Paroles, paroles… Belles paroles, promesses, engagements pris la main sur le cœur. Balivernes, mensonges, larmes de crocodile. Face au dérèglement climatique qui ne cesse de s’emballer, nous n’avons qu’une chose à faire : réduire nos émissions de gaz à effet de serre en abandonnant les combustibles fossiles. Or malgré les engagements de la plupart des dirigeants du monde, les plans de production de charbon, de pétrole et de gaz sont toujours largement incompatibles avec les objectifs de l’Accord de Paris. Le rapport publié ce mercredi par le Programme des Nations unies pour l’Environnement (PNUE), à deux semaines de la conférence climat COP26, est accablant.
Face à l’urgence climatique, le monde ferme les yeux et prévoit d’avancer de plus belle dans l’extraction des énergies fossiles. Le rapport du PNUE, Production Gap Report 2021, révèle que les pays producteurs de pétrole, de charbon ou de gaz vont extraire deux fois plus de combustibles fossiles qu’il ne le faudrait pour respecter leurs engagements de l’Accord de Paris. Deux fois plus ! C’est désarmant. Rien ne semble y faire : ni la montée des températures, les inondations, les feux de forêts, les sécheresses. Rien ne semble tarir l’appétit insatiable de profit et la lâcheté insondable des dirigeants politiques. Les jeunes ont beau hurler, défiler dans les rues, brandir des pancartes, pleurer sur leur futur détruit. Rien n’y fait. Les scientifiques ont beau multiplier les alertes, les prévisions cataclysmiques, ils ont beau montrer que la planète est en train de se dérègler complètement, que nos écosystèmes vivants sont menacés et que des points de rupture sont en passe d’être atteints. Rien n’est entendu. Pas le moindre frémissement de responsabilité face aux générations qui viennent.
Un dangereux décalage
L’accord sur le climat de 2015 vise à limiter le réchauffement bien en deçà de +2°C par rapport à l’ère préindustrielle, si possible à +1,5°C. Et un des leviers d’action pour réduire les émissions est la sortie des énergies fossiles, particulièrement polluantes. « La production mondiale d’énergies fossiles doit commencer à baisser immédiatement et fortement », souligne le rapport réalisé par le PNUE et plusieurs instituts de recherche. Mais les plans de production des gouvernements dans ce secteur sont toujours « en dangereux décalage » avec les objectifs de Paris, a regretté mercredi le Programme des Nations unies pour l’Environnement (PNUE), à deux semaines de la conférence climat COP26.
Les pays « prévoient toujours une augmentation de la production de pétrole et de gaz, et seulement une baisse modeste de la production de charbon d’ici 2040 », a expliqué Ploy Achakulwisut, chercheuse au Stockholm Environment Institute (SEI) et auteure principale du rapport. Résultat, « les plans de production des gouvernements conduiraient à une augmentation d’environ 240% du charbon, de 57% du pétrole et de 71% du gaz en 2030 par rapport à ce qui serait compatible avec une limitation du réchauffement climatique à 1,5°C », a-t-elle insisté.
Au total, si on considère les énergies fossiles dans leur ensemble, les prévisions de production pour 2030 sont plus de deux fois supérieures (110%) à celle compatible avec une limitation du réchauffement à +1,5°C, et 45 % de plus que ce qui serait compatible avec un réchauffement à +2°C.
Selon les experts climat de l’ONU (Giec), pour ne pas dépasser +1,5°C, le monde doit réduire de 45% les émissions de CO2 d’ici 2030, par rapport à 2010, et poursuivre ses efforts pour atteindre la neutralité carbone autour de 2050. Le dernier rapport du Giec en août a mis en garde contre le risque d’atteindre ce seuil de +1,5°C déjà autour de 2030, dix ans plus tôt que prévu.
Malgré ces alertes qui montrent que le temps est compté pour agir et éviter le pire des impacts du réchauffement, l’ampleur de l’écart de production d’énergies fossiles est restée « largement inchangée » par rapport aux évaluations des mêmes chercheurs depuis 2019, note le rapport. Par conséquent, à moins de deux semaines du début de la COP26 de Glasgow, dont un des objectifs est de tout faire pour que l’objectif de +1,5°C reste accessible, l’ONU met une nouvelle fois la pression.
« Lors de la COP26 et au-delà, les gouvernements du monde doivent se mobiliser et prendre des mesures rapides et immédiates pour combler l’écart de production en matière de combustibles fossiles et assurer une transition juste et équitable. L’ambition climatique, c’est cela », a commenté la patronne du PNUE, Inger Anderson.
« Le chemin à parcourir pour parvenir à un avenir énergétique propre est encore long », a regretté de son côté le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres, appelant à transférer tous les financements dédiés aux fossiles vers les énergies renouvelables, pour « promouvoir la décarbonation complète du secteur de l’électricité et l’accès aux énergies renouvelables pour tous ».
Malgré la nécessité de la décarbonation pour atteindre leurs engagements climat, certains pays « accélèrent leurs investissements dans des activités de soutien à la production d’énergies fossiles », a souligné de son côté Michael Lazarus, du SEI. Selon le rapport, depuis le début de la pandémie de Covid-19 début 2020, les pays du G20 ont affecté environ 300 milliards de dollars de financements vers les énergies fossiles, plus que vers les renouvelables. « Même si les plans de relance adoptés par les gouvernements tendent à soutenir de plus en plus les énergies « propres », ils continuent de bénéficier majoritairement aux combustibles fossiles » notent les rapporteurs.
Peut-on encore y croire ?
Les auteurs du rapport du PNUE semblent encore y croire. Ils soulignent le rôle essentiel des gouvernements pour combler l’écart entre les engagements et les actes et les appellent, outre le renforcement des politiques visant à réduire la demande en combustibles fossiles, à également mettre en œuvre des mesures destinées à assurer une sortie organisée et équitable des énergies fossiles. Ils citent un catalogue de mesures comme « Reconnaître, dans leurs plans relatifs à l’énergie et au climat, la nécessité d’abandonner la production d’énergies fossiles », ou « Instaurer des restrictions sur la prospection et l’extraction de combustibles fossiles afin d’éviter de s’enfermer dans des niveaux d’approvisionnement incompatibles avec les objectifs climatiques ». Ils demandent aussi aux gouvernements de « cesser progressivement le soutien public à la production d’énergies fossiles », de « mettre fin aux subventions et aux autres types d’aides », « d’exclure les combustibles fossiles des financements publics, et davantage soutenir un développement bas-carbone ».
Autant de vœux pieux tant l’hypocrisie des dirigeants politiques, inextricablement associés aux grandes compagnies d’hydrocarbures, est grande. Aujourd’hui encore, un rapport scientifique vient d’être publié et fait la une de tous les médias français : le groupe Total tout comme Elf savaient depuis cinquante ans que les combustibles fossiles présentent un danger pour le climat. Ce n’est pas un scoop. On sait depuis longtemps que les grands pétroliers, notamment américains mais aussi français, étaient parfaitement conscients de la toxicité de leur production. Ils le savaient avant nous et l’ont caché, usant de manœuvres et de tromperies pour discréditer tout discours sur le changement climatique. Les pétroliers savaient et les gouvernements dont ils sont les affidés aussi, sans aucun doute. Cinquante ans d’hypocrisie criminelle. Et ça continue.
Avec AFP