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L’eau comme patrimoine

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L’eau est un bien commun, un patrimoine naturel, l’un des plus essentiels si ce n’est le plus essentiel à la vie humaine, qu’il faut savoir gérer pour en assurer la pérennité. Ce que l’on sait moins, c’est que l’accès à l’eau potable repose sur un patrimoine scientifique et technique, développé par les civilisations humaines depuis la haute Antiquité, perfectionné par l’empire romain puis transmis et généralisé au moins dans tout le monde occidental (1). Un très beau livre magnifiquement illustré et documenté met à l’honneur les patrimoines de l’eau de Paris ; c’est une découverte d’un vaste et surprenant réseau à la fois visible et invisible ; c’est voyager à travers une géographie urbaine et  rurale tout à fait méconnue.

C’est s‘étonner de l’ingéniosité de ces systèmes qui – créés sous le Second Empire, puis modifiés et réutilisée selon les époques et les besoins – permettent à trois millions de Parisiens, chaque jour de l’année, d’accéder à l’eau potable, ce bien commun si précieux.

Le livre Les patrimoines de l’eau, qui sortira le 12 septembre prochain, évoque l’histoire de ces patrimoines – naturel, architectural, technique et humain – qui assurent la production et la distribution de l’eau dans la capitale mais il explique aussi comment la gestion de l’eau de ce riche héritage est une promesse d’avenir.

Un peu d‘histoire …

Nommé Préfet de la Seine le 23 juin 1853 par Napoléon III, Georges Eugène Haussmann (1809-1891) obtient du Conseil de Paris qu’il vote un important programme d’alimentation en eau de la capitale et d’évacuation des eaux usées. Il en confie la réalisation à Eugène Belgrand, ingénieur de l’Ecole nationale des ponts et chaussées, avec lequel il a déjà conçu et travaillé lorsqu’il était préfet de l’Yonne. 

« Fournir en abondance de l’eau salubre aux diverses parties d’une grande ville et l’y distribuer avec régularité, jusque sur les points culminants, est un tel bienfait, que les travaux accomplis dans ce dessein comptent parmi les actes considérables des souverains les plus glorieux, et tiennent une place durable dans la mémoire des hommes. » Georges-Eugène Haussmann. Mémoires du baron Haussmann, t.III, Grands travaux de Paris, Paris, Victor Havard, 1893, p. 111 et p. 260-262.

En 1856, Eugène Belgrand (1810-1878) prend la direction du service des Eaux de la Ville de Pari, puis la direction des Eaux et Egouts en 1867, créée par Haussmann.

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Les deux hommes défendent la création des deux réseaux dissociés de distribution, le « service public » et le « service privé », ce dernier étant alimenté principalement en eaux de source, réduisant ainsi la part d’eaux de rivière dans la consommation d’eau potable. Ce schéma d’approvisionnement global en eau constitue l’ossature du système moderne et contribue quotidiennement à garantir l’alimentation en eau de Paris.

Un patrimoine architectural remarquable et vivant

Ce qui caractérise le patrimoine architectural d’Eau de Paris, c’est sa diversité : édifices et galeries souterraines aménagées sur le lieu de captage des sources, aqueducs, usines, réservoirs, fontaines, …

En outre, ce patrimoine n’et pas figé. Certains bâtiments évoluent, aussi bien dans leur architecture que dans leur fonction. Il ne s’agit donc pas de « patrimonialiser » les monuments mais bien de respecter leur caractère historique en les adaptant aux besoins du service public aujourd’hui.

« La rêverie naturelle gardera toujours un privilège à l’eau douce, à l’eau qui rafraîchit, à l’eau qui désaltère »

Gaston Bachelard – L’eau et les rêves

L’eau patrimoine commun

L’eau est au cœur du développement durable. Les ressources en eau, ainsi que la gamme de services qu’elles peuvent rendre, doivent contribuer à la réduction de la pauvreté, à la croissance économique et à la sauvegarde de l’environnement. De la nourriture et la sécurité énergétique à la santé humaine et environnementale, l’eau doit permettre l’amélioration du bien-être social et une croissance équitable, affectant les moyens de subsistance de milliards d’individus.

L’une des cibles de l’objectif de développement durable (ODD) consiste à assurer, d’ici à 2030, l’accès de tous à l’eau et une gestion durable des ressources en eau. Concrètement, cela signifie qu’il ne faut laisser personne de côté.

Aqueduc de L’Avre – Intérieur de l’aqueduc de l’Avre lors d’une visite d’inspection.
© Pascal Lemaître

Annoncée par le Président de la République le 24 novembre 2018 lors du Congrès des maires, la première séquence des Assises de l’eau consacrée aux services d’eau et d’assainissement a permis d’engager une large concertation inédite avec les élus locaux à travers une consultation en ligne des maires (2500 réponses), mais aussi mais aussi des échanges sur le terrain au sein des comités de bassin et d’annoncer 17 mesures de rénovation des réseaux pour une eau de qualité.

Cette démarche a dégagé plusieurs besoins pour permettre aux élus d’améliorer l’exercice de cette compétence : 64 % estiment qu’ils ont besoin de l’accompagnement de l’État (monter des projets locaux avec de l’ingénierie technique et juridique). Ils manifestent une attente de financement des agences de l’eau ou des banques pour le renouvellement des infrastructures ; 42 % font le constat d’un déficit de connaissance des réseaux d’eau et d’assainissement.

Un diagnostic parallèle à partir des données renseignées par les collectivités dans le système d’information sur les services publics d’eau et d’assainissement (SISPEA) en 2016 a révélé que seuls 50 % des services d’eau et 40 % des services d’assainissement publient leurs données. Même si cela représente plus de 75 % de la population desservie, ces chiffres montrent la nécessité de consolider les données sur l’état de service ; 1 litre sur 5 se perd dans les réseaux d’eau (moyenne nationale : rendement de 79,6 %), mais on observe surtout de forts contrastes selon les services.

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Dans ce contexte, le Gouvernement a décidé de mobiliser les acteurs publics (agences de l’eau, collectivités locales, Caisse des dépôts et consignation) et les acteurs privés (entreprises du secteur de l’eau, banques) pour relancer l’investissement dans les territoires pour permettre de réduire les fuites d’eau et améliorer la gestion des réseaux, tout en assurant une distribution d’eau de qualité en France.

Les Assises de l’eau veulent permettre d’accélérer le renouvellement des installations d’eau en divisant par deux la durée du cycle de renouvellement des canalisations, tout en visant parallèlement la relance des investissements (usines d’eau potable ou d’assainissement, canalisations…) qui passeront à 41 milliards d’euros sur la période 2019-2024 (contre 36 milliards prévus avant les Assises sur la même période).

Et, justement, Eau de Paris s’inscrit résolument dans la démarche des objectifs de développement durable. En 2015, les 193 Etats membres des Nations unies ont adopté l’Agenda 2030 dont les 17 objectifs de développement durable constituent la pierre angulaire. Parmi ces objectifs, le sixième, dénommé « Accès à l’eau salubre et à l’assainissement » concerne directement l’eau de Paris.

L’eau dans la ville de demain

Fontaine Wallace – Enfant buvant l’eau d’une fontaine. Jusqu’en 1952, un gobelet en étain ou en fer-blanc fixé par une chaînette permettait de boire aux fontaines.
© Roger-Viollet

L’heure est au rafraîchissement de la ville, notamment de ses îlots de chaleur. Parmi les pistes de réflexion, le projet Aéro-Seine vise à arroser les rues et pas seulement les caniveaux, comme cela se pratique déjà. Avec le « Water Reuse » ou usage des eaux usées traitées, la réflexion devient prometteuse. Selon les projections réalisées, en arrosant les surfaces ensoleillées, le matin avant 10 heures et l’après-midi après 16 heures, à raison de 1 litre par mètre carré toutes les 3 minutes, la température diminuerait l’après-midi d’environ 4°C, à l’intérieur du périmètre situé autour de la bouche de rafraîchissement. Les parisiens plébiscitent des revêtements adaptés pour les rues qui permettraient l’infiltration des eaux de pluie, ainsi que des brumisateurs qui vaporiseraient une fine bruine très peu consommatrice en eau en cas de fortes chaleurs.

Dans l’appel à projets « Réinventer Paris », la Société Winereef, avec l’architecte Miguel Montouro, a été élue lauréate avec son projet de chai subaquatique pour la toiture de deux bassins du réservoir d’eau non potable du quartier de Passy. Il s’agira de faire de la vinification dans ces réservoirs qui seront ouverts au public. Il est aussi prévu une fosse de plongée, une halle alimentaire et de l’agriculture urbaine.

Comme l’explique Anne Hidalgo, Maire de Paris, en préface de l’ouvrage, « L’eau est ce que nous avons en partage. Un bien commun à préserver à l’heure où le réchauffement climatique fait sentir ses effets […] L’eau est ce qui nous relie, en tant qu’humains et en tant que communes. Comme l’air, elle ne connaît pas de frontière et nous rappelle que, d’amont en aval du fleuve, nous formons une seule communauté, un même territoire […] »

Pour Célia Blauel, Présidente d’Eau de Paris, « Parce que l’eau de Paris est aussi l’eau d’ailleurs, venue de territoires parfois lointains, toujours contrastés mais tous reliés à la capitale. Les patrimoines parisiens de l’eau s’inscrivent dans une géographie exceptionnelle, rurale et urbaine, naturelle et humanisée. Ils constituent ainsi une puissante invitation au voyage. »

L’ouvrage Les patrimoines de l’eau nous fait ainsi voyager au fil de l’eau sur plusieurs sites historiques et patrimoniaux, avec les mots et textes de l’historien Guillaume Picon (2), spécialiste de l’étude d’archives institutionnelles, pour découvrir ce qui a donné naissance à un riche patrimoine architectural, naturel, technique et humain.

Les patrimoines de l’eau – Textes de Guillaume Picon – Editions du patrimoine – A paraître le 12 septembre 2019

  1. Benjamin Gestin, Directeur général chez Eau de Paris  
  2. Guillaume Picon est historien français spécialiste de l’étude d’archives institutionnelles. Il est également éditeur et commissaire d’exposition et a écrit de nombreux ouvrages tels que : Le petit livre des rois de France (Editions du Chêne), Un jour à Fontainebleau, et plus récemment, Château de Villette, Fastes d’un décor à la française (Edition Flammarion).

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