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Les calottes sont cuites

Les calottes sont cuites

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Les jeunes qui ont manifesté ce 15 mars dans tous les grands pays du monde pour le climat ont montré leur détermination mais aussi leur sens des formules chocs. L’une d’entre elles fleurissait sur les pancartes brandies. Nous l’adoptons pour rendre compte d’un rapport (un autre, encore) publié par l’ONU sur l’état de l’Arctique. Un rapport alarmant qui ne peut malheureusement se résumer que par une formule : c’est cuit. Il est déjà trop tard pour l’Arctique qui se réchauffera de 3 à 5° C d’ici seulement 25 ans, le temps d’une génération. De cette génération qui s’insurge contre un scénario inéluctable : montée des eaux, emballement climatique et menaces sur l’ensemble de la planète.
 
Le rapport de l’ONU publié ce 13 mars n’est pas d’une gaieté folle. Bourré de cartes et de chiffres il nous montre que la situation de l’Arctique a atteint un stade d’irréversibilité. Ce continent blanc du Nord enregistre une hausse spectaculaire des températures. Les derniers relevés datent de 2005. Depuis, les enregistreurs de températures se sont affolés et établissent des prévisions sur lesquelles personne n’aurait osé parier : 3 à 5° d’augmentation d’ici 2050 et 5 à 9° d’ici 2080.
 

Il n’y a plus rien à faire

Les scientifiques sont formels : la banquise arctique a fondu de 40 % depuis 1979. A ce rythme, la glace pourrait avoir disparu, en été, en Arctique, dès les années 2030. Cette fonte est si importante qu’elle représenterait, à elle seule une part importante (30 %) de l’élévation du niveau des océans, à l’échelle mondiale.
 
Le drame, c’est qu’il n’y a déjà plus rien à faire pour enrayer cette issue. Même si tous les États du monde étaient pris, tout d’un coup, d’un grand sens de leurs responsabilités et se mettaient à respecter les termes de l’Accord de Paris, cela ne suffirait pas. C’est l’une des conclusions les plus fortes du rapport de l’ONU.
Le problème, c’est que la fonte de l’Arctique ne concerne pas que le Grand Nord. « Ce qui se passe en Arctique ne reste pas en Arctique », a prévenu Joyce Msuya, coéditrice du rapport, à l’occasion de la présentation de ce document. Elle impacte, en cascade, l’ensemble de la planète. Parmi les conséquences attendues, la fonte du permafrost est l’une des plus dangereuses. En effet, en fondant, ce sol gelé va libérer des quantités astronomiques de gaz à effet de serre supplémentaires. Un carburant qui va pousser les moteurs de la machine climatique au-delà du rouge. Or c’est exactement ce que craignent les climatologues : c’est le phénomène d’emballement. Car à ce stade, plus rien n’est ni contrôlable, ni prévisible.
 
Cet emballement climatique va toucher tout ce qui vit. Les populations locales seront les premières affectées, mais aussi la faune et la flore qui n’en sortiront pas indemnes. Si à cela on ajoute les émissions polluantes, les métaux lourds, les microplastiques, les conflits territoriaux, l’invasion de nouvelles espèces, etc. le scénario dont le point de départ se dessine au Pôle n’est pas celui d’une comédie légère.
 

Faut-il céder au fatalisme ?

Faut-il pour autant se laisser aller au fatalisme et à la démobilisation ? Les rapporteurs de l’ONU plaident pour que les objectifs de l’Accord de Paris soient respectés au plus vite. « L’urgence de réaliser les objectifs de l’accord de Paris se manifeste clairement dans l’Arctique, car il s’agit d’une des régions les plus vulnérables et les plus en mutation du monde », alerte, en écho, le ministre finlandais de l’environnement, Kimmo Tiilikainen. « Nous devons considérablement réduire à court terme les émissions de gaz à effet … dans le monde entier ».
 
Dans une tribune publiée dans le journal Le Monde, le secrétaire général des Nations-Unies Antonio Guterres veut croire que nous avons encore un tout petit peu de temps pour redresser la barre : « Il est encore possible de réduire les émissions de carbone en douze ans et de limiter le réchauffement planétaire à 1,5 °C. Si nous poursuivons sur notre voie actuelle, en revanche, les conséquences sont impossibles à prévoir. » Il lance donc un appel à la mobilisation générale, qui rejoint ainsi celui des jeunes manifestants pour le climat : un sommet des gouvernants est fixé en Septembre au siège de l’ONU. Chacun devra venir avec des mesures concrètes, « avec des projets réalistes et concrets destinés à améliorer leurs contributions déterminées au niveau national d’ici à 2020 afin de réduire des émissions de gaz à effet de serre de 45 % au cours des dix prochaines années et d’atteindre l’objectif « zéro émission » à l’horizon 2050. »
 
Sur la table de travail : les énergies renouvelables ; la réduction des émissions ; les infrastructures durables ; l’agriculture durable et la gestion durable des forêts et des océans ; les moyens de résister aux effets des changements climatiques ; l’investissement dans l’économie verte. Antonio Guterres réclame des solutions ambitieuses. En effet, les opinions publiques du monde entier se rendent compte de la gravité de la situation. Alors qu’au niveau individuel, nombreux sont ceux qui ont décidé de changer de comportements, les gouvernements, à peu près partout sur le globe, temporisent, contournent, chipotent, papotent, hésitent, mais ne prennent aucune mesure à la hauteur de la situation.
 
« Dans l’immédiat, il est évident qu’il ne serait pas prudent de compter sur les seuls gouvernements pour accélérer le mouvement. » écrit dans une tribune le politologue néo-zélandais, professeur à IEA de Nantes, Adrian Macey. Mais, selon lui, il ne faut pas sombrer dans le désespoir car il existe quelques lueurs dans ce tableau très sombre.
 

Lueurs d’espoir

Un espoir que l’on trouve en regardant ailleurs que chez les gouvernements.  L’économie mondiale a beaucoup évolué en faveur des énergies propres sous l’effet des progrès technologiques et des conditions du marché. Même en l’absence d’une tarification carbone autre que ponctuelle ou insuffisante, les investissements globaux en centrales électriques à base de sources renouvelables dépassent, de loin, celles à base de sources fossiles. Le coût du solaire continue de chuter, à tel point que dans un grand nombre de pays, le charbon n’est plus compétitif.
 
Lueur d’espoir que l’on retrouve aussi du côté des acteurs non-étatiques : nombre de grandes entreprises, de villes et de collectivités locales s’engagent de plus en plus sans attendre les gouvernements. Une centaine de mégacités de tous les continents collaborent au sein de l’organisation « C40 ». Ces très grandes villes s’engagent à se mettre sur une trajectoire correspondant aux objectifs de l’Accord de Paris. Le groupe « We are still in » (nous sommes toujours impliqués) s’est formé en 2017 en réaction à l’intention du président Trump d’abandonner l’Accord de Paris. Cette alliance comprend plus de deux mille entreprises et presque trois cents villes américaines. Ses membres ont pour but de faire respecter les engagements des États-Unis sur l’Accord de Paris par leurs propres actions.
 
Plusieurs grandes entreprises ont pris, bon gré mal gré, le tournant. Il est vrai que leurs publics, c’est-à-dire leurs consommateurs, les y inciteraient tôt ou tard. C’est le cas de grandes multinationales comme Microsoft, Apple, Starbucks, Unilever, etc ; sans compter toutes les sociétés qui misent aujourd’hui sur la stratégie verte qu’elle soit sincère ou soumise aux mutations du marché. Il suffit de regarder aujourd’hui un écran de publicité à la télévision pour constater le nombre impressionnant de marques qui ont adopté un discours « vert ». Greenwashing peut-être mais, au stade où nous en sommes, tout est bon à prendre.
 
Il faut dire que la pression de la société civile ne cesse de s’accroître. L’urgence climatique est sur toutes les lèvres et chacun s’inquiète à sa manière du niveau des canicules, de la qualité de l’air que l’on respire ou des aliments dont on se nourrit. Chacun comprend plus ou moins confusément que les dix ou quinze années qui sont devant nous sont celles de la dernière chance. Durant ce laps de temps, il faudra revoir tous nos comportements mais aussi nos infrastructures et nos modes de déplacements. Une révolution qui devra combiner aussi, –on le voit en France avec le mouvement des Gilets jaunes – justice sociale et transformations radicales. Les jeunes qui manifestent et s’emparent de cette question ont bien compris que le temps presse et que c’est leur monde à eux qui est en train de se forger, ici et maintenant.
 
Les mentalités changent et c’est ce qui peut changer le monde. Pour s’en persuader il suffit de regarder ces cinq minutes d’extraits d’une émission de télévision de 1979.
 
 
L’émission réunissait quelques grands « explorateurs » comme Haroun Tazieff ou le Commandant Cousteau. Ils débattaient pour la première fois de ce qui est aujourd’hui, malheureusement, notre quotidien. Voyez comme les temps peuvent changer.
 
 

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