la 5G ou du glyphosate.
Un débat qui ne commence pas sous les meilleurs auspices, tant les attentes sont grandes dans la société civile sur les mesures à prendre face à l’urgence climatique. Jean-François Julliard, directeur de Greenpeace France rappelant le jugement de « l’Affaire du siècle » appelle le gouvernement à cesser « de mener tout le monde en bateau avec des mesurettes sans impact réel ».
La plupart des ONG et défenseurs de l’environnement de la société civile réaffirment la nécessité de rendre ce texte de loi plus ambitieux. L’urgence climatique impose de décarboner notre économie et notre modèle de société ; seules des mesures volontaristes pourront y parvenir. Or le gouvernement se voit reproché des jokers à répétition brandis face aux propositions de la convention citoyenne pour le climat. Autant de renoncements qui font grandir le ressentiment.
Sont ainsi citées des propositions de la CCC, promptement enterrées par le gouvernement : l’interdiction des publicités qui incitent à la consommation de produits polluants, l’abandon du traité de libre-échange CETA qui menace l’agriculture paysanne, le moratoire sur les nouvelles zones commerciales et les entrepôts de e-commerce. Ces reculades sont vues comme un refus du gouvernement de mettre en œuvre des régulations trop contraignantes et transformationnelles du secteur industriel.
En matière de transport, qui est le secteur produisant le plus de gaz à effet de serre, juste après l’industrie agro-alimentaire, les ONG comme Greenpeace parlent d’imposture. Elles exigent une réelle interdiction des projets d’extension d’aéroports, le renforcement de la disposition interdisant les vols intérieurs et un plan ambitieux de relance du secteur ferroviaire, ce dernier point étant totalement absent du projet de loi.
Toutes ces questions devraient être soulevées lors du débat parlementaire par la gauche et les écologistes, forts de leurs succès aux dernières municipales, tandis que Les Républicains promettent d' »être dans une logique offensive » pour promouvoir une « écologie incitative et non punitive« . Le Rassemblement national prône pour sa part une écologie « enracinée » en cohérence avec son discours identitaire. Il va faire chaud dans les hémicycles avant l’adoption de cette loi prévue cet été.
Avec AFP