Sonneries de téléphones, alarmes, avions, klaxons, vrombissements de moteurs… notre environnement sonore est de plus en plus assourdissant et le silence est devenu une denrée rare, voire un objet de convoitise. Mais qu’est-ce que le silence et de quoi se prive-t-on lorsque nous n’y avons plus accès ? Enjeu environnemental, social et sanitaire de premier plan, le bruit est un fléau pour le vulgus pecum et le silence une denrée de luxe.
Un enjeu en forme de thème d’une jolie conférence organisée par le Collège des Bernardins fin janvier, dans le cadre d’un cycle Mardi des Bernardins exceptionnel organisé à l’occasion de la 17e édition de La Semaine du Son de l’UNESCO, avec une psychanalyste, un ingénieur acousticien et une moniale : trois regards complémentaires pour appréhender le silence dans tous ses états.
Pollution sonore, acoustique, phonophobie, hyperacousie, misophonie … la liste des mots décrivant les effets néfastes de notre environnement sonore et les symptômes que ceux-ci entraînent sur notre santé sont de plus en plus nombreux. Et pour cause, le bruit, bien plus qu’une simple gêne occasionnée, est aujourd’hui un enjeu environnemental, social et sanitaire de premier plan. Une étude révélée par le journal le Monde, classe ainsi le bruit comme « la seconde cause de morbidité derrière la pollution atmosphérique » parmi les facteurs de risque environnemental en milieu urbain.
Wagons iDzen du TGV, casques anti-bruit, carrés silence au restaurant, retraites en monastère : pour échapper à la cacophonie quotidienne, la quête de calme et de silence peut parfois se négocier (très) cher.
Le silence est-il en train de devenir un produit de luxe ? L’environnement sonore urbain peut-il devenir un nouvel élément de ségrégation sociale ? Le silence a-t-il une valeur ? S’achète-t-il vraiment ? Que recherche-t-on quand on cherche le silence ? Que suscite-t-il ? Que permet-il ?
Le 31 octobre 2017, l’UNESCO a adopté une résolution historique sur l’importance du son dans le monde actuel afin de promouvoir les bonnes pratiques. L’association La Semaine du Son, qui sensibilise le public, les élus et tous les acteurs de la société aux enjeux sociétaux du sonore depuis plus de quinze ans est à l’origine d’une résolution constituante pour le monde entier. Elle est partagée dans plus de 40 villes françaises et à l’étranger : Bruxelles, Namur, Genève, et, à d’autres périodes de l’année, au Mexique, en Colombie, en Argentine, en Uruguay, au Venezuela, au Canada, au Burkina Faso, en Côte d’Ivoire, en Roumanie et bientôt à Cuba.
L’environnement sonore reflète et façonne notre comportement tant individuel que collectif, la productivité et la capacité de vivre harmonieusement tous ensemble. Accorder plus d’importance aux problématiques liées au son, dans notre monde actuel de plus en plus bruyant, devient donc une question vitale.
Extrait de la Résolution 39C/49 de l’UNESCO, adoptée le 31 octobre 2017
Pour chacune des éditions, La Semaine du Son sollicite des personnalités emblématiques du son, de la qualité sonore ou musicale, désireuses aussi de porter ses messages et de les partager avec leur public. Ce fut le cas lors de la soirée-débat du 21 janvier 2020, animée par Didier Pourquery, président de The Conversation France, alors que la 17e édition de la Semaine du Son de l’UNSECO vient de se clôturer ce 2 février.
« Les 4 fonctions du silence », par Cynthia Fleury, philosophe et psychanalyste, professeure au Conservatoire National des Arts et Métiers, titulaire de la Chaire Humanités et Santé (1) :
Véritable porte d’accès au monde, le sonore est un élément d’équilibre personnel fondamental dans notre relation aux autres et au monde. Pour la première fois grâce à l’association La Semaine du son le sonore est considéré dans ses dimensions environnementale et sociétale, médicale, économique, industrielle et culturelle.
Christian Hugonnet, Président fondateur de l’association La Semaine du Son
» La dialectique du micro-silence » par Christian Hugonnet, président de la Semaine du Son :
» Le silence : un chemin pour découvrir le bruit intérieur qui nous habite » par Sœur Cécile, prieure de Paris des Sœurs des Fraternités monastiques de Jérusalem :
S’interroger sur le sens et la valeur des silences avoués, assumés ou regrettés est une occasion de méditer sur les silences ou plutôt l’absence de silence dans nos propres sociétés contemporaines ou dans nos propres existences. Une conférence comme une invitation à se distancer de tous les bruits qui finissent par engloutir notre manière d’exister.
Voir la vidéo complète de la rencontre des Mardi des Bernardins du 21 janvier 2020
(1) Dernier ouvrage paru : « Le soin est un humanisme », éditions Gallimard, 2019