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Riverains exposés aux pesticides : des failles très inquiétantes dans la règlementation

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Générations Futures a publié le 22 novembre un rapport exclusif basé sur l’analyse des lignes directrices européennes censées permettre à la puissance publique de protéger au mieux les riverains exposés aux pesticides. Leurs recherches ont permis de découvrir que les distances de non-traitement, ces zones situées entre les habitations et les parcelles agricoles traitées, fixées d’après ces lignes directrices, ne sont pas protectrices des personnes les plus vulnérables et ne couvrent pas toutes les situations réelles.

Pourtant… en février 2022, lors d’une audition à l’Assemblée nationale sur la définition des Zones de Non-Traitement (ZNT), Julien Denormandie, alors ministre de l’Agriculture, rappelait la position du gouvernement : « C’est appliquer la science, la raison et cela permet de fixer des distances de non-traitement adaptées « justes et nécessaires » ». C’est ce que Générations Futures a voulu vérifier dans ce nouveau rapport.

Rappel des faits

La proximité des habitations avec les parcelles traitées avec des pesticides constitue une source non négligeable d’exposition à ces produits par inhalation et par contact cutané, qui vient s’ajouter aux expositions par voie alimentaire.

Suite à l’action juridique et de plaidoyer de Générations Futures et d’autres ONG, la France a mis en place en 2020 des distances de sécurité ou zones de non-traitement (ZNT) entre les parcelles traitées et les zones d’habitation. Ces ZNT peuvent être fixées de deux manières : soit dans l’autorisation de mise en marché (AMM) d’un produit, d’après une évaluation de risque réalisée par l’ANSES suivant un document guide de l’agence européenne EFSA (3, 5 ou 10m). Ces évaluations de risque sont obligatoires pour obtenir l’AMM depuis 2016 seulement. Il existe donc beaucoup de produits sur le marché, autorisés avant 2016, n’ayant pas encore été évalués par l’Anses.
Soit pour gérer les risques pour ces produits n’ayant pas encore fait l’objet d’une évaluation, des dispositions nationales s’appliquent :

  • ZNT de 20 m pour les produits les plus préoccupants (classés cancérogènes, mutagènes ou reprotoxiques (CMR) avérés (catégorie1A) ou présumés (catégorie 1B), les produits considérés comme perturbateurs endocriniens et les produits toxiques ou sensibilisants par inhalation.
  • Pour les autres produits (y compris les CMR 2 (‘possibles’) les ZNT sont de 10 m pour les cultures hautes et 5 m pour les cultures basses. Ces distances peuvent être réduite à 5 et 3 m sous conditions.

Or, en juillet 2021, le Conseil d’État a jugé que les distances fixées par les dispositions nationales étaient insuffisantes pour les produits CMR2, pour lesquels il exige des distances au moins égales à 10 mètres. En réponse à cet avis du Conseil d’Etat, le gouvernement a publié un arrêté le 25 janvier 2022 demandant aux industriels de fournir une évaluation du risque pour les produits CMR2 avant le 01 octobre 2022. Les ZNT de ces produits CMR2 seront définies en fonction du résultat de ces évaluations.

Riverains exposés aux pesticides : des évaluations fiables ?

Le gouvernement justifie cette approche en disant que les évaluations de risque font « appel à la science et à la raison », sont fiables, protectrices, et « permettent de fixer des distances de non-traitement adaptées » et « justes nécessaires ». En effet, selon le gouvernement, appliquer une ZNT de 10 mètres pour un produit CMR2 ne serait pas « nécessaire » lorsque l’évaluation de risque a montré que 3 mètres suffisent. La confiance aux évaluations de risque est donc totale.

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Générations Futures a voulu vérifier ce point par une analyse détaillée des méthodes utilisées pour évaluer les risques et en particulier des règles de l’EFSA, fixées dans ce que l’on nomme des lignes directrices, régissant l’évaluation de l’exposition des riverains aux pesticides et du danger des substances. Pauline Cervan, toxicologue de l’association et rédactrice du rapport, a donc analysé ces lignes directrices censées protéger les populations riveraines et dénonce de nombreuses carences. Elle démontre entre autres que : l’évaluation des risques et les zones de non traitement ne s’appliquent pas à tous les produits ; que certaines voies d’exposition ne sont pas prises en compte ; que les études utilisées dans le modèle sont anciennes, peu nombreuses, et les valeurs « pire cas » retrouvées dans ces études ne sont pas utilisées ; que les durées d’exposition considérées et les conditions météorologiques dans le modèle sous-estiment les expositions réelles ; et enfin, que les caractéristiques physiques des personnes exposées ne sont ni réalistes, ni protectrices pour l’ensemble de la population.

Evaluation des dangers des produits : de nombreuses failles également

L’ONG a également trouvé de nombreuses failles dans l’évaluation des dangers des produits :

  • La base de données d’études utilisée pour dériver les valeurs sanitaires en dessous de laquelle aucun effet néfaste n’est attendu est souvent incomplète
  • Les effets génotoxiques et cancérigènes ne sont pas toujours couverts
  • Les co-formulants présents dans le produit ne sont pas pris en compte
  • L’effet cocktail n’est pas pris en compte.

Conclusion du rapport de Générations Futures

L’évaluation des risques courus par les riverains des zones d’épandages de pesticides est donc entachée de nombreuses incertitudes, sur ces deux aspects que sont l’évaluation de l’exposition et l’évaluation des dangers. L’approche adoptée par le gouvernement de faire confiance à ces évaluations pour fixer les ZNT est donc erronée.

Générations Futures a donc transmis en avant-première ce rapport aux membres du gouvernement concernés. L’association a également effectué une saisine de l’agence sanitaire française (l’ANSES) lundi 21 novembre, ainsi que la Commission nationale de la déontologie et des alertes en matière de santé publique et d’environnement (CNDASPE).

Générations Futures avance un certain nombre de demandes :

  • Les distances de sécurité vis-à-vis des riverains doivent être fixées selon le principe de précaution et non pas selon le résultat des évaluations des risques.
  • Les distances de sécurité doivent être élargies pour tous les produits, et a minima pour les produits classés CMR2 et/ou classés pour leur toxicité chronique.
  • Les épandages doivent être interdits lorsque le vent est supérieur à 10 km/h (2,7 m/s), soit à une force 2 sur l’échelle de Beaufort (et non 19 km/h comme c’est le cas actuellement).
  • Les riverains doivent être informés de manière claire et efficace sur le moment et la nature des épandages.
  • Davantage de moyens humains et financiers doivent être alloués à l’Office Français de la Biodiversité (OFB) pour ses missions de contrôle.
  • Le système de phyto-pharmacovigilance doit être amélioré.
  • Le Gouvernement doit s’engager dans une réelle politique de réduction des pesticides.

« Ainsi, les modèles permettant d’évaluer les risques pour les riverains sont très éloignées de la réalité et ne permettent pas de protéger les plus vulnérables. L’EFSA elle-même a reconnu la plupart des failles décrites dans notre rapport et laisse aux autorités nationales la responsabilité de prendre les mesures de gestion adéquates pour tenir compte de ces incertitudes. » déclare Pauline Cervan, toxicologue chez Générations Futures
« Nous demandons donc à l’Anses et au gouvernement de prendre leurs responsabilités, de reconnaître les limites des évaluations de risque et d’imposer des ZNT bien plus larges. Face à tant d’incertitudes sur les risques encourus par les riverains, le principe de précaution doit s’appliquer ! » conclut-elle.

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